L’appel à la paix de Nicolás Maduro dans le New-York Times
Il ne s’agit pas d’un poisson d’avril. Nicolás Maduro, actuel président du Venezuela, a publié une tribune dans le New-York Times le 1er avril donnant sa version des manifestations violentes s’étant déroulées dernièrement dans son pays, et surtout, appelant Barack Obama à la paix et au dialogue. Sera-t-il entendu ? Voici la traduction intégrale du texte en français réalisée par mes soins.
Venezuela : un appel à la paix
CARACAS, Venezuela. Les récentes manifestations au Venezuela ont fait la Une des journaux. La plupart des médias étrangers ont déformé la réalité de mon pays et les faits entourant les évènements.
Les vénézuéliens sont fiers de notre démocratie. Nous avons construit de manière spontanée un mouvement de démocratie participative qui a garanti la distribution équitable du pouvoir et des ressources entre les personnes.
Selon les Nation Unies, le Venezuela a progressivement réduit les inégalités : il détient dorénavant la plus faible inégalité de salaires dans la région. Nous avons réduit énormément la pauvreté – de 49% en 1998, selon les données de la Banque Mondiale, à 25,4% en 2012 ; au cours de la même période, selon les statistiques gouvernementales, l’extrême pauvreté est passée de 21% à 6%.
Nous avons créé ce que nous considérons comme notre vaisseau amiral, une protection santé universelle et des programmes d’éducation en accès libre à tous les citoyens. Nous avons atteint ces objectifs en grande partie grâce aux revenus du pétrole vénézuélien.
Tandis que nos politiques sociales ont largement amélioré la vie de nos citoyens, le gouvernement a également été confronté à de sérieux challenges économiques durant ces 16 derniers mois, incluant inflation et pénuries de produits de base. Nous continuons à trouver des solutions via des mesures comme notre nouveau système monétaire d’échange international basé sur le principe du marché, qui est destiné à réduire le marché noir des taux de change. Et nous pilotons les entreprises pour nous assurer qu’elles n’extorquent pas les consommateurs ou qu’elles ne stockent pas des produits. Le Venezuela a dû aussi lutté avec un fort taux de criminalité. Nous y répondons en construisant une nouvelle police nationale, en renforçant la coopération communauté-police et en renouvelant le système carcéral.
Depuis 1998, le mouvement fondé par Hugo Chávez a remporté plus d’une douzaine d’élections présidentielles, législatives et municipales au sein d’un processus électoral que l’ancien président américain Jimmy Carter a qualifié de « meilleur dans le monde ». Récemment, le Parti Socialiste Unifié a obtenu l’assentiment massif des urnes lors des élections municipales en décembre 2013, remportant 255 des 337 villes.
Au Venezuela, en politique, la participation populaire a fortement augmenté au cours de la dernière décennie. En tant qu’ancien syndicaliste, je crois profondément au droit d’association et au devoir civique qui garantissent que la justice prévaut, rendant audibles les préoccupations légitimes au travers de rassemblements et de manifestations tranquilles.
Les affirmations comme quoi le Venezuela possède une démocratie déficiente, et que les protestations actuelles représentent la majorité du sentiment national sont démenties par les faits. Les manifestations antigouvernementales sont l’œuvre des classes les plus aisées de la société ; ces dernières cherchent à renverser les gains du processus démocratique qui ont bénéficié à une vaste majorité de personnes.
Les manifestants antigouvernementaux ont physiquement attaqué et détruit des hôpitaux, brûlé une université dans l’Etat de Táchira, lancé des cocktails Molotov et des pierres à des bus. Ils ont aussi visé d’autres institutions publiques en jetant des pierres et des torches sur les bureaux de la Cour Suprême, la compagnie publique de téléphonie CANTV et les bureaux du ministère de la Justice. Ces actions violentes ont causé des millions de dollars de dégâts. C’est pourquoi les manifestations n’ont reçu aucun soutien de la part des classes les plus pauvres et des ouvriers.
