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L’éruption de l’Eyjafjöll est terminée. Renault en profite

Le constructeur français est à l’origine d’une campagne sans précédent dans la presse écrite. D’un article ’sérieux’ sur l’Islande, il fait le support d’une publicité pour son réseau de maintenance automobile. Et montre que l’on peut se payer un espace publicitaire en se moquant des lecteurs. Mais que devient le volcan islandais dans tout cela ?

 La semaine dernière, la presse écrite a entamé une révolution grâce à une publicité radicalement originale, même si elle est passée inaperçue. La nouveauté me ravit, par hostilité naturelle à toute forme de conservatisme. Du passé faisons table rase. Qu’un fabricant automobile veuille étaler les multiples mérites de son réseau de service après vente m’enthousiasme. Il s’agit pour lui de présenter les résultats d’un classement réalisé par un hebdomadaire spécialisé bien connu. Celui-ci a classé première l’entreprise au losange pour la deuxième année consécutive (2009 et 2010). L’heureux récompensé y voit bien sûr la preuve de ses qualités en terme d’implantation, d’offre, de qualité de service et de prix, pour reprendre chacune des catégories citées.

A ce point de la démonstration, le lecteur s’étonne probablement de la grande banalité du procédé. Ce n’est pas la lune. Combien d’annonces fonctionnent-elles sur un mode triomphaliste « on est les meilleurs !  » Ici, la publicité n’occupe pas seulement la moitié en bas de la page du journal, mais l’ensemble. Les comportementalistes ont visiblement relevé que l’oeil du lecteur a pris l’habitude de négliger ces moitiés de pages publicitaires, pour se fixer sur le texte seul. Quant aux pleines pages, elles finissent dans l’oubli d’un feuillet vite tourné. Les vendeurs de messages prétentieux ont donc décidé de bousculer les us et coutumes de la presse et des lecteurs. Auparavant, les premiers admettaient honteusement les encarts publicitaires pour des raisons pécuniaires. Les seconds fermaient les yeux sur une pratique nécessaire et d’autant moins gênante que leur regard glissait sur lesdites annonces.

C’est donc une révolution. La publicité semble occuper sagement une moitié de page. Il y a bien un texte qui la surplombe. Il est toutefois entrecoupé d’une colonne métallique qui joint les deux moitiés de la page (voir photo). En bas, un mécanicien lève la tête vers le haut. En haut, une voiture de couleur caramel trône sur une plate-forme. L’ensemble est donc censé illustrer la performance du garagiste. Certes le pont technique pour travailler sous le véhicule est hors d’atteinte du technicien, mais le service après vente arrive à la première place. Pour clore la présentation, la voiture entrecoupe un texte qu’un simple coup d’oeil pourrait considérer comme un banal article de presse. Le titre maintient l’ambiguïté. « Europe : la tête dans le nuage. » Pour le publicitaire, il s’agit du constructeur. Pour le lecteur, le pseudo – article commence, immédiatement suivi par un sous-titre en gras. « L’éruption du volcan Eyjafjöll en avril dernier a complètement tétanisé le ciel européen. Retour sur un événement explosif.  »

Les niveaux de lecture se chevauchent, car il ne s’agit pas d’un simple pastiche pour arrêter le lecteur. L’auteur anonyme décrit une situation connue du public : l’éruption volcanique islandaise et la paralysie du ciel européen qui a suivi à la mi-avril. On verra ensuite la dimension comique visiblement involontaire du texte, avant de considérer l’anecdote pour ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire une farce anodine. Le texte se répartit en quatre séquences successives, et commence par un exposé du problème : les avions bloqués au sol pendant plusieurs jours, et les touristes empêchés de rentrer chez eux. Dans le plus grand aéroport londonien, à Heathrow, le total des passagers journaliers atteint 250.000. Des personnes témoignent. L’auteur reprend ensuite maladroitement un exposé des événements.

« Responsable de cette inertie aérienne, le réveil mercredi 14 avril d’un volcan siégeant à la crête du glacier islandais Eyjafjalljökull, à une hauteur de 1.500 mètres.  » [voir le Figaro] Pour prendre les choses dans le bon sens - on peut visionner cette vidéo impressionnante - un glacier occupait le cratère du volcan inactif. L’éruption a propulsé à environ sept kilomètres d’altitude glaces et particules rocheuses qui occupait le fond de la caldeira, ce que l’auteur anonyme appelle (sic) « l’‘alliage de cendres composé de poussières volcaniques  ». Le nuage ainsi formé a dérivé par la suite au-dessus de l’Europe.

