L’hypocrisie nucléaire française
Alors que les tensions grandissent entre l’Iran et "la communauté internationale" au sujet de son programme nucléaire, la France, plutôt modérée sous l’ère Chirac, a nettement durcit son discours depuis l’arrivée au pouvoir du couple Sarkozy/Kouchner. L’Iran est ouvertement accusé de vouloir se doter de l’arme nucléaire, ce qui est présenté comme un casus belli susceptible de conduire à une guerre à laquelle la France prendrait part. L’analyse que j’ai traduite ici permet d’apprécier la position des grandes puissances nucléaires sous un angle différent. L’uranium n’est pas abondant, des pénuries sont à prévoir dès 2013 et l’arrivée de nouveaux acteurs pourrait priver de leur indépendance énergétique les pays qui ont trop misé sur la filière nucléaire. La France qui dépend pour son électricité à 80% du nucléaire est dans une position particulièrement délicate. Et si la guerre contre l’Iran dont semblent rêver nos dirigeants n’était pas fondée sur la crainte d’une hypothétique bombe atomique dont on voit mal ce que l’Iran pourrait bien faire, mais était au contraire fondée sur la volonté de maintenir notre position dominante dans l’industrie nucléaire civile, seule garante de la viabilité de cette filière pour la France ? Si la viabilité de cette industrie nous oblige à éliminer des concurrents par la force militaire, qui plus est sous de faux prétextes, il est grand temps que le peuple se saisisse de ces enjeux et contraigne le lobby nucléaire à fournir des réponses à la question de l’approvisionnement en uranium à moyen terme. Au delà des problèmes de prolifération, de sécurité ou de retraitement des déchets, c’est peut-être là que se trouve le véritable talon d’Achille de la filière nucléaire.
Le monde est en train d’entrer dans une ère d’investissements sans précédent dans le domaine de l’énergie nucléaire. Les menaces combinées du changement climatique, de l’insécurité des approvisionnements énergétiques, des craintes de prix élevé de l’énergie, et des réserves de pétrole qui s’amenuisent, poussent les gouvernements vers le développement de l’énergie nucléaire. Cette énergie est perçue comme neutre en carbone, comme capable de briser notre dépendance énergétique, et comme donnant le contrôle des approvisionnements énergétiques aux gouvernements.
Cette vision est trop optimiste et dangereuse, affirme Michael Dittmar de l’institut suisse de technologie de Zurich, qui vient de publier aujourd’hui même sur arXiv le dernier chapitre d’une impressionnante analyse en quatre parties de l’industrie nucléaire mondiale.
Le problème peut-être le plus inquiétant est la conception fausse que l’uranium est abondamment disponible. Actuellement, les centrales nucléaires du monde consomment près de 65000 tonnes d’uranium chaque année. De ces 65000 tonnes, 40000 proviennent des mines d’uranium. Le reste provient de sources secondaires comme les stocks civils ou militaires, ou encore l’uranium usagé ré-enrichi. "Mais sans accès aux stocks militaires, les stocks d’uranium civil des occidentaux seront épuisés en 2013", conclut Dittmar.
On ne sait pas comment le manque d’uranium pourra être comblé dans la mesure où personne ne semble savoir où l’industrie minière pourrait trouver de nouveaux gisements.
Ceci signifie que les pays qui dépendent de l’importation d’uranium comme le Japon et beaucoup d’autres pays occidentaux devront faire face à une pénurie d’uranium, peut-être dès 2013. Loin d’être la source d’énergie fiable sur laquelle de nombreux gouvernements fondent leur futur besoins énergétiques, l’énergie nucléaire semble décidément être une option chancelante.
Mais qu’en est-il des nouvelles technologies comme les surgénérateurs qui engendrent du combustible nucléaire ou de la fusion nucléaire ? Dittmar est pessimiste à propos des surgénérateurs. "Leur coût de construction énorme, les problèmes de sûreté qu’ils ont posés et leurs faibles performances laissent peu de raisons de penser qu’ils puissent un jour devenir viables commercialement," dit-il.
L’avenir est encore plus sombre pour la fusion nucléaire : "Aussi loin que l’on se projette dans le futur, la fusion nucléaire vue comme source d’énergie est encore moins probable que le développement de surgénérateurs à grande échelle".
Dittmar décrit de sombres perspectives pour les pays qui parient sur l’énergie nucléaire. Et ses analyses ne prennent même pas en compte les problèmes de sûreté, de prolifération nucléaire ou de retraitement des déchets nucléaires.
Pour ceux qui vivent dans ces pays, son message est de faire des provisions de bois de chauffe et de bougies.
Il existe néanmoins un lueur d’espoir dans ce cauchemar nucléaire : la possibilité que des pénuries graves d’énergie pousseront les gouvernements à détourner leurs réserves d’uranium et de plutonium militaires pour un usage civil. Serait-il possible que la crise à venir de l’énergie nucléaire débarrasse le monde de la plupart de ses armes nucléaire ?
Chapter I : Nuclear Fission Energy Today
Chapter II : What is known about Secondary Uranium Resources ?
Chapter III : How (un)reliable are the Red Book Uranium Resource Data ?
Chapter IV : Energy from Breeder Reactors and from Fusion ?
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON