La bulle Obama (deuxième éclatement)
Quels prodiges Obama a-t-il accomplis depuis le soir de son élection ? Hormis écraser une mouche lors d’une interview, jouer avec un ballon dans le Bureau ovale, supporter les questions de la groupie Laurence Haïm, commander un hamburger dans un restaurant rapide et ne pas dire un mot trois semaines durant sur la vitrification de Gaza et la tragédie palestinienne, Barack Hussein Obama a pris le temps de peaufiner son image de Président des Etats-Unis.
Petit tour d’horizon du plus grand président de l’Histoire depuis au moins… George W. Bush.
BHO allant jusqu’à incarner sur des tee-shirts ou des affiches des concepts aux contours assez flous et pourtant lourds de sens, tels que " Change ", " Dream ", " Believe " ou " Hope ". Une véritable dynamique de l’Incarnation en quelque sorte. Dynamique de l’Incarnation à laquelle est venue s’ajouter une leçon de " storytelling " à toute épreuve, faisant passer l’élection française de 2007, dans ce domaine, pour un simple travail d’amateur. Et pourtant Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy avaient été respectivement entourés durant l’année 2007 par les professionnels d’Ogilvy France et du Boston Consulting Group (BCG).
Toutefois, tout cela n’aurait pas été suffisant si le peuple américain n’avait pas été mûr pour élire un tel homme.
Outre des années intensives de préparations des esprits (pour ne pas dire plus) effectuées par la plus grande fabrique de lavage des cerveaux - fabrique plus connue sous le nom d’Hollywood - qui n’a eu de cesse de mettre en scène des présidents de couleur, les Américains souhaitaient surtout se faire pardonner et retrouver un semblant de dignité après huit désastreuses et tragiques années d’administration Bush-Cheney.
Et existait-il une meilleure façon de se repentir que d’élire le Messiah from Chicago ?
De nombreux Noirs ont vu dans son élection l’aboutissement du combat pour les droits civiques et la fin définitive sur le plan symbolique de la Ségrégation ; d’autres minorités ont cru observer à travers son parcours l’accomplissement de toutes leurs espérances et de tous leurs rêves ; et pour finir les Blancs étaient rassurés de voir ce candidat métis ne pas raviver les tensions raciales à travers des discours apaisants et parfaitement dans l’air du temps sur les vertus intrinsèques de la société post-raciale (cf. le discours de Philadelphie).
Mais depuis cette élection, quels sont les résultats de celui, qui, à en croire les élans lyriques de certains organes de presse, était presque capable de marcher sur l’eau, de scinder la Mer Rouge en deux, de guérir l’aveugle par la seule imposition des mains (BHO, un président thaumaturge ?) et surtout, plus fort que tout cela, allait régler la crise financière, pacifier le Proche-Orient, mettre fin à deux guerres devenues interminables, faire entendre raison aux banquiers, créer un système de santé révolutionnaire pour les Etats-Unis, protéger les salariés américains du chômage, ou encore respecter la souveraineté des pays d’Amérique latine ?
Rien sur la City, haro sur la Suisse !
Rien sur l’instauration d’un régime de taux de change fixe, rien ou presque sur les paradis fiscaux tels que le Nevada et le Delaware aux Etats-Unis, la City londonienne, sans parler de toutes les îles annexes de la couronne britannique. Ah si, on a pointé du doigt la Suisse, qui a le tort d’être un pays encore attaché à sa souveraineté, à sa singularité et dont le système d’organisation politique (démocratie semi-directe) en fait très probablement un des pays les plus avancés au monde.
Rien sur un encadrement plus strict (ou un abandon) des fonds spéculatifs, aucune accusation vraiment à la hauteur des produits dérivés, idem concernant le caractère incestueux des rapports existant entre banques et agences de notation, aucune réflexion (sauf en coulisse avec les Chinois) sur la poursuite ou non du principe du dollar comme monnaie de référence. On en conviendra aisément, ce fut donc une indéniable réussite...
Dans les semaines qui suivirent, Barack Obama fit preuve d’une grande indulgence à l’égard des établissements financiers et tenta d’endormir la vigilance de la population américaine via une série de réformettes très en deçà des décisions qu’il eut été nécessaires de prendre eu égard à la situation catastrophique que traverse son pays et la planète dans son ensemble. Voici quelques exemples emblématiques.
Les hedge funds devront désormais se faire connaître auprès de l’autorité des marchés financiers (SEC), mais ne seront pas réglementés comme des banques. Nuance de taille, qui laisse pour le moins perplexe quand on s’est attardé ne serait-ce qu’un instant sur le rôle néfaste joué par ces hedge funds, et dont un nombre conséquent est implanté dans l’Etat du Connecticut et plus particulièrement dans la petite ville balnéaire de Greenwich. Pourquoi une telle mansuétude de la part d’Obama à l’égard des hedge funds ? Un article intitulé Un million de dollars sur Obama ! disponible sur le site de L’Express fournit très probablement la douloureuse réponse à cette douloureuse question pour tous les obamaniaques patentés : " Naturellement portés à soutenir le camp républicain, les gérants de hedge funds ont pourtant majoritairement soutenu Barack Obama. Lors d’une soirée organisée en mai 2007 à Greenwich (Connecticut) par George Soros et Paul Tudor Jones dans le palais digne des Mille et Une Nuits de ce dernier, chacun des 300 invités présents a apporté 2 300 dollars pour la campagne. Au total, c’est plus de 1 million de dollars que le nouveau président a reçu de la part de gérants de hedge funds, soit près de deux fois plus que son adversaire républicain. Pourquoi un tel choix ? Certains pointent la volonté de changement d’un milieu financier peu convaincu par les compétences économiques du candidat républicain. D’autres jugent que parier sur Obama, plus neuf en politique que John McCain ou Hillary Clinton, était surtout un moyen d’accéder plus rapidement aux premiers cercles du pouvoir. Pari payant ? ". Pari payant visiblement. C’est certainement ce qu’on appelle la reconnaissance du ventre.
Après une telle description, tout commentaire s’avérerait pour le moins superflu.
Un des choix les plus graves pris par Obama ces derniers mois (avec les pouvoirs supplémentaires octroyés au FMI lors du G20), fut le renforcement des prérogatives de la Fed (Réserve fédérale américaine).
Comment la Fed longtemps dirigée par Alan Greenspan (Ben Bernanke lui a succédé) et dont tout le monde s’accorde à dire - y compris les idéologues impénitents de l’économie financiarisée, des bienfaits du crédit à tout-va et du monétarisme à tout crin - que c’est sous son mandat que les plantes carnivores qui dévorent aujourd’hui l’économie mondiale ont poussé. Politique de taux d’intérêts trop bas, injection massive et inconsidérée de liquidités (qui se poursuit d’ailleurs), encouragement de la logique d’endettement, etc.
Toutefois, il n’est absolument pas surprenant de voir Obama si timoré et si charitable à l’égard des pauvres banques en détresse. Parmi ses principaux conseillers économiques, on trouve notamment Lawrence Summers et Timothy Geithner, deux hommes qui ont contribué à la débâcle et qui ont gravité autour de l’ancien Secrétaire au Trésor, l’impayable Robert Rubin. Inutile d’évoquer les liens que ces messieurs entretiennent avec la Haute Banque, Goldman Sachs en particulier, cette si sympathique pieuvre qui n’a pas son pareil pour créer des bulles spéculatives toujours plus énormes les unes que les autres. Il semble donc bien qu’entre Wall Street et Main Street, Obama ait définitivement choisi son camp. Et ce n’est pas celui que ses électeurs espéraient.
Ses propos sur la nécessité d’une " immigration légale " lors du dernier sommet Canada-Etats-Unis-Mexique au nom de la sacro-sainte défense de la doctrine libre-échangiste n’ont pas dû être appréciés par des Américains frappés de plein fouet par la récession et qui craignent plus que jamais la concurrence d’une main d’œuvre étrangère taillable et corvéable à merci.
