Kouchner vs Guaino à l’UNESCO : la France K.O
Suite de notre feuilleton sur les élections à l’UNESCO. La France, pays hôte de l’élection, du quartier général - et des idéaux ? - de l’UNESCO, est dans une position dangereusement attentiste. Deux voix discordantes, celle de Kouchner et de Guaino, pour un jeu de realpolitik auquel on est en train de perdre.
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La France est "divisée" par les élections à l’UNESCO, selon The Times, et c’est tout à fait l’ambiance de cette chaude semaine électorale qui est ainsi résumée. Reprenons rapidement les éléments de cette controverse qui oppose intellectuels et dirigeants français. Comme nous vous l’avions raconté en détails, l’UNESCO, le bras culturel de l’ONU, doit élire en ce début d’automne un nouveau Directeur Général après les 2 mandats réussis du japonais Koïchiro Matsuura. L’enjeu de cette électionqui paraît trop lointaine pour le grand public ? Respecter un héritage d’audace intellectuelle, poursuivre les évolutions impulsées par une organisation discrète mais souvent en avance sur son temps (comme en témoigne sa volonté de défendre, très tôt, l’environnement), et placer à la tête d’une institution de paix une personne digne de cette fonction. Mais c’est également le financement de l’institution (600 millions de dollars annuels de budget) et des 320 ONG qui travaillent sur le terrain pour son compte qui est à protéger.
La polémique porte sur un point très simple : le candidat que la presse donne favorite (mais en chute libre), Farouk Hosni, est un personnage controversé. Ministre de la Culture de l’Egypte depuis plus de 22 ans, il est le responsable moral sinon direct d’une censure étouffante dans son pays (Milan Kundera et Da Vinci Code interdits, blogueurs arrêtés, festivals de films indépendants annulés en toute hâte), de propos anti-sémites répétés en 2001 et 2008, et d’un halo de corruption qui a mené aux lourdes condamnations de ses plus proches collaborateurs (notamment son ancien directeur de cabinet Aymane Abdel-Moneim). Si son "cas" se limitait à l’histoire, finalement assez banale, d’un ministre de la Culture au service d’un régime sans pitié pour la liberté d’expression sous toutes ses formes, on en ferait pas tout un plat. Mais il y a mieux, car l’élection se passe à Paris, la France fait partie des pays votants, et malgré notre héritage (lointain, semble-t-il) des Lumières, nous ne semblons toujours pas en mesure de prendre une position nette.
Comment comprendre en effet la valse hésitation à laquelle ont participé récemment Bernard Kouchner et Henri Guaino ? D’un côté, le Ministre des Affaires Etrangères, littéralement en panne d’inspiration quand Elkabbach lui demande si Farouk Hosni est un candidat "respectable"... preuve que malgré bien des revirements, cette couleuvre semble bien grosse pour l’ex French Doctor. De l’autre, Henri Guaino, conseiller spécial du Président, et concepteur de l’Union pour la Méditerrannée. C’est précisément pour ce projet que Guaino a besoin du soutien de l’Egypte de Moubarak... et que, du coup, Farouk Hosni bénéficie de son "préjugé favorable". Un pas en avant, deux pas en arrière ? En fait, la France pourrait se trouver dans une situation d’attente assez inconfortable (mais que son manque de courage politique n’excuse en rien). La diplomatie américaine se met en ordre de combat contre l’égyptien, mais de manière officieuse, et l’Europe pourrait changer de stratégie et soutenir l’une de ses 3 candidates (une autrichienne, une bulgare ou une lituanienne) les 15 et 16 septembre sous l’impulsion de la Suède. Du coup, on fait donner non pas de "la" voix, mais "deux voix", l’une réservée, l’autre moins, histoire de ne pas perdre la face quelle que soit l’issue du scrutin.
Cet attentisme teinté de realtpolitik ne doit pas cacher le principal danger : celui que l’UNESCO soit dirigé par un vieux satrape qui a peur des livres, des mots, et de la pensée quand elle est différente.
Sauvons l’UNESCO
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