Irina Bokova, la balade sauvage du Léviathan de l’UNESCO
Après un parcours sans faute qui, de fille du rédacteur en chef du journal du Parti bulgare, l'a vu accéder à des fonctions ministérielles et de conseillère aux Nations Unies, Irina Bokova, visage poupin et regard doucereux, est catapultée au sommet de l'UNESCO. Voilà quatre ans, maintenant. Un quadriennat qui lui aura suffi à flinguer l'institution, dont la vie ne tient plus qu'à une mince canule de caoutchouc - celle qui la raccorde au respirateur artificiel lui tenant lieu de poumons mécaniques.
Il s'en faut de peu, parfois, pour qu'une locomotive déraille. L'actualité récente le dit assez bien. L'histoire d'Irina Bokova, aujourd'hui âgée de 61 ans, aussi. Tout allait pour le mieux pour cette fille d'apparatchik, première femme à prendre les commandes de l'UNESCO. Tout allait pour le mieux jusqu'au funeste automne 2011, durant lequel les Etats-Unis annoncent leur décision de ne pas reconduire leur contribution.
Ce choix fait suite à l'entrée de la Palestine parmi les Etats membres, entrée que les Etats-Unis estiment "prématurée" et "contreproductive". En se défaussant, ils privent l'UNESCO d'une enveloppe de 150 millions de dollars pour l'exercice 2012-2013, soit 22% de son budget. Un coup dur, qui offre à Bokova l'occasion rêvée de faire montre de ses talents de capitaine.
Des talents qui se résument à courber l'échine en attendant que l'averse passe. Pendant plus d'un an et demi, Bokova ne fera rien, ou presque, laissant l'Unesco dériver en eaux troubles. Puis, aiguillonnée par un rapport de la Cour des comptes l'allumant à la sulfateuse, elle décide de faire (sur)face. Si on peut dire.
Sa stratégie est simple. Elle consiste à licencier du personnel pour soulager le budget. Dans des proportions industrielles. On se croirait dans un champ de tir. Au sein des bâtiments en forme d'hélice de la place de Fontenoy, c'est l'angoisse. Chacun craint pour son poste.
Une vidéo diffusée il y a quelques jours sur Dailymotion, et cumulant déjà plusieurs centaines de vues, résume bien la situation. Elle reprend des extraits d'une réunion du personnel qui s'est tenue au siège de l'organisation, le 16 juillet dernier, en présence de Bokova. Le montage n'est pas très flatteur, la musique, issue de la BO de Requiem for a Dream, plutôt catastrophiste, mais quand-même, ces 3 minutes 30 d'images disent bien l'atmosphère kafkaïenne qui règne au sein de l'institution.
Entre les comptes d'apothicaire de la DG, cuisine interne absurde, ses annonces de licenciements et la peur sourde du personnel, exprimée par une employée à l'aplomb remarquable, tout indique qu'on se trouve dans un simulacre de réunion populaire organisé par une poignée de ploutocrates au sein de quelque république bananière.
Un sentiment encore renforcé par une lettre de l'Unesco International Staff Association (AIPU/ISAU), relevant, au paragraphe 7 des Directives relatives à la soumission de propositions de restructuration, petit manuel à l'usage de ceux qui auraient un (dernier) mot à dire, que "les sous-directeurs généraux et les directeurs de bureaux doivent organiser des réunions de consultation avec leur personnel, et informer la Directrice générale des résultats de ces consultations".
Dans le sabir des fonctionnaires internationaux, ça signifie que les rapporteurs du personnel seront leurs chefs, nommés par la DG, ni plus ni moins. Une close qui écarte gentiment les représentants du personnel de l'affaire, et viole allègrement l'article 8.1 du Statut du personnel : « Le Directeur général assure l’Organisation d’une liaison permanente entre le personnel et lui par l’intermédiaire des représentants dûment élu des associations représentatives du personnel ». Ou comment court-circuiter tout le processus à la base.
Encore une fois, dans une république de pacotille, pourquoi pas. On parle de l'UNESCO. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.
Il faut du cran, sans doute, pour briser l'omerta comme cette femme dans la vidéo postée sur Dailymotion. Il va en falloir encore un peu, en novembre 2013, pour déloger Irina Bokova du trône sur lequel elle a mis le grappin, et duquel elle dézingue tous azimuts ses propres collègues.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON