La Chine cet océan...
Il est exactement 8h08 en ce 08/08/2008, la cérémonie d’ouverture débute dans « le nid d’oiseau » pékinois pour la plus grande fiertè de tout un peuple qui aura consenti moult sacrifices afin de parvenir à ce moment historique. La Chine s’ouvre au monde en accueillant l’événement planétaire le plus médiatique qu’il soit. Les chiffres sont astrophysiques (même s’ils varient d’un média à l’autre), notamment celui du coût, 26 milliards d’euros pour les seules infrastructures de la ville hôte ! Deux journalistes pour un athlète (21600), 150 000 membres des forces de l’ordre, 29 000 feux d’artifices, pour 4 millards de téléspectateurs hypnotisés par tant de beauté qu’ils en oublieraient l’essentiel, notre commun devenir.

Il est loin le temps des guerres de l’opium, où les nations dominantes imposaient leur bon vouloir à une civilisation pourtant multimillénaire, à qui l’humanité aura emprunté quantité de découvertes qui façonneront son devenir. L’empire du milieu s’éveille au monde depuis 30 ans déjà, le grand dragon rugit aujourd’hui de mille et une flammes improbables, et la terre tremble devant tant de forces déployées.
Ces jeux, convoités depuis belle lurette, débutent donc ce-jour, drapés dans l’ambition et le nationalisme quasi triomphant d’un régime communiste à l’économie capitaliste la plus affirmée, où la spéculation est devenue une véritable discipline nationale, non sans effets pervers par ailleurs.
Médaillée d’or du capitalisme, l’empire du milieu a su adopter les canons de la course aux profits, intégrant désormais le rang des nations les plus habiles dans ces figures de styles imposées par le modèle dominant. A ce rythme, selon les prévionnistes les plus en vogue, le drapeau rouge à cinq étoiles aura avalé la banière constellée d’une nation américaine en fin de règne. L’échéance communément admise devrait être atteinte en 2015 selon l’OCDE, qui nous prédit la tête du peloton mondial pour l’économie chinoise. Remarquons encore que la Chine est le créancier de cette amérique des subprimes qui peut encore imploser à tout moment.
Dans ce sens, il n’est qu’à entendre les déclarations du porte parole de la délégation amèricaine au sujet du nombre de médailles envisagées, faisant profil bas, devinant que le dragon sera sur la plus haute marche du podium en terme de récompenses olympiques obtenues. On pourra y voir comme la métaphore de la réalité qui s’impose peu à peu au devenir géopolitique de la planète.
Si la lutte qui oppose les nations ne date pas d’aujourd’hui, c’est le terrain de jeu qui a considérablement changé, puisqu’il s’agit maintenant de jouer dans l’aire de la mondialisation d’un libéralisme absolu, dont même les maîtres du jeu ne pipent plus rien aux règles, et ce n’est pas les dernières négociations houleuses de l’OMC qui infirmeront ce propos.
8H08 le 08/08/2008, date porte bonheur pour une nation qui y travaille d’arrache pieds depuis que l’auteur du célébre petit livre rouge a rejoint les contrées celestes ad vitam eternam, et le tournant initié par Deng Xiaoping en 1978.
Mais de quel bonheur parlent les chinois, si ce n’est celui de la richesse matèrielle puisque le chiffre 8 est celui de la prospérité, alors que le chiffre 9 est celui de la longévité. Aussi, n’aurait-il pas été plus raisonnable d’opter pour ce dernier, car longévité ne vaut-elle pas mieux que prospérité ? D’autant que la prospérité proposée n’est faite que de paillettes bien superficielles, et qui ne profite qu’à un bien petit nombre, observation qui s’applique tout aussi bien à l’ensemble de l’humanité.
Dés lors, au regard des indicateurs croisés dont nous disposons n’est-il pas pertinent de nous demander si la Chine n’est pas cet océan qui fera déborder le vase, déjà trop plein, de ce capitalisme outrancier qui régit le devenir commun de bientôt 7 milliards d’humains, dont un grand nombre n’ont pas accès au minimum vital ?
Si la notion des droits de l’homme peut-être relative, selon les dirigeants chinois, la notion de minimum vital, elle, ne souffre d’aucune restriction de ce genre. Eau, nourriture, santé, éducation, sécurité (dans le sens profond du terme), devraient faire parti du panier commun de l’humanité en ce début de XXI ème siècle. Mais, force est de constater que le modèle qui s’est imposé à tous n’est pas parvenu à réaliser cet objectif, ni en Chine ni ailleurs. Loin d’être compétitif en terme de répartition équitable des richesses, les médailles ne sont attribuées qu’à quelques uns, le reste se contentant, au meilleurs des cas, de participer. Si l’essentiel c’est de participer, alors, constatons encore qu’ils sont légion les humains qui ne peuvent même pas prétendre à participation, c’est en cela que demeure insupportable l’état actuel de notre monde.
Et la Chine de s’y être précipitée, faisant fi de sa sagesse millénaire et des prescriptions de Lao Tseu, vendant son âme à ce diable de capitalisme désormais aveuglé par un égoïsme cynique.
Mais il est encore temps, et le dragon de se muer en une créature bien moins effrayante, en une espèce celeste qui illuminera les cieux d’une humanité nouvelle, où l’ère de la compétition succédera à la recherche d’une harmonie salvatrice pour la communauté des hommes.
Est-ce là un rêve, ou bien la réalité du vivant s’imposera t-elle à nous comme indiscutable, avant que nous ne disparaissions comme un feu d’artifice dans un nid d’oiseau qui aura été bien éphémère.
N’est-il pas temps de mettre fin à cet olympisme aux valeurs erronées, reflet du monde contemporain, qui n’est l’expression que de l’égo surdimensionné des humains qui n’ont eu de cesse de s’affronter dans une compétition effrénée, non pas pour la survie du plus grand nombre, mais pour la domination de quelques uns sur le plus grand nombre.
Les valeurs affichées de l’olympisme ne sont pas celles qui le régissent dans les faits, elles reflètent bien la pensée archaïque du père de ces jeux modernes qui n’y voyait que le moyen d’exprimer la supériorité des uns sur les autres, véritable miroir du monde moderne.
Ce n’est pas en pratiquant ainsi le sport qu’il apporte tout le bénéfice escompté, nous ferions mieux de nous mettre à une gymnastique quotidienne et collective afin d’entretenir le bien-être de chacun, en harmonie avec le tout, un peu à l’image de ce que nous enseigne le Tai-chi, cette « boxe de l’éternelle jeunesse ».
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