L’éternel ennemi d’El comandante
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Le jeune Fidel Castro, sous le charme des états-unis d’Amérique Le Cuba dans lequel Fidel Castro a évolué tout au long de sa jeunesse est entièrement dépendant des Etats-Unis : la capitale, La Havane, où il évoluera à partir de l’âge de 13 ans, au collège de Belém puis à l’université d’avocat, est une terre propice au jeu et au défoulement pour les classes supérieures américaines, de façon que La Havane de 1940-50 est à juste titre mise en relation avec l’actuel Las Vegas. Maisons closes et casinos florissent tandis que la dépendance de Cuba vis-à-vis des Etats-Unis prend une ampleur à la limite de la décense : 4/5 de la production sucrière est exportée à destination des USA, la proportion est identique s’agissant des produits importés en provenance des Etats-Unis. Quant aux firmes américaines, elles contrôlent l’immense majorité des services publics cubains et sont en charge de la gestion de la totalité de l’exploitation de brut.
Fidel Castro a fréquemment décrit la lente évolution de sa conscience politique vers le marxisme-léninisme, et, plus précoce, vers l’anti-impérialisme. Il avoue ainsi sans retenue qu’Ernesto Guevara avait acquis nettement plus rapidement que lui une culture révolutionnaire. Cette lente maturation idéologique explique la fascination qu’éprouve le jeune Fidel Castro vis-à-vis des Etats-Unis. A 10 ans, il félicite dans une lettre le président Franklin Roosevelt pour sa réélection, en le priant, en vain, de lui adresser un billet d’un dollar, dont il rêve de connaître la physionomie. Par la suite, c’est à New York qu’il entreprend son premier voyage de noce, financé par sa belle-famille bourgeoise : le futur barbudo est sous le charme de la cité new-yorkaise.
Face aux menaces implicites d’assassinat, formulées par le dictateur alors au pouvoir Batista, Fidel Castro fuit au Mexique en 1955. C’est ici qu’il rencontre Ernesto Guevara, avec qui, associé à l’actuel chef d’état cubain Raul Castro, ils formentent le projet de guérilla qui les hissera au pouvoir en 1959. Faute de moyens, les futur guérilleros se hatent de partir en quête de financements. Influencé par l’image de prospérité régnant aux USA qu’il a entretenu tout au long de sa jeunesse, Fidel Castro achète à crédit un billet d’avion à destination des Etats-Unis. Il arpente trois mois durant le voisin nord-américain, en vue de collecter des fonds. Son charme, associé à un charisme certain, lui permettent de rassembler près de 9000 dollars. Quatre ans plus tard, Fidel Castro et ses guérilleros renversent le régime dictatorial de Batista... La fascination de Castro pour les Etats-Unis subsiste-t-elle encore ?
Tentatives infructueuses de cohabitation En 1959, au terme de plus de trois années de guérillas, les barbudos parviennent enfin à se hisser au sommet de l’état cubain, portés par la ferveur populaire. La position de Fidel Castro vis-à-vis des Etats-Unis, bien qu’affirmant être fortement opposé au modèle social américain, est celle d’une cohabitation pacifique si ce n’est coopérative. Le développement de Cuba est impossible si l’entente avec les Etats-Unis n’est pas assurée affirme Fidel Castro au lendemain de sa victoire, ajoutant que la couleur de sa révolution ne sera ni bleue ni rouge mais vert olive, en référence aux couleurs des uniformes guérilleros. En outre il entreprend un voyage diplomatique aux Etats-Unis, en 1959, durant lequel son discours suivi par 30 000 personnes témoigne d’une popularité certaine : au lendemain de l’arrivée de Castro au pouvoir, Cuba semble engagé dans une cohabitation pacifique avec les Etats-Unis.
Les Etats-Unis se montrent cependant très réticents à l’idée d’une pérennisation de Fidel Castro à la tête de Cuba : à quelques jours de la victoire des guérilleros, ils tentent d’organiser des élections présidentielles, qui, dépourvues de légitimité ne sont pas prises en compte par le peuple. Avant même toute prise de contact avec Fidel Castro, la CIA envisage un assassinat du guérillero. Par la suite, les premières mesures du gouvernement castristes, et tout particulièrement la réforme agraire, qui contraint les propriétaires terrains à renoncer à leurs exploitations au-dela de 405 hectares, mettent en péril les grands monopoles américains, au grand dam de l’administration Kennedy.
C’est en 1960 que le divorce intervient : face au refus évident des Etats-Unis de coopérer avec Fidel Castro et la nouvelle donne qu’il propose de faire émerger, Cuba se réfugie dans les bras de l’URSS. Un accord quiquennal est signé entre les deux parties, l’URSS se doit d’acheter 5 millions de tonnes de sucre à Cuba tandis que l’île doit désormais importer son acier et ses machines-outils en provenance d’URSS. Les Etats-Unis tombent des nues d’autant plus que s’ajoute à cela une provocation insupportable de Fidel Castro, qui, en voyage à New York dans le cadre d’une réunion de l’ONU, élit domicile dans un hôtel du Harlem...réservé aux personnes de couleur noire !
