L’incontournable entente de l’Europe unie avec la Fédération de Russie
Il paraît surprenant qu’à aucun moment de l’interminable campagne pour l’élection d’un nouveau président de France il ait été si peu question de grand dessein de politique étrangère de la France au sein de l’Europe unie, et au-delà même de ses frontières, de l’avenir de ses relations avec la Fédération de Russie, dont les territoires s’étendent jusqu’à l’extremité de la Sibérie, à Vladivostok.
Il paraît surprenant qu’à aucun moment de l’interminable
campagne pour l’élection d’un nouveau président de France il ait été si peu
question de grand dessein de politique étrangère de la France au sein de l’Europe
Unie , et au-delà même de ses frontières, de l’avenir de ses relations avec la
Fédération de Russie, dont les territoires s’étendent jusqu’à l’extrémité de la
Sibérie, à Vladivostok.
Même ceux qui parmi les hommes politiques, se disent encore
disciples de Charles de Gaulle on paru avoir oublié sa vision d’une « Europe de
l’Atlantique à l’Oural ».
Le président Vladimir Poutine, dans cet esprit même, a fait
coïncider - ce qui ne paraît pas fortuit - l’envoi de son message de félicitations
destiné au président élu français, avec la commémoration de la victoire de 1945
par son pays en affirmant que « la France a été et reste toujours pour la
Russie l’un de ses partenaires essentiels tant dans la politique globale que
dans les affaires européennes ».
« D’une année à l’autre, nos liens économiques et commerciaux
se resserrent toujours plus. Notre coopération culturelle et humanitaire, y
compris en matière de promotion de la langue française en Russie et du russe en
France, se développe sans marquer un seul temps d’arrêt. Un très haut niveau de
confiance et de compréhension mutuelle s’est instauré dans les relations russo-françaises.
J’associe à votre élection l’espoir de leur renforcement ultérieur » lit-on
dans le message de Vladimir Poutine.
Le président de la Fédération de Russie a souligné qu « historiquement,
la Russie et la France étaient liées par des rapports très solides, basés sur
cette sympathie et ce respect réciproques que les Russes et les Français éprouvent
depuis toujours les uns pour les autres. »
Parmi les grandes priorités de la coopération bilatérale
pour une proche perspective, le chef de l’Etat russe a évoqué « le maintien d’une
étroite action conjointe de la Russie et de la France au sein de l’Organisation
des Nations unies et de son Conseil de sécurité. »
« Je compte aussi sur le maintien par la France du rôle de «
locomotive » dans le développement et le renforcement du partenariat stratégique
entre la Fédération de Russie et l’Union européenne (UE), y compris à la lumière
de la future présidence tournante de votre pays à l’Union européenne au second
semestre de 2008. »
Depuis novembre 1989, le continent européen n’est plus
compartimenté. Le « rideau de fer » et le mur de Berlin ont disparu. À la
bipolarisation a succédé le morcellement ethnique qui a pour conséquence les
guerres tribales qui ont eu lieu dans l’ex-Yougoslavie et sur certains
territoires de l’ex-URSS.
La Communauté économique européenne (CEE) n’est pas encore
parvenue en quarante ans - malgré des succès spectaculaires - à se doter sous l’appellation
d’Union européenne des institutions gouvernementales qui lui permettraient de
pérenniser, d’une seule voix, l’influence de son existence dans le monde. Elle
se demande aujourd’hui avec effroi - mais dans le désordre - quels seront les
prochains barbares, ses futurs adversaires ? De quel point du globe viendront
les nouvelles vagues d’immigrants que font prévoir aux sociologues la paupérisation
d’un monde sous-développé et l’évolution des climats de la planète ?
Certains ont déjà pointé leur doigt vers le Proche et l’Extrême-Orient,
en bloc. D’autres vers la Chine, en particulier. Les plus anxieux, dans l’immédiat,
vers les pays qui forment une sorte de croissant au sud de l’Europe, du Maghreb
au Bangladesh en passant par le Proche-Orient.
