L’ONU va-t-elle étouffer les trafics d’organes du Premier Ministre Kosovar ?
Le rapport de Dick Marty, sénateur Suisse et rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, est venu confirmer ce que la plupart des analystes craignaient depuis des années : de hauts responsables de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) - dont l’actuel Premier ministre Hashim Thaci - sont très fortement soupçonnés d’exactions et de crimes contre l’humanité, de trafic de drogue et d’armes, mais aussi d’êtres humains. Ces faits, qui viseraient en majorité des Serbes, mais également d’autres minorités comme les Roms et les Goranis, auraient débuté au milieu de l’année 1999. À l’époque, entre cent et trois cents personnes auraient été faites prisonnières, puis transférées à l’aide de camions et de tracteurs dans des prisons improvisées à Kukës et à Tropoja, deux petites villes du Nord de l’Albanie.
En lisant les conclusions du rapport, on ne peut qu’appeler à la création par les Nations Unies d’un Tribunal spécial sur le modèle de celui créé pour le Liban. Il faut en effet lutter contre le sentiment d’impunité dont jouissent les anciens de l’UCK actuellement au pouvoir.
Dick Marty a révélé des informations explosives et réclame la création d’une telle cour à l’extérieur du Kosovo en raison de la gravité des faits. Selon lui, la pègre kosovare serait dirigée et coordonnée par plusieurs personnes occupant des postes clés dans l’actuel appareil d’État du Kosovo. Ces personnes s’appuieraient sur des réseaux lourdement corrompus au sein de la police, du système judiciaire et même de l’Eulex.
On se souvient que de nombreux témoins du procès de l’ancien Premier Ministre Ramush Haradinaj avaient été tués. On ne peut donc que soutenir également l’idée qu’un tel tribunal doit être créé hors du territoire Kosovar.
Une autre option pourrait être de confier cette enquête au Tribunal pénal international sur l’ancienne Yougoslavie (TPIY), mais il faudrait tout d’abord pour cela que les prérogatives judiciaires du TPIY soit étendues à cette nouvelle cause. Or, le mandat du TPIY prendra normalement fin dans deux ans. De plus, comme le soutient Dick Marty dans son rapport, des enquêteurs du TPIY avaient déjà rassemblé de nombreuses preuves en 2005, mais ces preuves auraient été détruites.
En effet, selon un document de l’Onu, dès 2003, la Minuk avait en main des informations relatives à des meurtres commis au Kosovo dans le but de se livrer au trafic d’organes. Ces informations confirmaient ainsi les nombreuses rumeurs affolant les minorités sur place, non seulement Serbes, mais également Roms ou Goranis. Les dirigeants de l’UÇK auraient touché jusqu’à 45.000 dollars pour les organes d’un seul individu capturé.
On pourrait penser que ces affaires concernent l’Etat Kosovar, mais l’idée de confier aux tribunaux locaux, dont des tribunaux albanais, la responsabilité d’enquêter dans cette affaire reviendrait à l’envoyer aux oubliettes. A ce jour, les procureurs albanais n’ont démontré aucune volonté de coopérer et ont même refusé de fournir soutien ou matériel à Dick Marty.
Après l’euphorie de l’indépendance de 2008, peu de dirigeants de l’UCK ont été inquiétés pour leurs activités passées. En effet, toute tentative d’enquêter sur les dirigeants Albanais est dénoncée par Pristina comme étant dirigée par la Russie ou la Serbie.
« Ce n’est pas un rapport sur le statut politique du Kosovo. Ce n’est pas un rapport contre les habitants du Kosovo. Le rapport ne concerne pas les relations entre la Serbie et le Kosovo, il ne relativise pas les crimes commis par Milošević et il n’est pas un plaidoyer pour la Serbie » a dû préciser Dick Marty.
Son rapport a été adopté à Strasbourg par 169 voix contre 8 et 14 abstentions, les parlementaires Albanais soutenus par certains Turcs et Géorgiens s’y étant opposé en dénonçant les influences Serbe et Russe.
On le voit, au sein même du Conseil de l’Europe, il semble difficile pour les Albanais d’admettre les crimes présumés de plusieurs dirigeants actuels du Kosovo. Il est donc impératif de créer une juridiction exceptionnelle, sur le modèle du Tribunal spécial pour le Liban.
Cependant, l’ONU et le gouvernement Libanais avaient négocié ensemble, à la suite de la résolution 1664 du Conseil de Sécurité, la création de ce Tribunal. La balle est donc dans le camp des 15 membres du Conseil de Sécurité et il ne faut pas trop compter sur les Etats-Unis pour poursuivre leurs amis et alliés Kosovars…
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