Israël : c’est la quadrature du cercle !
« Le peuple a choisi Kadima », s’est autoproclamée Tzipi Livni. « Le camp national, sous la direction du Likoud, a gagné avec une avance très nette. Avec l’aide de Dieu, je serai à la tête du prochain gouvernement », a déclaré Benyamin Netanyahu. « La surprise c’est peut être la victoire de Tzipi Livni et son parti, le Kadima, mais ce qui est plus important c’est que le camp de la droite s’est considérablement renforcé », a lancé Avigdor Lieberman.
Sur les 5,3 millions d’électeurs appelés aux urnes, 65,1 % d’entre eux avaient enregistré leur vote à à fermeture des bureaux, selon la commission électorale centrale. C’est à peine 1,7 point de plus qu’en 2006 (63,5 %). Au point de départ, les élections ne devaient avoir lieu qu’en 2010. La démission d’Ehud Olmert, mêlé à des affaires de corruption, a devancé le scrutin selon un mode de scrutin proportionnel, Tsipi Livni ayant également échoué à former un gouvernement d’union.
Le parti de centre-droit Kadima de Tzipi Livni est légèrement en tête, avec 28 sièges. Le parti de droite de Benjamin Netanyahu, le Likoud, obtient lui 27 sièges. La formation d’extrême-droite Israël Beiteinou d’Avigdor Lieberman, contre toute attente, ne gagnerait que 15 sièges. Le parti travailliste d’Ehud Barak n’obtient que 13 sièges. Enfin, le parti ultra-orthodoxe Shass a reculé en ne faisant élire que 11 députés. Deux partis nationalistes religieux auraient fait élire 7 députés, tandis que les listes arabes obtiendraient 5 sièges. Un fait est à noter : le vote des 175 000 soldats israéliens ne sera pas connu avant jeudi soir.
Pour former un gouvernement, Tzipi Livni ne disposerait que du soutien théorique de 55 députés alors que son adversaire, Benyamin Netanyahu, compterait une majorité de 65 députés.
Il n’est pas faux de dire que la formation de droite Israël Beiteinou d’Avigdor Lieberman détient une balance du pouvoir. « Nous n’excluons personne. Mais mon souhait fondamental va vers un gouvernement nationaliste », a expliqué Lieberman.
De son côté, Livni tend la main à Benyamin Netanyahu pour l’inviter à joindre un gouvernement qu’elle dirigerait. « Il faut désormais respecter le choix des électeurs, respecter la décision des urnes, et rejoindre un gouvernement d’union nationale sous notre direction ». Pourtant, encore une fois, si on prend en compte le fait que Netanyahu apparaît en meilleure position pour former un gouvernement, quel fut en réalité le vrai choix des électeurs ? Il appartiendra au président Shimon Peres d’interpréter cette volonté populaire et pour cela, il commencera dès la semaine prochaine ses consultations avec tous les partis représentés au parlement. Il lui faudra choisir le ou la député qui est le plus apte de constituer une majorité ministérielle. Le parlementaire, ou la parlementaire, ainsi choisi bénéficiera d’une période de 28 jours, qui peut être prolongée de 14 jours supplémentaires, pour former un gouvernement.
Le tsunami de la droite n’a pas eu lieu. La grande ferveur populaire, manifestée en début de campagne pour Benyamin Netanyahu, n’a pas donné les résultats escomptés. Par contre, Avigdor Lieberman a fait des gains en faisant élire quatre députés de plus à la Knesset. Et ces gains substantiels, en comparaison de ses adversaires, le conforteront dans ses exigences de « mettre à bas le Hamas » et lui assureront une voix prédominante pour forcer le nouveau gouvernement de rejeter toute négociation ou toute trêve avec ce dernier.
La question que plusieurs analystes et observateurs se posent est bien évidemment les conséquences de ces résultats sur le processus de paix au Moyen-Orient. Il est de plus en plus évident que la présence et l’influence croissantes des partis de droite compromettront tout accord de paix, provisoire ou non. L’Autorité palestinienne de Mamoud Abbas particulièrement affaiblie, l’élection du Hamas venue diviser les rangs palestiniens et la présence possible d’un gouvernement de droite en Israël ne sont pas des conditions idéales pour créer un État palestinien à côté de celui d’Israël. Le Proche-Orient vient d’envoyer à Barack Obama le pire message qu’il pouvait souhaiter : d’espoir la région se tournera davantage vers le désespoir.
Comment le peuple de Gaza pourra-t-il espérer le moindre assouplissement de ses conditions de vie insoutenables avec un gouvernement de droite qui n’a d’espoir que de botter les arabes israéliens hors d’Israël ?
À Gaza, la population ne se fait plus d’illusions. Jalal Khader, un avocat palestinien, manifestait tout de même à Paul Akim, journaliste de 20minutes, une certaine crainte : « je suis inquiet de voir la société israélienne virer de plus en plus vers la droite. Un gouvernement israélien de droite va chercher à imposer sa politique. Ce sera d’autant plus difficile de trouver une solution négociée ». Rami Rabayah, ancien fonctionnaire de l’Autorité palestinienne, ajoute : « Pour nous, il n’y a pas vraiment d’enjeu. Kadima est resté au pouvoir pendant quatre ans pour finir par faire la guerre à Gaza. Ça ne peut pas vraiment être pire ».
Selon un diplomate qui commentait la présente situation auprès du correspondant de l’hebdomadaire L’Express, « Vous ne pourrez pas changer la politique interne des Palestiniens sans processus de paix sérieux qui renforcera la place des modérés. Et si vous ne donnez pas satisfaction aux aspirations nationales des Palestiniens rapidement, c’est le Hamas qui sera renforcé ».
Benjamin Barthe, du quotidien Le Monde, a peut-être donné une analyse assez réaliste de la situation qui prévaut, par exemple, à Nazareth-Illit. Yaffa, 52 ans, la gérante d’un magasin de vêtements pour enfants, lui expliquait en termes qui défient la langue de bois : « On a besoin de Lieberman pour finir le boulot à Gaza. Mille trois cents morts, ce n’est pas suffisant. Il faut qu’ils sortent tous avec le drapeau blanc ».
Par contre, les résultats du scrutin de mardi montrent également que les Israéliens sont pragmatiques. Cette nouvelle consultation, c’était la cinquième en dix ans. Certaines dérives à droite ont freiné l’ardeur des citoyens juifs à voter massivement pour les partis extrêmes. Le message est limpide et, que ce soit Tzipi Livni ou Benyamin Netanyahu, le prochain gouvernement d’union devrait refléter cette tendance.
« Ce sont les élections les plus à droite de l’histoire d’Israël », écrivait ce week-end l’éditorialiste vedette, Nahum Barnea, dans le quotidien à grand tirage Yedioth Ahronoth, cité par le quotidien Le Figaro. Une question persistante demeure. Combien de temps résistera le prochain gouvernement, qu’il soit du centre ou d’extrême-droite ?
(Sources : Haaretz, Jerusalem Post, AFP, Presse canadienne, L’Express, Le Figaro, Le Monde, New-York Times)
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