Charles de Gaulle avait écrit que « l’Etat est né du besoin
d’organiser des nations » et que les « nations jamais ne s’unirent, ou ne se
constituèrent en Etat, en Fédération ou Confédération que pour assurer la
consolidation et la défense de leurs intérêts légitimes ou non, contre un
tiers, qu’il fût un Etat, une coalition ou une alliance ?
Les Européens du XXIe siècle sont convaincus que les
religions n’ont surtout pas à être prises en considération dans la construction
ni dans le fonctionnement de leur Union bien que l’on doive aux Églises
protestantes allemandes à l’Ouest et à l’Est le succès du rétablissement
pacifique de l’unité de l’Allemagne.
Il est donc désormais admis que ni l’orthodoxie de la Sainte
Russie, malgré sa renaissance spectaculaire après le crépuscule des soviets, ni
le calvinisme et le luthéranisme d’Europe septentrionale, ni le catholicisme d’une
partie du continent ni les diverses dénominations du christianisme en Grande-Bretagne,
ni l’islam, ne seront pas admis à jouer le moindre rôle dans l’organisation
future de cette Europe unie, dont le concept même permet de prévoir, à beaucoup
plus long terme au cours de ce siècle, d’une entité eurasienne.
Ce postulat, néanmoins, ne devrait pas l’inciter à renier
son passé hélleno-romain et judéo-chrétien dont procède, avec toutes ses nuances,
toutes ses contradictions, notre civilisation, de l’Atlantique à Vladivostok.
Pourtant , outre-Atlantique, nombre d’analystes politiques
ont préconisé qu’avec le fondement des préceptes bibliques, s’impose un nouvel
ordonnancement messianique du monde suggérant que l’Occident, dissimulé sous le
faux de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), a le devoir de se
donner pour mission, de protéger, d’entraîner dans son sillage coûte que coûte,
avec une ferveur prosélyte, les peuples victimes du communisme soviétique - non
seulement la Russie mais l’Ukraine ou la Géorgie - et de les convertir au
nouveau dogme du "politiquement correct" et au type de démocratie que
proposent, depuis la fin triomphale de la Seconde Guerre mondiale, les élites
politiques et religieuses américaines en vue d’imposer une nouvelle forme de
domination pieuse du monde.
Dans le cas présent, après ses aventures tragiques de la
guerre du Golfe, de la tentative de conquête de l’Afghanistan, l’échec militaro
politique irakien, et les tentatives de « démocratiser » les peuples arabo-musulmans,
du détroit de Gibraltar à celui d’Ormuz, et dans le même esprit de domination,
le gouvernement en exercice de Washington a proposé, en janvier 2007, non pas à
l’Europe, en tant qu’entité transnationale, mais à deux de ses néophytes, la
Pologne et la Tchéquie, de déployer sur leur sol des missiles anti-missiles
pour « parer à toute agression ». Washington offrait également d’approfondir la
coopération russo-américaine sur la détection précoce des départs de missiles
dans le monde et d’améliorer l’interopérabilité des systèmes antimissile de
leurs troupes.
« Je ne vois pas, à vrai dire, de fondement à des
discussions sur la possibilité d’une coopération dans la défense antimissile »,
avait affirmé M. Ivanov.
Le 10 mai 2007, les 58 membres de la commission aux
forces armées du Congrès américain, en approuvant le budget américain militaire 2008,
a réduit de 764 millions de dollars le montant général des dépenses de défense
antimissile demandé pour 2008 par la Missile Defense Agency. Sur les 310
millions de dollars requis par le président George W. Bush pour le déploiement
de deux sites de défense antimissile en Europe, la commission a supprimé les 160
millions nécessaires à l’installation de dix missiles intercepteurs sur le
territoire polonais.
Dans cette circonstance, Washington a de nouveau évité de
traiter avec l’Union européenne en entraînant dans son sillage les membres de
cette union les plus favorables aux Etats-Unis, suivant l’idée de Samuel
Huntington, qui suggérait d’ignorer l’UE en se bornant à choisir
pragmatiquement, selon les besoins, sans passer par Bruxelles, les pays
les plus dociles, comme si on était de retour, comme par magie, aux années
soixante et soixante-dix.
Mais cette fois-ci, une telle manœuvre de M. George W. Bush,
ne parait pas avoir abouti.
