James Bond tué par le MI6 ?
Gareth Williams, analyste au Government Communications Headquarters (GCHQ) britannique, excellait dans le traçage de réseaux terroristes et le suivi de l'argent sale pour le compte du gouvernement britannique. On l'avait même transféré au MI6 pour qu'il fasse du hacking de haut niveau sur des missions intéressant la National Security Agency (NSA). Mais quelque chose lui plaisait pas, il voulait quitter le MI6.
En août 2010, son corps nu et recroquevillé est retrouvé dans un grand sac de sport fermé par un cadenas dans sa salle de bain. Les multiples entraves à l'enquête et l'absurdité des conclusions officielles de l'enquête désignent une exécution par le MI6.
Les circonstances entourant la mort de Gareth Williams demeurent troublantes. La date exacte de son décès, survenu aux premières heures du 16 août, n'a été établie que lorsque son corps a été découvert une semaine plus tard. Les services du MI6, pour lesquels il travaillait, ont attendu (opportunément) une semaine, le temps que tout indice biologique se déteriore, avant de prévenir la police de l'absence de Williams. Des objets ont disparu de l'appartement. L'enquête de police a oscillé entre diverses théories, allant du meurtre aux jeux érotiques qui auraient mal tourné...
L'hypothèse du meurtre s'impose. Des spécialistes du contorsionnisme ont démontré que Williams n'avait pu entrer dans le sac et s'y cadenasser tout seul. Tout suggère l'intervention de tierces personnes. Pourtant, il n'y a aucun indice, même pas les empreintes digitales de Williams. Tout a été nettoyé et l'on a abandonné la recherche d'un couple de suspects "d'origine méditerranéenne" qui avaient été repérés entrant dans l'immeuble de Williams.
Williams était gay. On a découvert une garde-robe contenant des vêtements pour femmes, des chaussures à talons hauts et des perruques dans la chambre d'amis de Williams qui désignaient un penchant pour le travestissement. Mais à part rendre son personnage marginal et orienter l'opinion publique ailleurs que vers la nature de ses missions, cela n'avait pas de liens avec les circonstances de sa mort.
On aurait également opportunément trouvé des traces de visites de sites Web de bondage sur son ordinateur. Ce qui orientait vers la pratique de jeux sexuels en lien avec le fait que son corps soit retrouvé dans un sac fermé. Une ancienne voisine déclarait opportunément l'avoir trouvé, un jour, lié à son lit...
Encore une fois, Williams travaillait dans le monde du hacking pour le MI6 et la NSA. Les faits sont que Williams voulait quitter le MI6, que quelque chose ne lui plaisait pas. Les vidéos de surveillance du quartier ont montré un type passionné de cyclisme, aimant la nature, vivant une vie tout à fait normale. Williams n'était pas la "folle tordue" que l'on a voulu désigner. L'hypothèse que l'on aurait pu placer cette garde-robe-là opportunément ou installer des sites de bondage sur son ordinateur pour décrédibiliser son profil n'ont pas été exploitée. Pourtant, le "character assassination" est la base du métier.
Un coup des Russes...
Les faits se passent au Royaume-Uni. On a évidemment suggéré que Williams avait été assassiné par le SVR, le service de renseignement extérieur russe. Williams aurait peut-être découvert l'identité d'un agent double russe au sein des services britanniques ou refusé de devenir agent double, ce qui aurait motivé son élimination par les Russes. L'idée d'une injection mortelle dans l'oreille, avec un poison se dissipant rapidement dans l'organisme, était avancée sans aucune preuve par un espion russe retourné, opportunément prêt à raconter ce que le MI6 voulait qu'il raconte. Comme l'enquête de police, très encadrée par le MI6, indiquait que Williams enquêtait sur les réseaux de blanchiment d'argent utilisés par des groupes criminels russes, les coupables étaient tout trouvés. On a ému la population en s'alarmant de la sécurité des agents de renseignement britannique jusque sur le territoire britannique, etc.
L'enquête a été manipulée, placée sous haute surveillance sur ordre de Washington. Initialement considérée comme un meurtre, l'affaire a été finalement obstinément classée comme un accident, malgré l'impossibilité matérielle. La famille de Williams, l'officier de police en charge du dossier et une grande partie de l'opinion ne sont pas dupes. Les services de renseignement britanniques ont effacé des preuves et manipulé la scène du crime pour protéger leurs secrets.
Incohérences de l'enquête
L'enquête avait été très surveillée. On avait d'abord admis que la mort de Williams était "susceptible d'avoir été le résultat d'une médiation criminelle" avant que la Police Métropolitaine ne finisse par conclure officiellement que la mort de Williams était « probablement un accident ».
La famille de Williams rejette cette hypothèse de l'accident. Elle est persuadée que les services de renseignement anglais se sont rendus en secret dans l'appartement de Williams et ont effacé toutes les traces avant de prévenir la police.
Car Williams, initialement analyste au Government Communications Headquarters (GCHQ), le service gouvernemental du Royaume-Uni responsable du renseignement d'origine électromagnétique et de la sécurité des systèmes d'information, avait été détaché auprès du MI6.
Officiellement, la police s'est rendue au domicile de Williams dans l'après-midi du lundi 23 août 2010, après que des collègues de Williams aient signalé qu'il ne donnait pas signe de vie depuis plusieurs jours.
