L’initiative de la Serbie auprès de la CIJ volera-t-elle au secours du droit international au Kosovo et en Géorgie ?
Les derniers développements en Géorgie et la reconnaissance de l’indépendance autoproclamée des provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie par la Russie ont relancé le débat sur la primauté du droit des Etats sur celui des peuples qui avait bruyamment accompagné la sécession de la province serbe du Kosovo le 16 février dernier.
Nombreux furent ceux qui, à l’époque, mirent en garde contre ce premier cas de démembrement forcé d’un pays démocratique et membre des Nations unies, de surcroît en temps de paix, tout en dénonçant l’argument des promoteurs de l’indépendance du Kosovo selon lequel cette province représentait un cas unique ne pouvant faire office de précédent.
Moscou se réclame précisément de cet antécédent pour motiver sa reconnaissance des deux provinces géorgiennes que Washington et les principales capitales européennes contestent, et ce justement au nom du principe de l’intégrité territoriale qu’elles dénièrent à la Serbie. Au-delà de la rhétorique développée de part et d’autre, ce nouveau cas de reconnaissance unilatérale d’indépendance autoproclamée pointe à nouveau vers l’absence de règles claires permettant de définir qui des Etats ou des peuples a la primauté en matière de revendications territoriales.
Dans ce contexte, l’initiative de la Serbie visant à ce que l’Assemblée générale des Nations unies vote cet automne une résolution demandant l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de la proclamation d’indépendance par le Kosovo semble tomber à point nommé pour apaiser les passions et redonner une tournure rationnelle et juridique au débat. Rappelons que la CIJ, par définition neutre, est l’instance suprême de la communauté internationale habilitée à émettre un avis sur la question.
La Serbie, qui ne peut requérir un avis de la CIJ directement, aurait également pu demander au Conseil de sécurité de l’ONU de le faire à sa place, mais les trois membres permanents ayant soutenu l’indépendance du Kosovo (Etats-Unis, Grande-Bretagne et France) lui firent comprendre qu’ils bloqueraient une telle démarche.
Les perspectives de réussite de l’entreprise serbe auprès de l’Assemblée générale demeurent également très hypothétiques du fait de la farouche opposition des pays ayant poussé le Kosovo à se détacher. Ces derniers multiplient les messages de mise en garde envers Belgrade et Bernard Kouchner alla jusqu’à enjoindre son homologue serbe Vuk Jeremic en juillet dernier d’abandonner cette initiative, car il est « inacceptable » que la Serbie puisse exprimer le désir de joindre l’UE tout en étant « en situation de confrontation » avec ses membres ayant reconnu l’indépendance du Kosovo. L’ambassadeur du Royaume-Uni en Serbie, Steven Wordworth, qualifia même cette initiative de « direct challenge » dans une interview accordée au quotidien belgradois Vecernje Novosti le 23 juillet.
La sécession du Kosovo, bien que déjà reconnue par 45 des 193 pays que comptent les Nations unies (46 en comptant Taiwan), 21 d’entre eux étant membres de l’UE, continue à susciter des inquiétudes chez nombre de pays, certains ne manquant pas de voir dans les derniers événements en Géorgie une confirmation de leurs craintes de déstabilisation de l’ordre mondial. Celles-ci seront-elles suffisantes cependant pour les pousser à braver les pressions occidentales et, au-delà de la résistance passive que représente leur non-reconnaissance du Kosovo, supporter l’initiative de la Serbie ?
Paradoxalement, il semblerait qu’avec la reconnaissance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Russie, qui soutient la démarche de Belgrade à l’Assemblée générale, les chances de voir aboutir cette initiative se soient accrues. En effet, les Russes ne jouissant plus désormais sur la scène internationale du prestige que leur conférait le statut de défenseurs du droit international face à la volonté unilatérale des Occidentaux, puisqu’ils firent précisément ce qu’ils reprochaient à ces derniers, la décision de voter en faveur d’une consultation de la CIJ permettrait aux pays tiers de renvoyer les parties en conflit dos à dos tout en maintenant une certaine neutralité.
Un autre avantage que représenterait cette consultation réside dans le fait qu’il faut généralement quelques années à la CIJ pour émettre un avis, ce qui devrait permettre de calmer les esprits et restaurer une certaine sérénité. Sachant que la majorité simple est suffisante pour qu’une telle résolution soit adoptée, il reste à espérer qu’un nombre suffisant des 147 pays ayant la possibilité de voter en faveur de l’initiative serbe soit motivé par cette perspective de retour de la "pratique" du droit international en des eaux plus calmes. Pour cela, il faudra que, selon la procédure, le Bureau de l’Assemblée générale de l’ONU décide de l’inscrire à l’ordre du jour de la session ordinaire cette année, ce qu’il sera amené à faire à la mi-septembre.
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