La crise venezuelienne rebondit
Nicolas Maduro a hérite de Hugo Chavez le gouvernement en 2013. Depuis avec l'effondrement des prix du pétrole les erreurs économiques des années de Chavez n'ont plus pu être cachées. Au fur et à mesure de sa perte de popularité à cause de la crise Maduro a présidé à un changement de système où une autocratie est devenue une dictature de fait. Ce qui se passe depuis début mars 2017 n'est que la conséquence de la création d'une dictature d'un nouveau genre, mais dictature néanmoins.
Depuis 2-3 ans les images du Vénézuéla montrent des queues kilométriques pour trouver de la nourriture, des programmes sociaux comme le CLAP qui ne font que cacher un rationnement pour les classes populaires alors que les riches peuvent encore (pour combien de temps ?) se fournir. L'inflation est passée à 3 chiffres et en hausse constante, laminant les anciens programmes sociaux créés par Chavez, ainsi que le salaire des travailleurs. La production continue de s'effondrer alors que le contrôle des changes restreint l'importation des besoins matériels de production tout en maintenant une corruption scandaleuse. Pire encore, la situation sanitaire, jadis bannière de gloire du système chaviste, a sombré dans une crise sans précèdent au Vénézuéla avec le retour de maladies longtemps considérées comme contrôlées ou disparues. Même les médicaments commun sont difficile à trouver alors que les médicaments coûteux ont tout simplement disparus mettant à grand risque les populations de diabétiques, cancéreux, maladies rénales et autres. Nous pourrions parler même de "failed state".
- Manifestation à Caracas le 8 avril 2017
- L’opposition au regime fait un rassemblement de masse contre le regime de Maduro
Cette situation explique pourquoi l'opposition vénézuélienne finalement unie par une alliance électorale, MUD, l'a emporté haut la main en Décembre 2015, obtenant contre toute attente 2/3 des sièges. Le conflit avec le gouvernement était inévitable car avec cette majorité le régime chaviste devenait pour la première fois depuis 1999 sujet à contrôle.
Il faut d'abord se rappeler que le régime contrôle à peu près tout au Vénézuéla. Les "cinq pouvoirs" au Vénézuéla étaient solidement sous contrôle chaviste. La perte d'un de ceux-ci entraîna sans faute la coalition des 4 autres contre la nouvelle assemblée. Bien sur, le seul vrai pouvoir qui contrôle les autres est l'exécutif qui dépend de plus en plus sur l'armée. Celle ci donc est le vrai pouvoir depuis au moins la mort de Chavez. De plus presque tous les moyens audiovisuels sont sous contrôle du régime ou soumis à la censure, ou simplement s'imposent une autocensure prudente. La presse ne fait pas mieux. Grâce au contrôle de la publicité d'état et le monopole de la distribution du papier presse par le régime il n'existe plus à Caracas qu'un seul quotidien "d'opposition" et 2-3 hebdomadaires. Il y a des régions du pays où la seule source d' information non contrôlée par le gouvernement est Twitter ou Facebook, avec tous les risques que cela comporte.
La première chose que le régime fit contre la nouvelle assemblée fut de suspendre 4 députés de l'état d' Amazonas sous prétexte de fraude électorale non prouvée à ce jour. Il faut remarquer que ce qui se passe dans les pays démocratiques et civilisés en cas de fraude électorale est une annulation de cette élection et la convocation d'une élection partielle. Le tout se fait sans problème dans un délai qui ne dépasse pas les 6 mois. Or à ce jour, 16 mois après l'élection de l'assemblée nationale, le verdict final n'a toujours pas ete émis par le tribunal électoral. Non seulement ça, mais il n'y a même pas d' enquête en cours.
Pourquoi ?
Deux raisons. La première est bien sur de bloquer cette super majorité gênante des 2/3. La deuxième vient de la création d'un conflit artificiel entre la cour suprême, TSJ, et l' assemblée nationale AN qui a permis au TSJ (donc au régime) d'annuler illégalement et anticonstitutionnellement l' assemblée. En d'autres mots le régime n'a absolument aucun intérêt à résoudre le problème électoral de l'Amazonas qui lui permet de mal fonctionner mais sans assemblée nationale.
Inutile de vous faire un dessin : depuis son élection le devoir de contrôle des ministres par l'assemblée a tout simplement été annulé, et 99% des lois et résolutions votées ont été déclarées soit non constitutionnelles soit hors sujet par le TSJ. Ceci doit être un record mondial.