Ce refus de mettre plus clairement entre parenthèses (ne serait-ce que provisoirement) la distribution de visa de travail H-1B à des travailleurs étrangers faiblement rémunérés, pourrait frapper plus durement encore les Américains les plus âgés et les plus expérimentés, comme le fait remarquer l’ancien sous-secrétaire d’Etat au Trésor de Ronald Reagan, Paul Craig Roberts.
Doit-on voir dans cette opposition farouche à toute forme de protectionnisme (malgré quelques sorties ne visant qu’à noyer le poisson), l’influence de Diana Farrell, membre du conseil économique national nommé par Obama, œuvrant au sein de la société de conseil McKinsey, et farouche propagandiste de la délocalisation des emplois et de la baisse des coûts du travail au nom de la compétitivité.
Dans son programme de campagne, Obama promettait d’élargir la couverture médicale aux 47 millions d’Américains qui en sont privés. Mettre de l’ordre dans les systèmes d’assurances privées, diminuer les coûts des soins (souvent prohibitifs et pas toujours à la hauteur), maîtrise des dépenses grâce à une politique prophylactique et une généralisation des génériques, voilà quelles étaient les grandes lignes du volet " assurance-maladie " du candidat Barack.
Mais entre Docteur Barack et Mister Obama, le fossé est pour le moins immense. Et ce ne sont pas les hallucinants et pathétiques appels à la délation lancés par le locataire de la Maison-Blanche qui modifieront la nature profonde de sa réforme du système de santé.
Après l’élection, quels organismes se sont retrouvés au centre du dispositif ? Les HMO. En clair, les assurances privées. Or, certaines grandes firmes de Wall Street détiennent ces HMO. Risques encourus : soins minimum refusés aux malades les plus démunis et mise au placard des personnes affectées par des maladies jugées trop coûteuses. C’est donc la logique comptable et financière qui l’emporte sur toutes autres considérations.
L’inspecteur général du TARP (plan de renflouement bancaire), Neil Barofsky, a lâché devant un auditoire médusé voici quelques semaines que le TARP pourrait coûter jusqu’à 23.700 milliards de dollars contre les 700 milliards annoncés au départ. Il va donc falloir sabrer dans d’autres secteurs et celui de la Santé semble avoir été choisi par les gourous de Wall Street, Orszag et Summers en tête, qui entourent Obama.
Medicaid (assurance maladie publique pour les plus humbles) et Medicare (bénéficiant aux personnes âgées) semblent être dans la ligne de mire. A tel point que certains analystes aux Etats-Unis redoutent d’assister à des campagnes promouvant sans vergogne l’euthanasie dans le seul et unique but de réduire les dépenses au nom de ce qu’ils appellent " l’efficacité comparée des soins ".
Certains élus démocrates progressistes comme John Conyers se soulèvent contre cette réforme et appellent à un " Medicare for all " et à l’élimination des HMO. D’autres proposent un retour au principe de la carte hospitalière (loi Hill-Burton adoptée en 1946), qui permet à l’Etat de construire et de faire fonctionner des hôpitaux.
Obama nie toute implication de Washington dans ce coup d’Etat militaire et il a dit et répété que Zelaya était " le président légitime " du Honduras, et Washington a en effet suspendu une grande partie de son aide militaire et économique au gouvernement de facto de Roberto Micheletti. Cependant, il est fort peu probable que Barack Obama ignore que les généraux Romeo Vasquez et Luis Suazo, respectivement chef des golpistes et chef d’état-major de l’aviation, ont été formés à l’Ecole des Amériques, gérée par l’US Army à Fort Benning (Georgie).
Rebaptisé en 2001, Institut de l’hémisphère occidental pour la coopération sur la sécurité, cette sinistre Ecole des Amériques, a enfanté dans les années 70/80, un des plus sanguinaires escadrons de la mort d’Amérique latine, le bataillon 3-16.
