Israël : Ehoud Olmert s’en va... la paix aussi ? (3)
Acculé à la démission, Olmert quitte le pouvoir en pleines négociations avec les Palestiniens et les Syriens. Une difficile succession qui va remettre en cause une nouvelle fois l’espoir de paix. Suite et fin.
Dans un premier article, j’avais évoqué la succession chaotique du Premier ministre israélien Ehoud Olmert. Dans un deuxième article, j’avais rappelé l’historique de la longue quête de la paix. Je termine ici avec le processus actuel mis en place avec l’arrivée du "couple" Sharon et Abbas et ce que pourront en faire leurs successeurs.
Après la mort de Yasser Arafat le 11 novembre 2004, la politique d’Ariel Sharon s’infléchit. Unilatéralement, Sharon décide de quitter la bande de Gaza, parfois par la force en obligeant les colons israéliens à partir. Cette décision n’est pas forcément salutaire, puisque Gaza est passée entre temps sous contrôle du Hamas.
Cette politique d’ouverture a engendré l’incompréhension des ultras du Likoud menés par Nétanyahou à tel point que Sharon décide de quitter le Likoud (dont il était le patron, mais aussi l’un des fondateurs en 1973) pour créer son propre parti "centriste", Kadima, et a convaincu le travailliste Shimon Peres (sans doute très avide de ministères) à le rejoindre.
La disparition politique d’Ariel Sharon quelques jours après la création de Kadima, consécutive à son accident vasculaire cérébral qui le plonge dans le coma (qui dure encore deux ans et demi après), place son héritier, Ehoud Olmert à la tête du gouvernement israélien dès le 4 janvier 2006.
Peut-être était-ce pour acquérir auprès de ses compatriotes une légitimité militaire ? Ou par incompétence à la suite de l’enlèvement de soldats israéliens ? Olmert décide en juillet 2006 de pilonner le Sud-Liban dans le but d’anéantir le Hezbollah. Le bilan est désastreux, l’opération échoue et le Hezbollah montre sa force. L’impopularité d’Olmert grandit quelques mois à peine après sa victoire aux élections législatives du 28 mars 2006.
Olmert n’avait aucun passé militaire, ni son ministre de la Défense Amir Peretz (président du Parti travailliste, qui est remplacé à ces deux postes par Ehoud Barak en mai et juin 2007). Sa volonté de montrer sa fermeté est accompagnée de nombreuses erreurs que lui reprochent ses compatriotes, tant les partisans d’une pacification des esprits que les ultras qui considèrent que l’opération de l’été 2006 n’a pas été efficace puisque le Hezbollah a résisté.
Olmert faisait partie des "durs" du Likoud lorsqu’il était jeune député. Parlant de lui-même à cette époque (1978), il déclare : « J’avais voté contre Menahem Begin. (…). Je lui avais dit que c’était une erreur historique. (…) Maintenant, je suis désolé qu’il ne soit plus en vie pour m’entendre reconnaître publiquement sa sagesse et mon erreur. Il avait raison et j’avais tort. Grâce à Dieu, nous nous sommes retirés du Sinaï. »
Ehoud Olmert a réussi à nouer des liens de confiance avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (élu à 62% le 9 janvier 2005 à la succession d’Arafat). Les deux parties ont pris l’engagement d’aboutir à un accord avant la fin du mandat de George W. Bush, qui devrait également être la fin du mandat d’Ehoud Olmert si des élections anticipées étaient organisées en Israël.
Ce qui est clair, c’est que Mahmoud Abbas, comme Arafat, n’est pas éternel et qu’à 73 ans, sa succession ne tardera pas à se poser et sera encore plus difficile que celle d’Olmert. La paix est donc urgente.
Alors, quel est l’avenir de la paix avec le départ d’Olmert qui était, comme Rabin en 1995, comme Sharon (quoi qu’on en dise) en 2005, l’homme d’État israélien le plus apte à conclure la paix entre Israéliens et Palestiniens ?
1. Aller vite parce qu’Olmert s’en va
Ehoud Olmert a déclaré qu’il voulait, avant de quitter le pouvoir, conclure un double accord de paix avec les Palestiniens et avec les Syriens (l’accord sur la Syrie devrait porter sur le Golan qui serait restitué).
Le problème, c’est qu’Olmert risque fort d’être contesté dans son propre camp, les scandales politico-financiers et sa démission annoncée lui sapant toute autorité politique.
Certains de ses alliés politiques ne sont d’ailleurs plus d’accord pour poursuivre les négociations, comme le ministre des Communications Ariel Attias du parti religieux Shass qui estime que, désormais démissionnaire, Ehoud Olmert n’a plus de mandat pour mener des négociations et ne peut que gérer les affaires courantes.
À cela, Olmert répond qu’il impliquera la nouvelle direction de Kadima à chaque nouvelle avancée des négociations afin de les pérenniser.
Même son de cloche du côté des interlocuteurs palestiniens. Le président palestinien Abbas a considéré peu probable de finir les négociations avant la fin du mandat de Bush Jr mais a assuré également que les discussions se poursuivraient quelle que soit l’identité de ses interlocuteurs israéliens.