La dorsale médio-Atlantique traverse l’Islande de part en part, dans le sens sud-sud-ouest / nord-nord-est. Deux plaques tectoniques s’éloignent en effet au rythme de quelques centimètres par an. La partie orientale de l’île se trouve donc sur la plaque eurasiatique, tandis que la partie occidentale se trouve sur la plaque américaine. Le volcanisme de faille s’accompagne d’un volcanisme de points chauds, comme c’est le cas de l’Eyjafjöll alimenté par le réchauffement brusque d’une chambre de combustion interne. Mais il n’y a en Islande ni contact ni friction tectoniques, contrairement à ce qu’écrit l’apprenti géologue – encarteur. «  L’éruption menaçait depuis vingt ans déjà. Et elle n’est qu’un aperçu de l’agitation volcanique qui menace l’Islande, car c’est l’une des zones tectoniques les plus remuantes du globe avec ses trois cents volcans.  ».

L’évocation finale d’une éruption à Madagascar, socle ancien et stable, couronne la piètre démonstration. « En 1980, le réveil du volcan Chaillou, situé à Madagascar, avait provoqué un amas de cendres projeté au-dessus de la strate des nuages ce qui avait induit une chute du mercure à la surface de la terre. ‘On peut en retirer une bonne leçon : la nature a toujours le dessus sur les réalisations de l’homme.’  » Le volcan n’existe tout simplement pas. En 1980, le mont Saint-Helens aux Etats-Unis a en revanche connu une intense activité, tout comme le Piton de la Fournaise sur l’île de la Réunion. Dans le cas de l’éruption américaine, Maurice Kraft a bien analysé les faits et montré l’utilité d’une évacuation contrôlée des populations. Dans l’article-publicité, au contraire, la seule information importante fait en revanche défaut. Au cours de la troisième semaine de mai, après une quarantaine de jours d’activité, le volcan Eyjafjöll a cessé toute activité, à l’exception de quelques fumeroles.

J’ai relevé des bourdes, mais là n’est pas l’essentiel. Car je suis le premier à commettre sans m’en rendre compte des erreurs, à laisser passer de temps à autre des affirmations mal vérifiées ou insuffisamment étayées. Il y a un côté réellement comique dans la médiocre traduction automatique d’un original rédigé en langue anglaise : je le suppose sans pouvoir l’affirmer catégoriquement. L’effet produit reproduit la technique des gags d’Astérix chez les Bretons, avec des expressions idiomatiques transposées littéralement en français. Ainsi, lorsque les dessinateurs imaginent une bataille entre Bretons et Romains interrompue par l’heure du thé, ils font dire à l’un des combattants : « Je demande votre pardon… Fin de semaine, désolé !  » Dans la publicité, on a toutefois francisé les noms et prénoms des personnages, pour essayer de rendre plus crédible l’histoire, mais en chamboulant les générations. Pascal (pic de 21.256 naissances en 1962) a peu de chances d’avoir pour fils un petit Philippe (26.206 naissances en 1963). Michèle (10.387 naissances en 1947) risque d’être plutôt la grand-mère de Chloé (7.190 naissances en 2000 / Chiffres Insee sur Aly-abbara) que sa mère. Voir l’ensemble du texte en note [1].

Reprenons donc depuis le début. Une publicité pour des garages prend l’allure d’un article de journal pour accrocher le regard. Au fond, ne devrais-je pas sourire à cette facétie ? Il y a bien d’autres sujets de préoccupations dans l’actualité. L’éruption volcanique a un temps perturbé le trafic aérien. Les conséquences économiques de la catastrophe restent difficiles à évaluer. Cela étant, de nombreuses compagnies aériennes européennes et américaines souffrent de surcapacité et d’endettement. Les rapprochements récents ou annoncés en sont la preuve. Pour nombre d’entre elles, les billets remboursés constituent une perte sèche. Mais aucun avion ne s’est écrasé. La polémique a cependant enflé… à cause de la prudence jugée excessive des autorités de régulation du trafic aérien international [Le Post] !

Certains observateurs ont voulu tirer des enseignements sans doute hâtifs sur l’avant et l’après éruption. La mise entre parenthèses du transport aérien n’a été que de courte durée, en réalité. Et le retour des traversées transatlantiques en bateau de voyageurs attendra. Les similitudes événementielles entre les attentats du 11 septembre et l’éruption volcanique m’intéressent davantage. Un grain de sable s’incruste dans les rouages et interrompt soudainement le mécanisme, fragilité connue des sociétés contemporaines. La presse continentale s’est empressée de relayer les reportages sur la tragédie (…) de ces vacanciers oubliés dans une station balnéaire quelconque : oubliés l’Irak, l’Afghanistan, la Thaïlande, etc ! Que se passera(it)-il lors d’une éruption au sud de l’Italie ? Quels services prendraient en charge la population civile (et les touristes) ?

