Israël/Palestine : premier constat, après le désengagement
Plusieurs mois se sont écoulés depuis le désengagement
israélien de la bande de Gaza, achevé le 12 septembre 2005 par le retrait des
dernières troupes de Tsahal. Beaucoup de choses ont été dites avant, pendant et
à la suite de cet évènement, aussi est-il temps de dresser un nécessaire
premier bilan.
Du côté israélien, en premier lieu, la situation globale
semble s’être grandement améliorée depuis les premiers jours du désengagement,
en juin dernier.
En effet, au niveau sécuritaire tout d’abord, l’un des
arguments majeurs avancés par M.Sharon pour justifier le retrait de l’Etat
hébreu de ces territoires, force est de constater qu’aux positions
difficilement défendables anciennement occupées par les colons israéliens,
constamment harcelées, se sont substituées des frontières bien plus difficiles
à franchir pour les éventuels agresseurs palestiniens. Les chiffres parlent
d’eux-mêmes ; tandis que plus d’une centaine de candidats à l’attentat suicide en
provenance de Gaza avaient été arrêtés après qu’ils se furent infiltrés sur le territoire
israélien en 2004, ce nombre est tombé à 6 en 2005. Demeure toutefois le
problème des roquettes artisanales Qassam, qui frappent régulièrement les
alentours des villes frontalières israéliennes, obligeant récemment Tsahal à
lancer l’opération "Ciel bleu" afin d’instaurer des "zones de sécurité". Le
bilan sécuritaire apparaît néanmoins plutôt positif pour Israël.
La santé économique de l’Etat juif semble, elle aussi, avoir
profité plus ou moins directement des retombées du désengagement de la bande de
Gaza. En effet, le taux de croissance a atteint 5,2% (contre 4,4% en 2004) et
le déficit budgétaire 2,5% au lieu des 3,4% initialement prévus. Le taux de
croissance par habitant (3,3%) est, quant à lui, bien meilleur que dans la moyenne des
pays de l’OCDE en la matière (2,2%). Autre évolution positive, le taux de
chômage est passé de 10,4% en 2004 à 9% en 2005. Israël a en outre accueilli
plus de 1,7 millions de touristes, soit une augmentation de 28% par rapport à
l’année 2004.
Au niveau diplomatique, la décision courageuse de M.Sharon a
permis une amélioration sensible de l’image de l’Etat juif et de son dirigeant
sur le plan international, ouvrant la voie à la normalisation des relations
entre Israël et le reste du monde. Il est également intéressant de lire
l’analyse pertinente que fait M.Monnerat de la « canonisation compulsive »
dont fait l’objet le premier ministre israélien, alors que celui-ci est
actuellement entre la vie et la mort.
La situation du côté palestinien semble, quant à elle,
s’être considérablement détériorée.
Tout d’abord, rappelons que nombre de journalistes et
d’intellectuels avaient prédit que Gaza demeurerait une "prison à ciel ouvert",
sans aucun contrôle sur ses frontières. Sans s’attarder sur le bien-fondé d’une
telle dénomination, on peut tout de même constater la non-réalisation de ces
prédictions. Israël a en effet transféré le contrôle du poste frontière de
Rafah, à la frontière avec l’Egypte, à l’Autorité palestinienne et à son "grand
frère" arabe fin novembre. Cette avancée, combinée au retrait israélien, aurait
dû, a priori, permettre aux Palestiniens de voir leur quotidien s’améliorer en
bénéficiant de leurs nouvelles libertés.
C’était en tout cas l’avis de ceux qui n’ont pas su saisir
les évolutions tragiques qu’a connues la société palestinienne durant cette
dernière décennie, par aveuglement, légèreté ou ignorance. Ainsi, l’Union des progressistes juifs de Belgique avait soutenu, par exemple, juste après le
désengagement, que "après trente-huit ans de régime de haute sécurité
généralement réservé aux grands criminels, les Gazaouis peuvent enfin circuler
librement sur l’ensemble de leur territoire, les étudiants et les travailleurs
arriver à l’heure à leurs cours ou à leur travail et à l’heure à la maison, les
enfants voir enfin à quoi ressemble la mer..." pour ensuite affirmer
candidement : "Nous nous réjouissons avec eux ". Or, la réalité actuelle est
tout autre.
Gaza est en effet plongée en plein chaos depuis le retrait
des derniers éléments des forces armées israéliennes de ce territoire où
policiers palestiniens, hamullas et organisations terroristes s’affrontent
désormais au sein des zones d’habitation, au mépris des pertes civiles. Ainsi,
en 2005, 51% des Palestiniens tués l’ont été par d’autres Palestiniens (contre
5% en 2004), et 35% de ces Palestiniens tués par leurs "frères" l’ont été entre
septembre, date du retrait de Tsahal, et fin décembre. En outre, des locaux de
l’ONU ont été attaqués et pillés par des Gazaouis en armes, et le terminal de
Rafah a, quant à lui, été pris d’assaut par des policiers palestiniens, mis en
colère par le meurtre de l’un d’entre eux et par l’incapacité de l’Autorité
palestinienne à restaurer l’ordre. Des affrontements ont également opposé
gardes-frontières égyptiens et activistes palestiniens, activistes qui sont
récemment parvenus à détruire une partie du mur frontalier qui sépare l’Egypte
de Gaza à l’aide d’un bulldozer, tuant par la même occasion deux soldats égyptiens.
Tout ceci amène l’analyste suisse Ludovic Monnerat à parler du véritable "piège
de la liberté" dans lequel sont tombés les Palestiniens.
En conclusion, le désengagement semble avoir renforcé les
positions israéliennes à tous les niveaux. Beaucoup plus inquiétante est la situation chaotique dans laquelle est plongée Gaza, où une véritable
guerre de pouvoir fait rage entre les différentes factions palestiniennes.
L’Etat hébreu ne doit donc pas se satisfaire outre mesure de ce premier bilan,
et se doit d’appuyer l’Autorité palestinienne dans sa lutte pour asseoir sa
suprématie, car le déchaînement de violence que connaît Gaza aura
inévitablement, tôt ou tard, des répercussions sur la sécurité israélienne.
La normalisation du quotidien gazaoui ne se profile donc pas, pour le moment, à l’horizon. Beaucoup trouveront certainement le moyen d’accuser l’Etat hébreu d’être encore à l’origine de tous ces maux, mais espérons tout de même que les évènements actuels ébranleront quelques certitudes idéologiques sur la question du conflit israélo-palestinien.
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