On ne peut s’empêcher de penser que si Olmert ne parvenait pas à conclure avant son départ, tout un nouveau cycle serait nécessaire, ne serait-ce que pour permettre aux négociateurs de se connaître et de connaître leurs intentions. Ces remises en cause permanentes n’aident pas à la continuité du processus de paix, sans parler de ceux qui veulent mettre de l’huile sur le feu.
2. L’après-Bush Jr ou l’après-Olmert
Si les négociations s’enlisaient pour les prochains mois, nul doute qu’elles seraient réactivées par de nouveaux interlocuteurs : Israéliens, mais aussi Américains dont l’entremise est essentielle dans la réussite du processus (Camp David, Oslo, etc. l’ont bien montré).
Les deux candidats à la présidentielle américaine du 4 novembre 2008, le républicain John MacCain et le démocrate Barack Obama, l’ont déjà affirmé : une fois l’élection finie, ils poursuivraient le processus de paix. Obama ayant d’ailleurs ironisé en disant qu’il n’attendrait pas la septième année de sa présidence pour commencer à s’inquiéter de la paix au Proche-Orient, pique adressée à son éventuel futur successeur George W. Bush.
3. Un nouveau Premier ministre en Israël
Un changement de Premier ministre pourrait-il relancer le processus de paix ?
La réponse à la question dépend évidemment du nom du successeur d’Olmert, de son parti (est-ce la continuité ou est-il issu de nouvelles élections comme c’est fort probable ?).
En règle générale, tout changement de dirigeant induit un retard dans la reprise des négociations, le temps que la nouvelle équipe se mette en place et travaille les dossiers. Le risque, c’est que les négociations doivent être reprises au début.
Cependant, si le désengagement unilatéral de la Bande de Gaza voulue par Sharon peut prêter à confusion (Abbas souhaite que la Cisjordanie suive ce mouvement et Israël voudrait au contraire pérenniser les implantations des colons en Cisjordanie alias "Judée-Samarie"), les timides discussions engagées avec la Syrie par l’entremise de la Turquie devraient être poursuivies dans tous les cas.
En effet, Israël a un besoin impératif d’assurer la sécurité de sa frontière nord et un accord encourageant la Syrie à neutraliser le Hezbollah libanais en contrepartie d’un retrait du Golan serait approuvé tant par le futur responsable du Kadima que par Nétanyahou (Likoud) et Barak (travailliste).
4. Hypothèse Shaul Mofaz
Ce serait l’hypothèse la plus favorable à Olmert car il est l’un de ses proches. Il est considéré, selon la "terminologie israélologue", comme un "faucon", c’est-à-dire comme peu enclin à vouloir la paix.
Mais a contrario, seul un "faucon" peut vraiment négocier une paix valable avec les Palestiniens, et le peuple israélien fait plus confiance à une personnalité forte capable de fermeté tant face au Hamas et au Hezbollah que face aux négociateurs palestiniens et syriens, qu’à un pacifiste intellectuel (tel que Shimon Peres).
De plus, son origine iranienne pourrait laisser croire que la volonté belligérante des États-Unis contre l’Iran serait tempérée par cet homme.
5. Hypothèse Tzipi Tivni
Une femme à poigne, sorte d’Angela Merkel du Proche-Orient, avec une expérience gouvernementale non négligeable (Justice et Affaires étrangères entre autres), une stature internationale indéniable et un passé personnel militaire qui la rend légitime auprès de ses compatriotes. Ce qui avait manqué à Shimon Peres mais pas à Yitzhak Rabin.
Une femme réussirait-elle mieux dans ces négociations difficiles qu’un homme ? Pas sûr, mais peut-être.
6. Hypothèse Nétanyahou
Hélas, je dis hélas pour les partisans de la paix, l’hypothèse d’une victoire de Benjamin Nétanyahou lors d’élections anticipées est quasi incontournable. Ces élections ne pourraient se dérouler qu’à la fin du prochain hiver, ce qui donnerait à Olmert un peu de temps encore pour finaliser les négociations.
On se souvient que c’est "Bibi" qui avait fait capoter les accords d’Oslo lorsqu’il avait pris le pouvoir à la suite de l’assassinat de Rabin, en encourageant les implantations juives dans les territoires occupés.
Tout le processus de paix actuel serait certainement remis en cause.
Mais "le pire n’est jamais sûr"
Ne nous trompons pas : au pouvoir ou pas au pouvoir, tant que Nétanyahou est populaire, la paix sera oscillante.
Une paix entre Israéliens et Palestiniens ne pourra être durable que si un consensus se noue tant en Israël que chez les Palestiniens sur cette paix.
Et seul un leader politique comme lui, à l’origine opposé à la création d’un État palestinien, pourrait établir cette paix durable car il pourrait la rendre consensuelle au sein de son pays, la faire admettre par les plus réfractaires de ses compatriotes.
Alors, la paix va-t-elle quand même se faire dans cette région du monde avec le départ d’Ehoud Olmert ?
Elle a beaucoup perdu de temps. Elle a perdu une bataille, mais certainement pas la guerre.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (6 août 2008)
Pour aller plus loin :
Dépêches de presse sur la démission d’Ehoud Olmert et sa succession.
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