Guerre militaire, guerre économique et guerre verbale La maturation idéologique de Fidel Castro s’achève probablement aux alentours de 1961 : à la révolution vert olive se substitue la révolution marxiste-léniniste, comme en atteste à la télévision, en décembre 1961, Fidel Castro lui-même. Je le reconnais avec fierté et conviction, je suis marxiste léniniste et je le resterai jusqu’au dernier jour de ma vie affirme alors le chef d’état cubain. Castro n’a alors qu’un seul objectif certes quelque peu utopique en tête : humilier et surtout devancer le système capitaliste américain. Première réussite : le débarquement de la baie des cochons, opéré par la CIA en dépit de la réticence exprimée par John Kennedy, se solde par un échec cuisant pour les Etats-Unis : munis de 7 avions, non seulement les officiers cubains l’emportent mais ils font près de 1200 prisonniers !
Un an plus tard, éclate la crise des missiles. Des cargots en provenance d’Union Soviétique se dirigent dès juillet 1962, à destination de Cuba, transportant des fusées atomiques. Dupés, les Etats-Unis croyent à des armes défensives. Une mission photo menée par le commandant Heyser permet en octobre 1962 de prendre conscience de l’installation de fusées atomiques à Cuba, dirigées en direction des Etats-Unis.
Eclate alors une crise tripartite entre l’URSS, Cuba et les Etats-Unis. Au terme d’une dizaine de jours de négociation au bord de la guerre nucléaire, une voie de résolution semble se dégager. Castro jauge alors le moment opportun pour abattre un avion US, sous prétexte que ce dernier violait l’espace aérien cubain. Tous les efforts de conciliation semblent alors vains mais les USA comme l’URSS passent outre l’incident. Le conflit se règle entre deux des trois béligérants, Castro étant mis à l’écart. Ce dernier, fou de rage, se montre vivement opposé à l’accord trouvé. Castro estime les contreparties accordées à Cuba en l’échange du retrait des missiles trop faibles, et, il n’est pas parvenu à son objectif : déclencher une guerre mondiale, capable d’anéantir les Etats-Unis. Dans une lettre adréssée au président d’Union Soviétique Kroutchev, il fait clairement part au dirigeant russe de ce souhait.
Au lendemain de cette crise diplomatique historique, Cuba est soumis à un contraignant blocus économique des Etats-Unis, ce qui accroit sa dépendance à l’URSS. La volonté de Fidel Castro et d’Ernesto Guevara est de bâtir la société de l’homme nouveau, employé par l’état dans des coopératives, avec l’égalité salariale absolue, en supprimant les incitations matérielles. Cette société communiste s’oppose en tous points avec l’ennemi américain : Castro conserve son objectif quelque peu utopique en tête de devancer les Etats-Unis en instaurant une société marxiste-léniniste à Cuba.
Les premiers échecs se font grandement sentir : la suppresion des incitations matérielles et un travail non intéréssé conduisent à un absentéisme de l’ordre de 20%, un taux qui grimpe jusqu’à 50% dans la région de l’Oriente ! Notre illusion a été de croire que notre société pouvait d’un seul coup se transformer en une communauté où se chacun se comporterait de manière irréprochable sur le plan éthique et moral concède Fidel Castro face à cet échec cuisant et restaure dès 1969 un certain nombre d’incitations matérielles : la machine cubaine repart de plus belle, sans que le régime n’en fasse acte, au risque d’avouer implictement que le système capitaliste est nettement plus productif que le système communiste.
Toujours dans le même objectif que de devancer à terme les Etats-Unis d’Amérique en instaurant une société pérenne et enviée, Fidel Castro souhaite s’imposer comme un acteur majeur sur la scène internationale, et engage les troupes cubaines en Angola. Les Etats-Unis font preuve de leur opposition à cette aide militaire, ce qui irrite au plus haut point Fidel Castro : de quelle base morale dispose un pays qui a ses troupes sur tous les continents pour justifier sa position sur les troupes cubaines en Angola ?
La conciliation impossible Le rêve de Fidel Castro s’éteint avec la chute de l’Union Soviétique. L’économie cubaine était basée sur un système semblable au troc, avec le bloc communiste et tout particulièrement l’URSS. Pourtant, Fidel Castro accentue sa politique communiste et refuse la conciliation avec les Etats-Unis, qui serait interprêtée selon le Lider Maximo comme l’abdication du système communiste face au capitalisme, tout cela, en dépit d’une récession de l’ordre de 30% en 1992 et une chute du pouvoir d’achat des cubains de plus de 70% entre 1991 et 1994. Bref, la conciliation entre les USA et Cuba n’interviendra pas tant que Fidel Castro ne s’en ira point sous d’autres cieux...
Je vous invite en outre à consulter mon blog, lenouvelhebdo.com
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