Or, l’Ecole des Amériques, n’a pas réellement disparu. Elle prolonge son travail malfaisant sur la base aérienne de Soto Cano, siège de l’académie aéronautique et navale hondurienne, via une inter-forces US, la Joint task force Bravo. La Jtf-Bravo dépend de l’US Southern Command (Q.G basé à Miami) en charge des intérêts
états-uniens en Amérique centrale, méridionale et caraïbe.
La Jtf-Bravo organise annuellement des manœuvres dirigées par le général de plus haut grade au Pentagone et finance l’armée hondurienne dans le cadre du budget pour les "opérations à l’étranger ".Guère étonnant après cela, que le président Zelaya se dise déçu par la " tiédeur " de Washington à l’égard du camp Micheletti…
La duplicité de Washington ne semble pas s’arrêter au Honduras. Hormis, de grandes envolées sur le bien-fondé d’un partenariat américano-russe, la stratégie de Washington vis-à-vis de Moscou est là aussi pleine d’ambiguïtés.
Voilà quelques semaines, on apprenait que l’Ukraine approvisionnait en armes la Géorgie de l’inénarrable Saakachvili. Or, il est de notoriété publique que nul acte perpétré par le président ukrainien Iouchtchenko sur le plan international ne se fait sans l’aval de Washington. Surtout, dès qu’il est question des rapports avec la Russie.
De plus, le vice-président Joe Biden, fin juillet, après une visite à Tbilissi, s’était prononcé en faveur de l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN et pour une " Géorgie unifiée ". Comprendre par " unifiée ", le refus par Washington de reconnaître les indépendances sud-ossète et abkhaze. Ce qui ne manque pas de sel, lorsqu’on se remémore l’épisode du Kosovo.
Toutefois, il ne faut pas être mesquin ni injuste : BHO sait parfois aussi tenir ses promesses. Il avait promis d’intensifier la guerre en Afghanistan, c’est désormais chose faite.Et l’envoi de nouvelles troupes supplémentaires est envisagé une fois de plus. Pensant certainement que l’Afghanistan était un terrain de jeu bien trop petit pour lui, Barack a décidé d’étendre une bonne fois pour toutes le conflit au Pakistan voisin. A ce sujet, on apprenait ceci dans l’édition du 10 juin 2009 du Canard enchaîné : "Autre révélation, cette fois des attachés militaires en poste à l’ambassade de France de Washington : le général australien Kilcullen critique vivement les bombardements des avions US sans pilote sur les zones frontalières du Pakistan avec l’Afghanistan. "Ces drones utilisés par la CIA affirme-t-il, tuent plus de civils que de terroristes. Et cela a pour effet de jeter les populations locales, victimes de ces tirs, dans les bras des talibans"" et le journaliste Claude Angeli sarcastique de conclure : "En bon français, cela s’appelle découvrir l’Amérique..."
Et pour le Proche-Orient ? Là encore on allait voir ce qu’on allait voir. Super Obama allait remettre les faucons de Tel-Aviv à leur place, stopper la colonisation et permettre la création d’un Etat palestinien. Résultats obtenus : le chef de la diplomatie de l’Etat hébreu Avigdor Lieberman est d’une arrogance folle (malgré les soupçons de fraude, abus de confiance, d’entrave à l’enquête, de corruption, de blanchiment d’argent qui pèsent sur lui et qui pourraient lui valoir sa place), les expulsions des familles palestiniennes de Jérusalem-Est ne faiblissent pas (encore à Cheikh Jarrah au début du mois d’août, 53 personnes dont 19 mineurs ont été jetés à la rue par les colons) et Netanyahu n’a pas hésité à poser ses conditions pour la naissance d’un futur Etat palestinien : "Le territoire alloué aux Palestiniens sera sans armée, sans contrôle de l’espace aérien, sans entrée d’armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l’Iran ou le Hezbollah". On pourrait parler d’une conception pour le moins brejneviéenne de la souveraineté d’un Etat...
La fin de l’état de grâce pour le Messie cosmoplanétaire ?
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