L’Argentine encore en ligne de mire (partie 2/2)

A partir de 1989, Carlos Menem, élu Président de la République Argentine, organisa les spoliations au profit de la noblesse financière. L'instauration d'une nouvelle politique économique imposée depuis Washington par l'éminence grise Domingo Cavallo, disciple de Hoz, prenait son essor. Ce ministre des finances était un proche des banquiers New-Yorkais. Il contribua complètement aux privatisations exigées par le FMI et Washington. Les crédits contractés auprès des marchés financiers pour stabiliser le Peso entraîna un paupérisme généralisé. Par une propagande bien orchestrée, Cavallo fut élevé au rang de héros pour avoir jugulé l’hyperinflation.
Sur ces fondements, la crise de 2001 prit ses racines. Cavallo accentua la dépendance de l’Argentine auprès des marchés financiers et des fonds de pensions. Les uns s’enrichissaient par l'usure quand la population s’appauvrissait au rythme des emprunts de ses gouvernants. Les scandales se succédaient et la corruption des élites, toutes formées dans les universités américaines et anglaises, étaient de notoriété publique. Un rapport de 2003 a montré que Cavallo et ses acolytes avaient littéralement dépecé leur pays au profit de la haute finance. La catastrophe sociale était inversement proportionnelle aux fortunes amassées par les spoliateurs rastaquouères. Les Argentins se révoltèrent contre le pouvoir en place et particulièrement pour réclamer simplement de quoi manger. Une fois les banques fermées ainsi que l'accès à leur argent, les Argentins se retrouvèrent dans une économie à l’arrêt avec pour seul recours la manifestation avec des casseroles devant les rideaux fermés. Le chômage explosa, la précarité atteignit des chiffres records, la sous-alimentation touchait une grande majorité de la population. Les hôpitaux accueillaient chaque jour des centaines d’enfants affamés, près de 80 % de ceux-ci se retrouvèrent sous-alimentés ou ne mangeaient rien ! Les décharges étaient les derniers endroits de ravitaillement. L’Argentine, pilier de l’agriculture mondiale après la seconde guerre mondiale, capable de nourrir trois fois sa population se retrouvait avec autant de personnes sous-alimentées. Par quel mystère était-elle obligée d’importer des biens agricoles à des prix exorbitants ? Comment 55 enfants pouvaient mourir chaque jour de maladies curables et de sous-alimentation ? Dans ce désastre ayant grassement profité aux banquiers et aux corrompus, un autre malheur se profilait.
…et par les OGM, l'enfer du décor
La dette extérieure argentine dans les années 90 n’était plus remboursable. Afin de combler ces déficits records, les financiers, sous couvert de philanthropie, soufflèrent une idée aux gouvernants argentins : l’utilisation des OGM. Les scientifiques, à la sauce Monsanto, imposèrent aux Argentins une solution miracle afin d'apporter des devises rapides et promouvoir ce type d'agriculture pour rembourser la dette. Menem facilita le diktat de Monsanto au prétexte spécieux d'apporter le remède indispensable aux problèmes argentins. Une nouvelle fois ce dernier trahissait son pays au profit des cartels. Après les crédits faciles, les conditions dictées par le FMI et la privatisation du secteur public, Menem bradait son agriculture. Les investisseurs étrangers, tel Soros et son célèbre fond Quantum, rachetèrent les terres à des prix bradés sous couvert d'une politique de remembrement des parcelles. Pour opérer ce changement, Monsanto vendit le package destructeur : semences transgéniques de soja et herbicides (le glyphosate).
Les premiers résultats furent encourageants : la crise de la vache folle en Europe et l’interdiction des farines animales entraîna une forte demande autour du soja argentin. La hausse de ce légume sur les marchés incita tous les agriculteurs à se lancer dans la production transgénique. L’euphorie fut de courte durée pour eux, la rapide détérioration des terres obérait l’avenir de leurs exploitations. Rapidement, le glyphosate était dépassé par les herbes parasites nécessitant des dosages de plus en plus importants annulant les bénéfices espérés au départ. La culture du soja occupe actuellement plus de la moitié des terres cultivables soit 14 millions d’hectares.