Du côté russe, cette initiative a provoqué l’indignation car Moscou, qui croyait pouvoir envisager que l’OTAN - faute d’adversaire immédiat -,
se démantèlerait. Il n’en est toujours rien, au contraire, puisque Washington
compte bien maintenir son emprise politico-militaire sur l’Europe, la Méditerranée,
et l’Eurasie en attribuant aujourd’hui à l’Organisation du Traite de l’Atlantique
Nord comme cela été démontré au dernier sommet de Riga, le rôle d’une "association
diplomatique" chargée du maintien de l’ordre partout où les intérêts « occidentaux
» sont menacés. Auparavant l’OTAN avait même offert un « ticket d’entrée », une
sorte de partenariat, à la Fédération de Russie. Sans grand succès.
Peut-on penser un seul instant à la lumière des évènements
contemporains, que cette initiative imaginée à Washington, soit jamais crédible
pour le gouvernement russe ?
En fait, l’OTAN pourrait arriver que cette organisation
devienne la cause principale d’une nouvelle série de différends avec la fédération
de Russie. Les Etats-Unis dont les objectifs, depuis Pearl-Harbor, sont tournés
vers le Pacifique, où l’archipel hawaïen est leur principal centre stratégique,
n’ont jamais été vraiment favorables à la constitution d’une Europe unie et
encore moins aujourd’hui à l’élaboration avec elle d’une entente eurasiatique
qui intégrerait la Fédération de Russie.
Même si une « grande amitié » voire de la reconnaissance à l’égard
des Etats-Unis se manifeste parfois en Europe, cette dernière ne désire plus
jouer le rôle des « cipayes » ou de supplétif des forces armées américaines
dans leurs extravagantes aventures. Soucieuse de son indépendance en dépit
d’un manque de cohésion qui n’est pas encore surmonté, elle tient à maîtriser
son destin.
La Russie dotée, aujourd’hui, d’institutions fondées sur les
droits de l’Homme et sur une Constitution qui tient compte des volontés de
chacun de ses citoyens, est de son retour à ses antiques traditions. Il est évident
qu’elle se démocratise à sa manière et comme elle le veut. Plus volontiers
inspirée par les acquis rationalistes de la Révolution française que par la déclaration
d’indépendance des pères fondateurs des Etats-Unis à Philadelphie et leur
inspiration biblique et puritaine.
Elle est apparue au cours des dernières décennies comme la
puissance complémentaire de l’Europe, ainsi que paraît le souligner M. Vladimir
Poutine dans son message au président récemment élu de la République française..
On en revient à l’Europe. L’islam est devenu une des deux
religions principales de la France. A-t-il vraiment, comme l’affirment les
fondamentalistes d’Al-Qaïda, des visées sur le Vieux Continent, au nom d’une reconquête de ses royaumes d’Europe ?
Depuis l’apparition de l’arme atomique, il ne peut plus
exister de provincialisme douillet et confiant en l’avenir, ni de zones tampons.
Nous sommes tous mutuellement, sans avant-garde, à vingt minutes balistiques de
l’Armageddon (Apocalypse XVI, 16) et cette fois l’Apocalypse pourrait venir non
seulement de Chine, de Corée du Nord, du subcontinent indien ou du Sud-Est
asiatique, mais également du Proche-Orient, du monde arabo-musulman où se préparent
déjà les guerres du troisième millénaire.
La Russie qui intéresse l’Europe n’est pas celle de demain
mais d’abord celle d’aujourd’hui, dans un monde ouvert et sans frontières étanches.
Sous l’appellation de fédération, la Sainte Russie est née à nouveau, non sans
d’extrêmes et redoutables difficultés à établir une adéquation viable entre les
peuples du reste de l’Europe et du monde.
Les Etats-Unis demeurent une superpuissance hégémonique. Ces
deux géants planétaires, l’un et l’autre conquérants de l’Espace, sont toujours
face à face de part et d’autre du pôle Nord. L’un et l’autre, après les accords
de désarmement qu’ils ont signés, disposent encore d’un arsenal nucléaire
capable de faire sauter la planète.
