L’interventionnisme américain au Darfour : une autre face de la doctrine de la guerre préventive
Les interminables ballets diplomatiques des émissaires onusiens dans la région du Darfour (à l’ouest du Soudan), les nombreux accords de paix arrangés entre les rebelles, les miliciens et le gouvernement soudanais, de même que les dépêches des organisations non gouvernementales internationales et autres organisations humanitaires présentes au Darfour interpellent tout homme en quête d’un destin meilleur pour le Soudan, pour l’Afrique donc et, partant, pour l’humanité tout entière.
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Darfour : synopsis d’une crise
à facettes multiples
D’où vient-il qu’un intérêt subit ait été créé autour de cette crise qui
dure depuis bientôt quarante ans ? Qu’est-ce qui justifie la mobilisation
récente des médias occidentaux et surtout des médias américains autour
de cette ‘vieille-nouvelle’ crise ?
Verticalisation de la pensée
américaine sur la crise du Darfour
L’interventionnisme américain au Darfour se fait de façon très subtile.
Dans le branle-bas médiatique sur la crise du Darfour, les médias américains en
grande partie ne continuent de parler essentiellement que des exactions perpétrées
par les milices arabes ‘Djandjawids’,
pointées du doigt comme des milices pro-gouvernementales, et évoquent à peine
les attaques des mouvements rebelles. La diabolisation des tribus
arabo-musulmanes et leur opposition aux tribus africaines noires qui peuplent
la région du Darfour font partie de ce processus. Les Etats-Unis montrent ainsi
du doigt le gouvernement soudanais comme parrain des milices arabes ‘djandjawids’, responsable de ce qu’ils
appellent ‘génocide’ au Darfour,
quand l’Union européenne, l’Union africaine et les Nations unies prétendent que
ce n’est guère le cas.
L’interventionnisme américain au Darfour corrobore la mise en œuvre de la
‘preventive war doctrine’ qui demeure l’une des priorités du programme du Parti
républicain qui, en son chapitre sécurité, mentionne clairement : « Nous défendrons la paix en allant
combattre l’ennemi là où il se trouve. Nous éliminerons les chefs terroristes
en menant des raids, en perturbant leurs projets et leur financement, et en les
contraignant à une fuite constante ».
Différentes entités politiques, raciales, culturelles, ethniques et
religieuses entrent en jeu dans la crise du Darfour certes, mais les Etats-Unis
retiennent principalement que celle-ci a bien été créée par des terroristes
d’obédience musulmane extrémiste. Et, dans sa guerre contre le terrorisme
international, l’Amérique considère le Soudan comme un enjeu politique
stratégique de par sa position géographique ; le Soudan sert de pont entre
le Nord arabo-musulman et l’Afrique noire et pourrait servir, aux yeux des Américains, de plate-forme pour véhiculer et exacerber le sentiment
anti-musulman en Afrique.
Une grande partie de l’Amérique reste d’ailleurs très unilatérale dans l’interprétation
de la crise du Darfour et agit presque toujours dans le sens qui sied le mieux
à l’hégémonie états-unienne. Pour Mahmood Mamdani, le directeur des Etudes africaines de l’université de Columbia à New York : « les Etats-Unis voudraient bien que s’ouvrent en Afrique de
nouveaux ‘fronts’ dans leur guerre contre le ‘terrorisme international’ et le
Soudan pourrait être un de ces champs ». Qui sait s’il ne l’est
déjà ! Pour mémoire, il importe de rappeler que peu après le 11-Septembre
2001, le gouvernement soudanais avait perdu le soutien de Washington qui
l’accusait de soutenir le terrorisme.
De l’opportunité de l’application de
la doctrine de la guerre préventive
En tant que substitut à la doctrine du ‘containment’
de la guerre froide, la doctrine de la guerre préventive permet aux Etats-Unis
de retrouver l’initiative et de se repositionner au centre de l’échiquier de la
politique mondiale pour assurer la stabilité internationale en même temps
qu’ils restaurent leur image. Ainsi, la doctrine de la guerre préventive pose
en des termes clairs l’hégémonie des Etats-Unis qui ont aussi bonne conscience
pour protéger et promouvoir l’intérêt de la sécurité mondiale.
La guerre préventive : une
solution presque aussi létale que le mal qu’elle prétend guérir
Identifier et détruire les menaces potentielles avant qu’elles n’aient pu
se matérialiser est une bien meilleure solution. Toutefois, une mauvaise
identification de l’axe du mal peut créer plus de mal que le mal existant. Pour
preuve, le congrès américain, en votant en juillet 2004 une motion taxant de
« génocide » les exactions commises au Darfour et en faisant campagne
auprès du président Georges W. Bush pour mener une guerre préventive en vue
d’empêcher un plus grand massacre, à manquer de justesse de renforcer la crise
du Darfour.
Sortir du ‘bourbier soudanais’ autrement
La guerre préventive est une solution parmi tant d’autres. Mais la solution
à la crise du Darfour est ailleurs et tout autre. Des efforts doivent être
consentis pour neutraliser les milices et stabiliser les communautés du Darfour
à travers des initiatives locales. Une grande conférence civile pourrait par
exemple se tenir qui regroupera toutes les communautés civiles, tant celles qui
se considèrent ‘africaines’ que celles qui se considèrent comme ‘arabes’.
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