Les répercussions sanitaires sur les écosystèmes et sur les hommes s’avèrent catastrophiques. « Les symptômes les plus fréquents chez les populations exposées sont des étourdissements, nausées, vomissements, diarrhées, douleurs stomacales, éruptions cutanées, irritations des yeux et problèmes de visions dus aux substances contenues dans cet herbicide ». Ces poisons détruisent le système endocrinien et engendre des lymphomes. Les médecins travaillant en milieu rural, ont rapporté une augmentation des cas de leucémies, de malformations congénitales et de fausses couches (Mascheroni, 2007). Bien qu’aucun lien direct ne puisse être fait entre la recrudescence de certaines pathologies et l’augmentation de l’utilisation des herbicides, il est certain que les populations qui vivent à proximité des champs de soja ont plus de risques de développer des problèmes de santé.
Le remembrement a détruit la structure paysanne traditionnelle au profit des "latifundia", les grands propriétaires terriens. L’expropriation des petits agriculteurs fut sauvagement organisée par des bandes armées financées par les groupes de l'agro-alimentaire. 300 000 de ces petits exploitants, dépossédés de leurs ressources terriennes, vinrent grossir les bidonvilles argentins. Ceux qui n’avaient pas succombé aux rackets virent leurs terres inondées d’herbicides déversés par les épandages aériens qui détruisirent leurs récoltes vivrières.
Une autre plaie pour l’écosystème reste la déforestation sauvage. Les latifundistes agrandissaient leurs propriétés en saccageant les forêts sans tenir compte des lois et des règles en vigueur. Le biotope se retrouva anéanti par ces prédateurs des temps modernes.
Pour conclure, la monoculture induite par le soja transgénique s'avère catastrophique car elle accroît la malnutrition par la disparition de la polyculture. De fait, le pays se retrouve obligé d’importer avec toutes les conséquences sur les prix et les produits. La dépendance agricole argentine envers Monsanto s'en trouve décuplée, en effet, les brevets de la multinationale obligent les agriculteurs à racheter aux prix fort ces semences transgéniques. Prise au piège, l’Argentine ne peut plus que tourner en rond dans ce cercle vicieux.
A qui le tour ?
L’Argentine a été, et reste, le laboratoire des financiers et de l’industrie agro-alimentaire. Les fonds d’investissement se sont accaparés les ressources économiques du pays, Monsanto a imposé son modèle agricole. Le modus operandi est simple mais efficace. Une fois le pays entré dans la spirale de la dette, rien ne peut arrêter les financiers. Les lois évoluent immanquablement en leur faveur car « La chute de la défense Champerty en 2004, qui interdisait d’acheter des titres de dette dans l’unique but d’intenter un procès, marque le début d’une nouvelle ère ». D’ailleurs, la situation de l’Ukraine ressemblait en bien des points à celle de l’Argentine. Pour mémoire, c'est la question des OGM qui avait fait achopper l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Europe. Les conséquences déjà catastrophiques de ce refus n'ont certainement pas encore trouvé leur dénouement. L’affaire Nisman qui est une tentative de déstabilisation d'un pouvoir élu démocratiquement, ressemble à celle du Maidan : les manifestations ont rapidement tourné au fiasco, certainement grâce à la diligence avec laquelle Mme Kirchner a répondu aux fausses accusations. De plus, sa lutte contre la finance pour la reconstruction de son pays a provoqué une contre manifestation de soutien bien plus importante que la première. Son combat isolé contre les élites, formées dans les plus grandes écoles anglo-américaines, devrait servir de leçon à nos pleutres gouvernants occidentaux. L’Argentine et l’Ukraine ne seront certainement pas les dernières victimes du mondialisme sauvage. Pour la Grèce, l'épilogue arrive. A qui le tour ?
Extrait de la lettre d'analyses et d'informations libre n°2 (avril 2015)
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