La damnation des faux Blancs au pays des Noirs...
... ou le calvaire des albinos africains.
Au propre comme au figuré, c’est leur peau que défendent chaque jour les albinos africains. L’absence de mélanine dont ils souffrent, ce pigment cutané qui protège des rayons ultraviolets, les rend particulièrement vulnérables. Non seulement il leur est impératif de se protéger de l’implacable soleil qui leur provoque de cruelles brûlures ou des ulcères, sinon des cancers de la peau le plus souvent fatals. Mais en outre ils doivent se défendre des convoitises de féticheurs qui ne reculent devant aucun scrupule pour s’approprier les prétendues vertus que renfermeraient leurs cheveux, leurs doigts ou leurs parties génitales. Et plus le continent africain plonge dans le marasme socio-économique plus ces pratiques, que l’on pouvait croire à jamais enfouies au fin fond de l’Histoire, resurgissent.
C’est dès leur naissance que les albinos sont stigmatisés. Les nouveaux-nés sont le plus souvent rejetés par leur père qui les abandonne eux et leur mère, laquelle est accusée d’attirer la malédiction sur la famille ou d’avoir eu des rapports extraconjugaux avec des mauvais esprits, voire avec un Blanc. En classe, leur vision déficiente rend pénible la lecture du tableau noir, difficulté à laquelle s’ajoutent les railleries de leurs camarades et le mépris mêlé de crainte de leurs professeurs. La marginalisation est complète lorsqu’à l’âge adulte il leur est quasi impossible de décrocher un emploi.
Soupçonnés d’immortalité - leurs yeux rouges leur permettraient de scruter dans l’éternité -, de posséder des pouvoirs surnaturels ou encore d’être mi-hommes mi-dieux susceptibles de procurer la richesse, leur sacrifice rituel reste commun dans toute l’Afrique noire. Malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation en vue d’éradiquer ces pratiques, l’enlèvement d’albinos reste monnaie courante et les victimes retrouvées sont mutilées de leurs extrémités.
Misère et superstition font tristement bon ménage. Dans ces régions où règne l’extrême pauvreté il est facile d’exploiter et d’entretenir la crédulité des populations. Et les sorciers, ces faiseurs de gris-gris aux propriétés supposés magiques, ont beau être régulièrement montré du doigt dans les médias africains, tant qu’ils auront des clients… En période électorale les fétiches confectionnés par les sorciers sont même convoités par les candidats. A telle enseigne que « pendant cette période nous restons confinés chez nous », confie Sylvain Konaté, albinos malien.
L’année dernière en Tanzanie, vingt personnes souffrant d’albinisme ont été tuées et mutilées. Le président tanzanien, Jakaya Kikwete, a décidé d’en finir avec ces superstitions et a déclaré au cours d’une émission télévisée le mois dernier qu’il sera inflexible envers les sorciers. « Il s’agit de cruautés insensées qui doivent cesser immédiatement ! », a-t-il déclaré. Geste fort, au cours de cette intervention, il a nommé une député albinos, Al Shaymaan Kwegyr, pour lutter contre les discriminations que subissent les personnes atteintes de cette anomalie génétique. « Quand j’allais à l’école, les enfants me persécutaient et m’appelaient “fantôme“ », confie la député à la BBC.
De tous les pays subsahariens, seule l’Afrique du Sud semble avoir réalisé quelques avancées significatives. Dans ce pays, l’albinisme est considéré comme un handicap. « Notre condition s’est nettement améliorée. Nous avons d’excellentes relations avec le Département de Santé, les hôpitaux nous fournissent des crèmes de protection solaire et nous y recevons des traitements ophtalmologiques. Nous bénéficions de subsides pour notre association et nous organisons des campagnes d’éducation chaque année », explique Nomasonto Mazibuko, directeur de l’Association de l’albinisme d’Afrique du Sud. Cependant, il reconnaît qu’il reste beaucoup à faire, « surtout dans le monde du travail où les employeurs invoquent encore trop souvent de faux prétextes pour refuser les emplois aux albinos. Mais, plus qu’ailleurs, c’est dans les campagnes qui les efforts doivent se concentrer ». Changer les mentalités, singulièrement celles qui relèvent des pratiques occultes, n’est pas tâche aisée et demande du temps.
Plus que tout autre continent, l’Afrique est particulièrement touchée par l’albinisme. Cet accident génétique touche une personne sur 3 000 en Afrique, contre une pour 17 000 en Europe. Frappés par le nombre d’albinos sur ce continent, les premiers colonisateurs portugais les classèrent comme une race à part…
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