La démocratie à la russe
Que reste-il aujourd’hui de l’euphorie provoquée par la chute de l’URSS, de la découverte de la démocratie, de l’apparition du pluralisme politique ? La démocratie est-elle sereinement installée en Russie aujourd’hui ? A l’heure où vous lisez ces lignes, les journalistes indépendants, les opposants politiques et le peuple de la Russie vivent-ils dans la crainte de la mort ? A fortiori, la situation dans laquelle se trouve la Russie présente toutes les caractéristiques de l’autoritarisme soviétique. Pour les derniers opposants au Kremlin, il ne fait pas de doute que Vladimir Poutine a, en huit ans de présidence, annihilé l’ensemble des avantages acquis par la chute de l’Empire soviétique. Aperçu de la situation démocratique en Russie.
Quel statut pour l’opposition ?
Depuis la première élection de Vladimir Poutine, l’opposition est totalement marginalisée. 52 %, 71 %, 70 %, qu’il s’agisse de Dmitri Medvedev ou de Vladimir Poutine, les scores obtenus par les candidats de la majorité défient toute concurrence. Russie unie, le parti affilié au Kremlin, contrôle l’ensemble du paysage politique et se charge de mettre de côté tout opposant crédible, de façon que la plupart des partis se réclamant de l’opposition sont montés de toute pièce par le Kremlin afin de légitimer le système politique russe.
L’indépendance des formations politiques vis-à-vis du Kremlin est difficile à mesurer, d’autant que les médias ne fournissent qu’une information lue et approuvée par le Kremlin. De ce fait, un climat de méfiance s’est installé entre les Russes et l’opposition ce qui explique la très faible confiance qu’éprouve la population vis-à-vis des partis politiques. Un récent sondage ROMIR publié dans les colonnes du Jour de la presse demandait aux sondés à quelles organisations publiques faisaient-ils le plus confiance. Seuls 1 % des sondés ont répondu les partis politiques.

L’affaire Rybkine est à ce jour le témoignage le plus flagrant de la mascarade politique russe. Candidat aux présidentielles de 2004, il disparaît subitement durant trois jours, sans qu’il n’ait mis au courant aucun de ses proches. Une fois réapparu, Rybkine assure qu’il a été victime d’un enlèvement, une déclaration que les autorités ne prennent cependant pas à sérieux puisqu’elles décident de ne pas ouvrir d’enquête.
Etrange, d’autant plus que Rybkine avait jusque-là mené une campagne très critique vis-à-vis de Vladimir Poutine, ne manquant pas de le qualifier d’oligarque, dont Poutine s’était posé comme le principal opposant. Il avait, en parallèle de ces blâmes, menacé Vladimir Poutine, en direct à la télévision, de révéler une sombre histoire de son passé dont il avait connaissance. Se basant sur ces déclarations, certains journalistes indépendants, dont la reporter Anna Politkovskaia ont alors défendu la thèse de l’enlèvement par le Kremlin, qui aurait injecté du SP-117. Ce poison, utilisé par les services spéciaux, agit sur certaines parties du cerveau de façon telle que le patient devient incapable de se maîtriser, si bien qu’il répond à toutes les questions qui lui sont posées sans se souvenir par la suite des événements qui se sont déroulés, explique Anna Politkovskaia.
Une liberté de la presse bafouée
Si le Kremlin assure du contraire, la liberté de la presse reste bafouée en Russie. Dans son classement annuel de la liberté de la presse, Reporters sans frontières n’accorde à la Russie que la 141e position. Il y a très peu de journaux qui soient indépendants des autorités et, à l’extérieur de Moscou, c’est à peine s’ils existent affirme un journaliste. Il faut dire que la presse écrite russe ne peut se targuer des mêmes chiffres de ventes que ses voisins occidentaux. La preuve avec les chiffres, puisque, avec un tirage quotidien de 430 000 exemplaires, le principal quotidien national, Izvestia, devance Le Figaro (premier quotidien français en termes de tirages) de moins de 24 % alors que la population russe représente le double de la population française !

lenouvelhebdo.com
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