Justifier de l’usage de certaines bombes en temps de guerre ouvre la porte au laxisme
En temps de guerre, certaines armées, dans les moments difficiles et âpres, utilisent des armes conventionnelles dont l’usage est réglementé, et d’autres qui ne le sont pas. Naturellement, chaque état-major aura toujours une raison pour justifier l’usage d’une arme non autorisée. Nous savons que dans les moments difficiles, voire pénibles, des chefs d’état-major, avec l’accord de leur chef des armées, usent de bombes extrêmement dangereuses pour se sortir de l’impasse dans laquelle leur adversaire les noie
Certaines armées dans les moments difficiles et âpres, utilisent des armes conventionnelles et non conventionnelles. Pour les premières, l’usage est réglementé et pour les secondes, non.
La fin justifie-t-elle les moyens : usage très réglementé du phosphore
Le département américain de la Défense a reconnu avoir fait usage de cette substance hautement toxique, mais uniquement comme une arme incendiaire contre des insurgés. L’usage de phosphore blanc n’est pas interdit, mais est régi par le Protocole III de la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles. Celui-ci interdit l’usage de cette substance comme arme incendiaire contre des civils et lors d’opérations aériennes contre des forces militaires dans des zones civiles. Comment vérifier la sincérité des dires d’une armée en temps de guerre, quand nous savons déjà qu’en temps de paix, il est difficile de contrôler ce que font les armées ?
Le phosphore blanc est utilisé par les militaires pour marquer des cibles, éclairer des zones de combat ou, à l’inverse, dissimuler des mouvements de troupes. Cette substance peut s’enflammer spontanément au contact de l’air, produisant des fumées toxiques (des oxydes phosphoreux). Elle réagit violemment avec les oxydants, les halogènes et le soufre, en provoquant des incendies et des explosions. Elle réagit également avec les bases fortes pour former un gaz toxique (phosphine). Or l’utilisation d’armes incendiaires contre des populations civiles est interdit par la Convention de Genève, notamment par un protocole additionnel datant de 1983.
Un média italien a prouvé récemment que les forces américaines avaient fait usage de cette substance lors de l’offensive de novembre 2004 à Falloudja, en Irak. Le porte-parole de l’armée des USA en Irak a indiqué que "les forces américaines avaient utilisé du phosphore blanc à la fois dans des opérations classiques de criblage [...] mais aussi lorsqu’elles ont été confrontées à des insurgés retranchés dans des positions à couvert dont elles ne pouvaient les déloger autrement". Comme quoi la fin justifie les moyens. Les militaires qualifient cette technique de "shake-and-bake" (secouer et cuire) : des obus au phosphore blanc sont tirés sur des positions ennemies pour faire fuir ses occupants, lesquels s’exposent alors à un intense tir d’artillerie.
Le gouvernement britannique a également annoncé que son armée avait utilisé du phosphore blanc en Irak, mais encore faut-il le dire ; uniquement pour produire des écrans de fumée. Le secrétaire à la Défense souligne : "Nous n’utilisons le phosphore blanc que comme une couverture, comme écrans de fumée", est-ce vrai ? Nous ne disposons pas de tous les éléments pour examiner ses propos. Autant pour les Américains que pour les Anglais, les décès survenus dans les populations civiles ne sont pas contrôlés. Les autopsies ne sont pas faites. Donc, le seul élément qui sera éventuellement vérifiable, ce sera les maladies qui affecteront la population. Le phosphore blanc est corrosif pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Il est corrosif par ingestion. L’inhalation de la vapeur peut causer un oedème pulmonaire. La substance peut avoir des effets sur les reins et le foie. L’exposition peut entraîner la mort. Les effets peuvent être retardés. L’observation médicale est conseillée. Je ne pense pas que les populations civiles qui ont été en contact avec cette substance en Irak ou au Liban soient suivies médicalement.
La Croix-Rouge et d’autres ONG mettaient en cause Israël
L’armée de l’Etat hébreu Tsahal admet avoir utilisé des obus au phosphore lors de la guerre récente au Liban. Elle disait encore il y a quelque temps qu’elle n’avait pas utilisé d’objet chimique. Le gouvernement israélien estime avoir respecté le droit international. Tsahal a bel et bien utilisé des bombes au phosphore durant sa guerre contre le Hezbollah libanais. Il faut tout de même souligner que toute la population du Sud n’est pas le Hezbollah.
Le responsable israélien qui l’a admis pour la première fois dans le quotidien Haaretz explique que l’utilisation de ces obus qui causent de graves brûlures physiques était de fait nécessaire, en quelque sorte « pour attaquer des objectifs militaires situés dans des zones ouvertes ». Cette explication n’est pas claire pour un non-initié du langage guerrier. Ce même porte-parole explique : « Selon le droit international, l’usage de munitions au phosphore est autorisé et l’armée se conforme à la réglementation et aux normes internationales. »
Voyons la réglementation internationale
Dans le droit international, les bombes au phosphore ne sont pas considérées comme des armes chimiques mais comme des armes incendiaires. Leur utilisation ne relève donc pas de la Convention sur les armes chimiques qui interdit l’utilisation de ces dernières mais du Protocole III de la Convention sur la limitation de l’emploi de certaines armes classiques. Ce texte interdit notamment l’usage des bombes au phosphore dans des zones civiles.
Les Etats-Unis, tout comme Israël, n’ont pas ratifié ce protocole. L’ armée américaine reconnaît avoir fait usage de bombes au phosphore contre les insurgés irakiens de Falloudja. Maintes fois, les ONG et les groupes de défense des droits de l’Homme ont demandé que les bombes au phosphore soient considérées comme des armes chimiques, et donc interdites.
Usage de bombes à fragmentation dans des zones civiles
L’armée israélienne était dans le collimateur des organisations humanitaires durant l’été. L’ONU avait accusé Tsahal d’avoir utilisé des bombes à fragmentation dans des zones civiles au Liban Sud, ce qui s’avère un usage contraire aux conventions internationales. Les bombes à fragmentation sont des engins dispersant une multitude de petites bombes. Celles-ci n’explosent pas nécessairement lors de leur impact, faisant ainsi planer une menace durable sur la population.
Les USA devaient enquêter pour déterminer si Israël avait rompu des accords signés dans les années 1970 qui prévoient que ce type d’engin, de fabrication américaine, ne peut être utilisé que contre des « armées arabes organisées » ou « des cibles militaires clairement définies », et non contre des civils. Actuellement, nous ne disposons pas des suites de cette enquête américaine. Le dossier est en l’état clos, en attendant de plus amples informations des Etats-Unis.
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