La famille de Williams affirme que des traces d'ADN qui auraient pu donner des informations cruciales avaient été altérées et que les empreintes digitales laissées sur les lieux avaient été effacées. Des fragments non-concluants de composants d'ADN provenant d'au moins deux autres personnes auraient été trouvés sur le sac. Mais l'enquête officielle n'avait trouvé aucun signe d'effraction ni d'ADN indiquant un tiers présent au moment de la mort de l'espion. L'avocat de la famille, Anthony O'Toole, lors de l'enquête du coroner, l'officier de police judiciaire, en mars 2012, avait affirmé qu'une deuxième personne devait avoir été présente lorsque Williams était décédé, ou que quelqu'un était entré par effraction par la suite et avait volé des objets. Mais l'on ne trouva aucune preuve médico-légale pour étayer cette hypothèse. Aucun signe d'effraction ne fut officiellement trouvé. Il fut simplement constaté que la porte d'entrée avait été mystérieusement retirée au moment où les experts de la police étaient intervenus...
Bidouillages de barbouzes
Cette affaire est digne d'un roman d'espionnage. Même si Williams n'était pas, au départ, un espion, au sens technique du terme, il l'était devenu en rejoignant un service opérationnel au sein du MI6 . Il travaillait avec des agents de la National Security Agency (NSA) des États-Unis et avec le FBI. Aussi, dès le début de l'enquête, les chefs des services de renseignement britannique et de la police métropolitaine s'étaient réunis pour « s'arranger » sur la manière dont la police mènerait l'enquête. On avait soigneusement trié les personnels qui dirigeraient l'enquête. Le Département d'État américain avait ordonné qu'aucun détail sur le travail de Williams ne soit révélé lors de l'enquête. Le ministre des Affaires étrangères, William Hague avait même dû donner des ordres pour que soient éludés les détails du travail de Williams en rapport avec les opérations conjointes américaines.
Scotland Yard prétendit donc n'avoir trouvé aucune empreinte digitale de Williams sur le cadenas du sac ou sur le bord de la baignoire. Selon le coroner, cela étayait la thèse de "l'implication d'un tiers" dans le décès. D'ailleurs, la police avait même publié une photo E-FIT (portrait-robots digitaux) de deux individus suspects qui avaient été vus entrer dans le hall d'immeuble du domicile de Williams en juillet 2010.
Scotland Yard affirma pourtant que l'ADN trouvé sur la main de Williams n'était qu'une « contamination » provenant d'un des médecins légistes et la police déclara que le "couple méditerranéen" qu'ils recherchaient au départ n'avait finalement rien à voir avec l'enquête. LGC , la société médico-légale qui avait initialement trouvé des traces, s'excusa en affirmant que tout ceci n'était qu'une erreur, causée par "la saisie incorrecte d'un code numérique"...
Le commissaire adjoint de la police métropolitaine, Martin Hewitt, avait finalement rejeté toute piste criminelle et affirmait qu'il restait "théoriquement possible" pour Williams de se mettre dans le sac sans toucher le bord de la baignoire. Précisons que la clé du cadenas qui fermait le sac se trouvait à l'intérieur du sac, sous le corps de Williams...
L'enquête a montré qu'il aurait été pratiquement impossible pour Williams de s'enfermer dans le sac. Deux experts n'avaient pas réussi à s'enfermer dans un sac similaire malgré 400 tentatives pour le faire.
Le pathologiste Richard Shepherd a déclaré qu'il était plus probable que Williams était en vie lorsqu'il était entré dans le sac, en raison de la difficulté de disposer un cadavre dans la position dans laquelle le corps de Williams a été trouvé. Un autre pathologiste avait conclu que Williams était mort d'hypercapnie, empoisonnement au dioxyde de carbone dans le sang, après seulement deux ou trois minutes dans le sac.
Personne ne croit à la thèse officielle.
Le coroner reste convaincu que Gareth Williams a été tué, que quelqu'un a placé le sac contenant Williams dans la baignoire et a verrouillé le sac. Le coroner pense que Williams était vivant lorsqu'il a été mis dans le sac et qu'il est probablement mort, peu de temps après, par asphyxie ou intoxication par un poison à courte durée d'action. Aucune empreinte digitale n'a été trouvée autour de la baignoire ni du sac, comme si des professionnels avaient nettoyé les lieux.
Le coroner a critiqué les services de renseignement britanniques d'avoir attendu sept jours avant de signaler la disparition de Williams, ce qui a contribué à la disparition de preuves médico-légales.
Le coroner a rejeté les motifs de suicide, d'accident dû à des mœurs sexuelles particulières et a condamné les théories sur le travestissement comme une possible tentative de manipulation médiatique.
Le coroner a été très critique à l'égard du commandement antiterroriste de la police métropolitaine (SO15), qui ne l'avait pas informé de l'existence de neuf clés USB et d'autres objets importants disparus dans le bureau du Williams. Le SO15 n’a pas, non plus, transmis de rapport sur ses entretiens avec les collègues de Williams au MI6. Le coroner a déclaré que l'implication du personnel du SIS dans le décès de Williams constituait une piste d'enquête « légitime » pour la police.
Tout le monde a compris qu'il y avait embrouille dans cette histoire. D'ailleurs, la série télévisée "London Spy" diffusée sur la BBC 2 en 2015, raconte l'histoire d'un agent secret du MI6 retrouvé mort dans un coffre verrouillé...
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