Inquiétude malgache
Une nouvelle Révolution orange dans le monde ? La légitimité de la rue face à la légitimité constitutionnelle. Nouvelle inquiétude dans l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Madagascar vit sa troisième période de fortes turbulences après les "révolutions" populaires de 1991 et de 2002.
De nouvelles manifestations populaires contre le pouvoir
Dans la capitale, Tananarive, depuis plusieurs jours, des événements sérieux ont lieu entre le pouvoir du Président Marc Ravalomanana (ancien maire de Tananarive et patron d’une des plus puissants groupes industriels malgaches) et l’opposition politique qui dénonce la façon autocratique du pouvoir qui piétine la Constitution malgache et la vente de "terre des ancêtres" (Tanindrazana) pour l’exploitation agricole à la Corée du Sud (à Daewoo) et au Japon.
Les opposants reprochent à Marc Ravalomanana d’être devenu aussi "dictateur" que son prédécesseur et adversaire politique Didier Ratsiraka, ancien tyran communiste revenu au pouvoir par des élections démocratiques. Ils lui reprochent notamment le népotisme et la corruption, ainsi que l’élimination de ses adversaires politiques par d’opportuns contrôles fiscaux.
Le samedi 24 janvier 2009, près de 500 000 personnes ont manifesté dans les rues de Tananarive (qui compte un peu moins de 2 millions d’habitants), ce qui est une opération de grande envergure.
Combat personnel entre deux hommes ?
L’opposition est menée par le jeune maire de Tananarive (élu en décembre 2007) Andry Rajoelina, prêt à assurer la transition du pouvoir. Comme en Ukraine et comme en Géorgie, l’orange a été choisie comme couleur fétiche à l’instar du MoDem de François Bayrou.
Le déclencheur de cette agitation a été l’interdiction, le 13 décembre 2008, par le pouvoir, de la télévision Viva émise par les partisans d’Andry Rajoelina pour avoir diffusé une interview de Didier Ratsiraka (exilé en France depuis 2002).
De retour d’un déplacement en Afrique du Sud, le Président Marc Ravalomanana avait donné l’ordre dimanche 25 janvier 2009 à son Premier Ministre, le général Charles Rabemananjara, de recourir à la force « au nom de la Constitution » et d’arrêter Andry Rajoelina, le maire de la capitale, accusé d’appel à la désobéissance civile et à la grève générale aggravée d’une tentative d’attentat.
Risques d’escalade
Des locaux de la radio-télévision nationale ont été incendiés par des opposants ce lundi 26 janvier 2009 lors d’émeutes.
La situation est très incertaine et l’ambassade de France à Tananarive recommande même de ne pas circuler au centre ville de la capitale (la France n’a plus d’ambassadeur depuis le 14 juillet 2008).
Des militaires sillonnent la Haute-Ville à Tananarive où se trouvent les émetteurs de radios et de télévision ainsi que l’habitation du maire et de sa famille. Ce dernier a appelé l’armée à se ranger derrière le peuple.
Ouverture internationale
Autre raison de cette agitation, la tenue du futur sommet de l’Union africaine en juillet 2009 à Ivato (au nord de Tananarive, près de l’aéroport international).
Le premier semestre de 2009 risque donc d’être très mobilisateur pour l’opposition avec la visibilité médiatique accrue en raison du sommet africain, à l’instar de la résistance tibétaine lors des Jeux Olympiques de Pékin en août 2008.
Appels au calme
Aujourd’hui, tout le monde craint que les autorités tirent dans la foule. Il y a déjà eu un mort dans des émeutes le 26 janvier 2009.
Heureusement, ce 27 janvier 2009, le maire Andry Rajoelina a décidé de suspendre les manifestations et le Président Marc Ravalomanana calme aussi le jeu en appelant au dialogue.
Espérons que le sang-froid soit préservé dans un pays insulaire très majoritairement pacifiste.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 janvier 2009)
NB : Éventuellement, je reviendrai par la suite plus précisément sur la situation de politique intérieure à Madagascar au cours d’autres articles, ainsi que sur les relations actuelles entre Madagascar et la France.
Pour aller plus loin :
Ravalomanana calme le jeu ce 27 janvier 2009.
Réaction de Marc Ravalomanana à la suite de l’incendie de la radio-télévision nationale.
500 000 manifestants à Tananarive.
Un 24 janvier 2009 historique.
Rajoelina prêt à assurer le pouvoir.
Description des dernières journées par l’opposition malgache.
Accord entre Madagascar et la Corée du Sud (novembre 2008).
Renvoi de l’ambassadeur de France à Madagascar.
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