Les manifestants ont un objectif unique : l’éviction anticonstitutionnelle d’un gouvernement élu démocratiquement. Les leaders antigouvernementaux l’ont fait savoir clairement quand ils ont entamé leur campagne en janvier, s’engageant à provoquer le chaos dans les rues. Ceux qui expriment des revendications légitimes à propos des conditions économiques ou du taux de criminalité, sont exploités par les leaders des manifestants. Ces derniers ont des vues violentes et antidémocratiques.
En deux mois, 36 personnes ont été tuées. Les manifestants sont, nous le pensons, responsables de la moitié de ces décès. Six membres de la garde nationale ont été la cible de tirs et sont morts ; d’autres citoyens sont morts en essayant d’enlever des obstacles placés par les manifestants pour bloquer la circulation.
Un très petit nombre des forces personnelles de sécurité ont aussi été accusées de violences ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Ces événements sont hautement regrettables, et le gouvernement vénézuélien a répondu par l’arrestation des individus suspectés. Nous avons créé un Conseil des Droits Humains pour enquêter sur les tous les incidents relatifs à ces manifestations. Chaque victime mérite justice, et tout criminel – qu’il soutienne ou s’oppose au gouvernement – sera tenu(e) pour responsable de ses actes.
Aux Etats-Unis, les manifestants ont été décrits comme « pacifiques », alors que le gouvernement vénézuélien est montré comme les réprimant violemment. Suivant ce récit, le gouvernement américain se place du côté du peuple vénézuélien ; en réalité, il est du côté des 1 pourcent qui veulent ramener notre pays là où les 99 autres pourcent étaient exclus de la vie politique et où seulement une minorité – incluant les compagnies américaines – bénéficiait du pétrole.
N’oublions pas que ceux qui ont soutenu en 2002 le renversement du gouvernement vénézuélien élu démocratiquement, mènent les manifestations aujourd’hui. Ceux impliqués dans le coup d’Etat de 2002 avaient immédiatement dissout la Cour Suprême et le parlement, et rejeté la constitution. Ceux qui incitent à la violence et tentent des actions non constitutionnelles similaires aujourd’hui doivent être traduits en justice.
Le gouvernement américain a soutenu le coup d’Etat de 2002 et a reconnu le gouvernement issu de ce renversement malgré son comportement anti-démocratique. Aujourd’hui, l’administration d’Obama dépense au moins 5 millions de dollars par an pour soutenir les mouvements d’opposition au Venezuela. Un projet de loi appelant à augmenter de 15 millions le soutien aux organisations anti-gouvernementales est actuellement étudié au Congrès. Le Congrès décide aussi d’imposer des sanctions au Venezuela. J’espère que le peuple américain, connaissant la vérité, décidera que le Venezuela et son peuple ne méritent pas un tel châtiment, et feront appel à leurs représentants pour ne pas promulguer ces sanctions.
Le temps du dialogue et de la diplomatie est venu. Et nous avons accepté les recommandations, provenant de l’Union des Nations Sud-Américaines, d’engager immédiatement un dialogue avec l’opposition. Mon gouvernement a aussi tendu la main vers le président Obama, exprimant notre désir d’échanger à nouveau des ambassadeurs. Nous espérons que son administration répondra favorablement.
Le Venezuela a besoin de paix et de dialogue pour avancer. Nous accueillons quiconque veut sincèrement nous aider à atteindre ces objectifs.
Source : New-York Times, Venezuela : a Call for Peace
Source utilisée par Nicolás Maduro pour les 5 millions de dollars de soutien aux organisations antigouvernementales : Document du Congrès américain de justification du budget des opérations étrangères, année 2014, p. 126. Le document est d’autant plus intéressant qu’il montre les sommes versées pour d’autres pays, le Venezuela figure dans le peloton de queue.
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