La Banque mondiale et la relation controversée
Au-delà du ridicule dont Paul Wolfowitz vient de couvrir la Banque mondiale, c’est toute la question de la relation entre le pouvoir américain et cette institution financière internationale qui se pose. Wolfowitz est à son amie ce que la Banque mondiale est aux États-Unis. Plus indécente que ridicule.
D’abord le ridicule. Qui pourrait désormais prêter attention à la lutte contre la corruption que mène l’intrépide Wolfowitz ? On imagine d’ici un chef d’État véreux lui glisser, l’air faussement intéressé, au beau milieu du gratin des pays donateurs, dans une soirée mondaine : « Votre petite amie, elle gagne combien déjà ? »
Pourvu qu’il ne s’étouffe pas avec le canapé qu’il venait tout juste de se mettre dans la bouche. C’est gênant, s’étouffer au beau milieu d’une soirée mondaine, surtout entouré de faux amis qui se retiendront bien de vous venir en aide.
La gêne de Wolfowitz n’est rien à côté de celle du personnel de la Banque mondiale. Passe toujours de travailler dans une succursale du département d’État américain, mais tout de même, que le grand patron abuse ainsi de son pouvoir, quel scandale !
Le maître à penser de la guerre d’Irak aura peut-être perdu son poste, mais la Banque, elle, osera-t-elle un jour mettre fin à sa relation controversée avec les États-Unis ?
Car le vrai scandale est là.
On savait à quel point la Banque mondiale est étroitement liée aux intérêts américains et qu’elle base ses décisions sur des prémisses que chérissent les conseillers économiques du président des États-Unis.
Cela est pire qu’on le croyait. Un récent rapport d’audit commandé par son vice-président à la recherche, François Bourguignon, révèle que « les recherches internes défavorables aux positions de la Banque [sont] simplement ignorées ». (La crédibilité de la Banque mondiale en question.)
Vous savez quelle est la plus incroyable des recommandations qu’a fait ce rapport d’audit ? Je vous le donne en mille : associer aux travaux de recherche de la Banque mondiale des chercheurs des pays en développement !
Imaginez un seul instant que des décisions économiques majeures concernant des pays européens soient prises à partir de travaux de recherche faits aux États-Unis par des chercheurs américains. C’est pourtant ce qui se produit depuis des décennies à l’égard des pays pauvres.
La vérité, c’est que la Banque mondiale est le cheval de Troie du capitalisme. Quoi de plus naturel que d’avoir mis à sa tête un idéologue ultraconservateur provenant du Pentagone ?
Même le prestigieux Financial Times de Londres réclame la démission de Paul Wolfowitz. À la vérité, mais cela le Financial Times ne le reconnaîtrait pas, c’est la Banque mondiale qui devrait démissionner du développement, elle qui a un biais « fortement idéologique » (ce sont les mots mêmes du rapport d’audit).
Comme si ces ornières idéologiques des dirigeants de la Banque mondiale n’étaient pas déjà assez dommageables, on apprend aussi que le tiers de son effort de recherche est inutile. Le tiers. Vous vous rendez compte ?
La corruption idéologique et le manque total de vision de la Banque mondiale sont bien pires que les petites combines de son président.
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