Mais dans toutes les stratégies dictatoriales il y a un hic, et celui ci est que l'endettement de l'état ne peut qu'être voté par l'assemblée. Le régime n'a pas pu trouver encore le moyen de contourner cet obstacle pour une simple raison : l'assemblée a fait savoir que tout contrat compromettant une dette de la nation ne serait pas honoré au futur si celui ci n'était pas approuvé par l'assemblée. Or l'approbation par l'assemblée implique contrôle de celle ci sur l'exécution des dépenses et donc l'immense corruption du régime ne peut le permettre sous aucune circonstance.
Le régime de Maduro, aux abois, a décidé de franchir le pas. Il y a 3 semaines le régime décida que au vu du soi-disant refus d'obéissance de l'assemblée le TSJ s' arrogeait le droit de faire les lois, ou de donner ce pouvoir à qui le TSJ voudrait le donner, sous entendu l'exécutif qui pourrait ainsi s'endetter librement. Ceci est bien sur ridicule car l'assemblée peut toujours interdire l'endettement par la crainte que les créanciers auront de pouvoir récupérer leur argent. Mais le régime, comme je l'ai dit, est aux abois financiers.
Cette décision est le coup d'état final où l'assemblée nationale est simplement annulée. Non dissoute, mais annulée complètement. La fin du pouvoir législatif. Ceci est le début direct de la crise qui sévit depuis trois semaines.
Tout d' abord l'organisation des États Américains, OEA, a dénoncé le coup et a commencé les pourparlers pour contraindre le Vénézuéla à revenir a la démocratie (Charte Democratique). Le MERCOSUR de son coté a décidé d'appliquer sa propre clause de défense de la démocratie déjà utilisée contre le Paraguay avec l'appui de Chavez. Mais les temps ont changé. Ce qui était bien pour le Vénézuéla contre l' Honduras ou le Paraguay ne l' est plus quand on veut l'appliquer au Vénézuéla, et avec raison à la demande d'un parlement elu avec le 60% des voix.
Néanmoins la pression internationale fit son effet, même si d'une façon tristement hilarante. En conseil d' état le président Maduro demanda au TSJ de changer la décision d'annuler l'assemblée. Celui- ci le fit en quelques heures ! Démontrant par la même occasion que la séparation des pouvoirs n'existe pas au Vénézuéla (sans compter que les décisions finales des cour suprêmes ne peuvent pas être éditées comme le TSJ se contenta de faire sur un des articles de cette décision).
- Repression à Caracas
- Le jeudi 6 avril 2017 la police fait barrière à une tres grande marche avançant sur l’autoroute centrale de Caracas vers l’office du défenseur des droits du citoyen.
Mais cela était trop tard. L'OAS a continué ses procédés car maintenant on ne juge plus les faits mais les intentions du régime clairement établies au vu et au su de tous. D'autant plus que l'annulation de la décision du TSJ ne rend pas ses attributions à l'assemblée. Mais surtout, bien plus grave, la procureur générale de la république a cessé d'être la fidèle alliée du régime en déclarant que le TSJ avait violé la constitution lors de ces décisions. Ceci a lancé à la rue une opposition renouvelée dans sa foi. Celle que le régime croyait endormie depuis ses déboires de fin 2016 avec l'échec d'un prétendu dialogue a retrouvé sa voix et les protestations anti régime ont commencé à se succéder, l'une plus importante que l'autre. Et sur tout le pays. La demande simple, très simple, est qu'au minimum les élections pour gouverneur prévues en pour décembre 2016 soient tenues dans les plus bref délais, comme le dicte la constitution. Des élections ! Ce que le régime apparemment trouve scandaleux et antidémocratique et un coup d'état à elles seules.
Pour l'instant le régime est incapable de retrouver sa voix, est incapable même de faire des contres manifestations de soutient d'envergure à Caracas, et encore moins de prouver son soutien dans le reste du pays qui soufre encore plus que Caracas de la crise alimentaire et sanitaire. Le régime a donc recours à la répression brutale, de caractère totalitaire.
La révolution bolivarienne en est donc arrivée là où toutes les révolutions aboutissent quand elles perdent leur souffle, la répression pour se maintenir au pouvoir. Nous savons ce qu' il en est à partir de ce moment.
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