En Islande même, les habitants de la zone directement menacée par l’Eyjafjöll ont craint un moment une évacuation de longue durée. Il n’en sera rien [source]. Tous les problèmes islandais ne sont pas insolubles (voir Histoire drôle islandaise et Au loto islandais, personne ne gagne…). On est loin des grandes éruptions de la décennie 1780, au cours desquelles une partie de la population de l’île ensevelie sous les cendres a péri.

En attendant, les publicitaires ont ouvertement brocardé le travail des journalistes, réduisant l’écriture d’un article à un empilement de notions mal agencées parce que mal comprises. La reprise de dépêches in extenso (type AFP ou Reuters). Le rédacteur du texte est – qui sait ? – un aimable provocateur ayant pesé chacune de ses phrases pour donner l’impression d’une fausse vérité et faire réagir. Je n’y crois guère. Tout est communication : le service après vente pour véhicules automobiles, le trafic aérien, l’éruption volcanique, Pascal et Philippe, Michèle et Chloé. Communiquons comme la lune.

[1] « Europe : la tête dans le nuage. L’éruption du volcan Eyjafjöll en avril dernier a complètement tétanisé le ciel européen. Retour sur un événement explosif.

L’avalanche de clôtures des différents espaces aériens nationaux provoque une situation sans précédents depuis le 11 septembre. C’est une semaine de totale interruption du trafic aérien dans tout le nord de l’Europe. Quasi tous les aéroports français ont fermé, dont Roissy et Orly. L’activité des cinq aéroports majeurs de Londres est interrompue, Heathrow même – l’aéroport au trafic le plus important d’Europe : 250.000 passagers chaque jours – n’y résiste pas. Les tarmacs suisses et finlandais subissent également des perturbations. Dans leur sillage, la Norvège, la Suède, la Belgique et l’Irlande suivent dans ce sens. D’autres vols encore, en provenance d’Asie notamment, ont été gelés. Les retentissements de l’éruption trouvent un écho jusqu’aux Etats-Unis où bon nombre de compagnies aériennes ont retardé et même suspendu des vols à destination de l’Europe. Nous avons recueilli de nombreux témoignages de touristes restés coincés sur leur lieu de vacances, comme cette famille très sympathique venue de Metz et ne pouvant pas repartir de Marrakech.

Pascal, le père de famille, et Philippe, son fils, ont passé des heures sur internet à essayer de booker un vol pour finalement réussir à rentrer sans encombre(…) en passant par Madrid. Michèle, la mère, et Chloé, sa fille, en tremblent encore : « On a échappé de justesse aux deux jours de bus… » Ces exemples sont nombreux et montrent à quel point le réseau aérien est désarmé face à ce type de catastrophe naturelle. Il est ainsi primordial d’en explorer les causes afin d’être en mesure, à l’avenir, de les prévenir. Responsable de cette inertie aérienne, le réveil mercredi 14 avril d’un volcan siégeant à la crête du glacier islandais Eyjafjalljökull, à une hauteur de 1.500 mètres.

L’alliage de cendres composé(…) de poussières volcaniques, a peu à peu immobilisé l’espace aérien européen et les échanges internationaux provoquant un black-out de plusieurs jours. Cette curieuse masse volante envoyée dans le ciel jusqu’à sept kilomètres de hauteur, s’est répandue vers le Nord mais aussi vers le sud en direction de la France. Depuis longtemps, une activité magmatique irrégulière est enregistrée par les sismographes et autres outils de géologues. L’éruption menaçait depuis vingt ans déjà. Et elle n’est qu’un aperçu de l’agitation volcanique qui menace l’Islande, car c’est l’une des zones tectoniques les plus remuantes du globe avec ses trois-cents volcans. Cela s’explique par le positionnement atlantique de l’Islande sur la dorsale médio-océanique, qui sur la zone de divergence des plaques tectoniques américaines et asiatiques. Si l’Islande nourrit de cadeau empoisonné sa production en électricité et son réseau de chaleur, les experts s’inquiètent d’une nouvelle éruption aux abords du glacier.

En 1980, le réveil du volcan Chaillou, situé à Madagascar, avait provoqué un amas de cendres projeté au-dessus de la strate des nuages ce qui avait induit une chute du mercure à la surface de la terre. « On peut en retirer une bonne leçon : la nature a toujours le dessus sur les réalisations de l’homme.  »


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1 réactions à cet article    


  • Bruno de Larivière Bruno de Larivière 1er juin 2010 13:43

    Juste un mot pour signaler la sortie d’une étude sur l’impact économique de l’éruption islandaise...
    http://www.oef.com/free/pdfs/volcanicupdate.pdf

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