L’Iran face au coronavirus
Alors que l’épidémie s’estompe dans de nombreux pays gravement atteints, l’Iran reste toujours un foyer important de la propagation du Covid-19 à l’échelle mondiale.
La pandémie de coronavirus a révélé les forces et les faiblesses des responsables politiques des pays à travers le monde. Mais la façon dont les dirigeants iraniens ont traité cette crise sanitaire en Iran est d’une singularité inouïe.
Ils ont dissimulé pendant plusieurs semaines l’apparition du coronavirus en décembre 2019 dans la ville sainte de Qom. Ce centre de pèlerinage, fréquenté par quelques 700 séminaristes chinois, est devenu rapidement le premier foyer d’infection au coronavirus dans le pays, et l’Iran, l’épicentre de l’épidémie au Moyen-Orient.
Mais comme dans le passé, le régime du Guide suprême a privilégié son agenda politique – les cérémonies de l’anniversaire de la révolution de 1979 le 11 février et les élections législatives du 21 février – plutôt que la protection de la vie, la santé et le bien-être de la population.
L’irrationalité et la paranoïa ayant été toujours indissociables de cette théocratie aux apparences souvent trompeuses, Ali Khamenei, le numéro un du régime, a d’abord qualifié l’épidémie d’"attaque bactériologique de l’Amérique" et le président Hassan Rohani a, lui, parlé du "complot de l’ennemi" avant que l’un et l’autre ne se rétractent pour éviter d’être davantage ridiculisés devant l’opinion. Cependant, aucun dispositif sérieux n’a été mis en place, car d’après certains mollahs, "l’immunité divine" allait épargner la République islamique de la pandémie.
Minimisant ainsi la crise sanitaire, le président Hassan Rohani a d’abord refusé de soumettre le pays à une quarantaine à l’échelle nationale. Mais face à l’ampleur de la contamination, il s’est vu contraint d’instaurer le confinement, sans aucun soutien financier aux entreprises en difficulté ou aux millions d’individus qui perdaient ainsi leur emploi.
Alors même que le gouvernement Rohani demandait une aide de 5 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI) officiellement pour pouvoir faire face à la crise sanitaire, il a refusé l’installation d’un hôpital provisoire par l’ONG française Médecins sans frontières (MSF) à Ispahan, l’une des villes les plus touchées par l’épidémie.
Alors que selon l’OMS et des experts occidentaux, l’Iran est frappé par une deuxième vague de l’épidémie, et des milliers de nouveaux cas de contamination au covid-19 sont avérés, selon les autorités sanitaires, Rohani ne cesse de vanter sa "gestion réussie". Il se félicite pour "des provinces blanchies du virus", "l’excédent de lits vides dans les hôpitaux", et "les équipements largement suffisants pour le personnel médical"… Or, les photos et les coordonnées d’une centaine de médecins et d’infirmiers décédés ou atteints par les formes graves de la maladie, faute de moyens de protection, ainsi que les témoignages des habitants démunis, privés de soins, aux quatre coins du pays,… circulent sur les réseaux sociaux en Iran.
Crainte d’une nouvelle explosion sociale
Face à une armée de chômeurs et précaires poussés dans la misère, et par crainte d’une explosion sociale qui serait déclenchée l’extrême pauvreté d’une population déjà en colère, mais surtout pour sauver son économie, le gouvernement a rouvert les mausolées et lieux de pèlerinages comme sources de revenus et a encouragé la population à retourner au travail en dépits des mises en garde des médecins et des autorités locales. Cette décision néfaste a inexorablement fini par amplifier la propagation du virus dans de nombreuses provinces iraniennes.
D’après l’OMS et les experts, les chiffres officiels des décès et des personnes atteintes en Iran sont 5 à 7 fois sous-évalués.
Les révélations des sources surtout médicales à l’intérieur du pays et la campagne internationale de dénonciation des mensonges, déni et inaction du régime, obligent ses propres fonctionnaires de reconnaître que le virus est hors de contrôle et qu’une seconde vague de Covid-19 frappe actuellement une dizaine de provinces.
Covid-19 comme prétexte pour réprimer
Parallèlement et comme à son habitude en temps de crise, le régime des mollahs prend prétexte de la crise sanitaire pour arrêter des opposants et ceux et celles qui tentent d’informer la population sur la réalité des ravages de ce fléau. Plusieurs dizaines de journalistes et blogueurs ont été arrêtés et emprisonnés depuis mi-mars pour avoir diffusé "des rumeurs infondées" sur l’ampleur de l’épidémie et le nombre réel de contaminations et de décès.
Alors qu’elle prétend avoir congédié des milliers de détenus à cause de l’épidémie, la théocratie refuse toujours de libérer, ne serait-ce que provisoirement, les prisonniers politiques. La plupart d’entre eux sont souffrants et en grand détresse à cause des conditions désastreuses des prisons surpeuplées en Iran ; des conditions empirées par la propagation du virus.
Enfin, le régime misogyne des mollahs a récemment transféré de nombreuses femmes détenues politiques et prisonnières d’opinion et de conscience dans les tristement célèbres prisons d’Evin et de Qarchak (près de Téhéran), où une soixantaine de détenues souffrent, entre autres maladies, de Covid-19.
Il faut rappeler aussi qu’en dépit de l’épidémie, les exécutions n’ont connu aucun répit ces derniers mois en Iran. Plus de 40 pendaisons en avril et une dizaine au mois de mai, et cela malgré la période sacrée du jeûne de Ramadan.
La communauté internationale, notamment les pays démocratiques, ne doivent pas permettre au régime d’échapper à une condamnation vigoureuse de ses violations flagrantes des droits du peuple iranien sous le prétexte de la pandémie. Il faudra obliger les responsables du régime à rendre des comptes et conditionner toute relation économique, commerciale et politique à l’arrêt total de ces abus.
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