En dépit des sirènes de la culture et des technologies américaines
qui tentent de séduire une partie de ses nouvelles générations, la Russie se
trouve toujours historiquement côte à côte de l’Europe occidentale dont elle a
souvent partagé les tribulations et les frontières.
Une fois de plus, Washington fait en sorte de mettre l’Europe
entre parenthèses tandis que les présidents des deux superpuissances qui se
font face au pôle Nord, pourraient non seulement parler seul à seul mais « procéder,
à l’écart de l’Union de l’Europe, à l’élaboration d’éventuelles conditions
exclusives d’un traité ou pacte de relations privilégiées entre la Russie et
les Etats-Unis. »
Peut-on assister impuissants en Europe à la formation d’une "Communauté
d’intérêts" entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie comme on a vu
se créer en 1992 une zone de libre-échange comprenant les pays d’Amérique du
Nord (Etats-Unis et Canada) et le Mexique sur le continent ibéro-américain ?
Tels qu’ils se succèdent, les évènements démontrent ainsi,
en l’absence de toute initiative des gouvernements de l’Union européenne, que le
temps est impérieusement venu pour l’Europe d’assumer son avenir et son développement
dans la sphère méditerranéenne, proche-orientale, eurasiatique et extrême-orientale.
Et ceci, sans le parrainage des Etats-Unis dont l’imbrication dans une série d’échecs
et d’impraticables politiques au Proche et Moyen-Orient ne pourrait que
constituer un poids compromettant pour l’Eurasie du futur.
L’Union européenne, telle qu’elle est définie par le Traité de
Maastricht, signé et ratifié par chacun de ses membres après avoir mis de côté les
rivalités et les conflits d’antan, aurait dû être rapidement l’occasion d’établir
des relations institutionnelles, des mesures de confiance, des consultations,
et une coopération économique qu’appellent déjà de leurs vœux la Fédération de
Russie et ses voisins immédiats.
Il serait sage d‘élaborer une véritable politique de coopération
économique et diplomatique avec la Fédération de Russie, comme les Russes l’ont
eux-mêmes déjà suggéré.
« L’exceptionnelle situation de notre pays peut largement
contribuer à l’établissement de liens d’intégration multiples entre l’Asie et l’Europe
» écrivait en 1991 l’ancien ministre des Affaires étrangères Edouard
Chavardnadzé, devenu par la suite président de la Géorgie.
« L’Europe et l’Asie, l’Est et l’Ouest vont depuis longtemps
à la rencontre l’un de l’autre, en surmontant les barrières, l’isolement de
certains pays, les cauchemars des conquêtes coloniales et l’esclavage, les
conflits régionaux et l’inégalité des biens matériels. » Il ajoutait : « La
Route de la Soie a mis fin aux guerres et aux violences, le fil de soie de l’Histoire
a traversé de part en part l’espace du temps et des distances. C’est d’autant
plus possible de nos jours, les télécommunications ayant remplacé les caravanes
qui acheminaient la soie, et réunissant instantanément des mondes séparés. C’est
sur les rives de l’océan Pacifique que commence la route de la Soie qui,
traversant l’Extrême-Orient soviétique et la Sibérie, la partie européenne de
la (Fédération de Russie), l’Europe orientale et l’Europe occidentale,
rejoignent l’Atlantique.
Ces remarques, exprimées avant la chute de Gorbatchev et l’avènement
de Boris Eltsine et Vladimir Poutine à la tête de la Fédération de Russie, par
ce diplomate géorgien, sont toujours valables à l’heure actuelle.
Il faudrait tenir compte du fait que l’Europe continentale,
politique, géographique et stratégique, ne pourra pas se limiter aux frontières
de l’Union actuelle. Elle ira non seulement jusqu’à l’Oural comme le prédisait
le général de Gaulle, mais sans doute au-delà avec le consentement mutuel de
ses peuples.
Ce grand dessein, les démarches entreprises par l’Union de l’Europe
et la Russie ne pourront être contrariés que par les Etats-Unis pour lesquels l’apparition
d’une entité économique, politique, stratégique aussi importante que l’Eurasie,
constituerait une grave nuisance à long terme pour ses intérêts dans le monde.
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