La face sombre de la Corée du Sud : le phénomène des bébés fantômes
Plus de 2 000 nourrissons demeurent inconnus de l'État coréen ! La commission de contrôle et d'inspection alerte sur diverses anomalies produites entre 2015 et 2022. Elle révèle l'horreur du phénomène des bébés fantômes en Corée du Sud. La naissance de ces enfants est enregistrée à l'hôpital, mais pas au gouvernement. C'est la porte ouverte aux abandons, voire pire : aux infanticides ! Pourquoi de telles abominations ? Quelle réponse le Parlement propose-t-il face à ce scandale ?
- Parlement sud-coréen | proposition de loi sur la déclaration des naissances par les hôpitaux | @ Yonhap News Agency
Le phénomène des bébés fantômes en Corée du Sud
Les découvertes macabres et l’ouverture d’une enquête
En juin 2023, une femme se retrouve arrêtée. Après son retour de maternité, elle a étranglé 2 de ses nouveau-nés en 2018 et 2019. Elle les a conservés soigneusement dans le frigo de son appartement à Suwon, au sud de Séoul.
L’enquête expose l’abandon ou la mort de 6 000 nourrissons par leurs parents, dont près de 4 000 de mères étrangères ! Ces chiffres pourraient être sous-estimés, car ils ne prennent pas en compte les années avant 2015. De plus, les autorités peinent à recouper les informations entre les registres municipaux et ceux des hôpitaux ou des cliniques. À ce jour, sur les 939 investigations ouvertes, principalement à Séoul, on dénombre 34 décès d’enfants !
Le système des boîtes à bébés
La police tente également de retrouver les 24 enfants déposés dans des « boîtes à bébé ». Ce système permet aux mères célibataires de les abandonner de manière anonyme. Le pasteur Lee Jong-rak en a installé un dans le mur de son église, dans la banlieue de Séoul.
Depuis la loi de 2012 sur l’adoption, les abandons de petits augmentent fortement. La Corée du Sud oblige les mères qui voudraient confier leur bébé à l’adoption à s’inscrire sur le registre familial contrairement à avant. Finalement, les résultats sont sans appel. Avant 2012, la boîte à bébés de M. Lee recevait en moyenne 2 nouveau-nés par mois. Actuellement, il en accueille plus de 20 !
Les raisons de ces actes ignobles :
Celles évoquées par les parents
Ce sont principalement des adolescentes et de jeunes adultes qui commettent ces violences en raison :
- de difficultés financières ;
- de la peur de l’opprobre sociale ;
- d’un handicap physique comme moral du nouveau-né.
Celles liées aux mentalités traditionnelles
Dans ce pays très conservateur, ces femmes sont souvent exclues de la société et subissent d’innombrables pressions. C’est parfois leur entourage qui les force à abandonner leur progéniture, voire à avorter !
Elles peuvent avoir du mal à trouver un emploi, car le livret de famille est demandé, les privant de certains métiers. Les bébés sont également stigmatisés. Sur le certificat de naissance, la case « né(e) hors mariage » les étiquette. Cette discrimination les suit plus tard : d’abord à l’école, puis sur les lieux de travail !
L’adoption de la loi pour l’enregistrement des nourrissons sud-coréens
Le souhait de mettre fin au fléau des bébés fantômes
Pratique courante, les infanticides ont pris une telle ampleur en Corée du Sud au point de choquer la population et le gouvernement. Après ce double infanticide, l’Assemblée nationale a décidé d’adopter un projet de loi pour enregistrer les naissances des nouveau-nés. Il souhaite mettre fin au phénomène des bébés fantômes. Actuellement, les parents sont obligés d’inscrire leur enfant à l’état civil dans le mois suivant leur venue au monde. S’ils ne le respectent pas, ils devront seulement payer une faible amende de 38,22 dollars, précise le SCMP. Toutefois, cette loi ne concerne que les nourrissons sud-coréens et non ceux d’étrangers
L’obligation des hôpitaux
Ce texte législatif oblige les institutions médicales à déclarer les nouvelles naissances au gouvernement de tous les enfants sud-coréens dans les 14 jours. Les hôpitaux devront informer les administrations locales des données sur le bébé par le service d’examen et d’évaluation de l’assurance maladie. Néanmoins, ils s’y opposent pour 2 raisons : la charge administrative supplémentaire et les responsabilités devant la loi en cas d’erreur. Cet amendement entrera en vigueur l’année prochaine.
Le premier pas pour protéger les nourrissons
C’est un premier pas décisif ! La dirigeante de l’association coréenne des familles des mères célibataires (KUMFA), Kim Min-jung a déclaré à SCMP :
« Nous nous félicitons de la nouvelle loi, car elle contribuerait à prévenir la maltraitance des bébés dont les naissances ne sont pas officiellement enregistrées »
Néanmoins, cette mesure ne concerne que les mamans coréennes. Aucune obligation légale n’existe pour les autres femmes.
Les « 4 angles morts » de la loi sur l’enregistrement des naissances au pays du Matin calme
Réalisée à la hâte, cette loi met en évidence 4 points à traiter de toute urgence.
Le 1er angle mort : la politique de protection des naissances
Certaines femmes se montrent réticentes à laisser leur dossier médical sur leur nourrisson, surtout pour les mères célibataires. Elles peuvent donc choisir d’enfanter en dehors des hôpitaux et d’exposer les tout-petits à des risques plus nombreux. Les législateurs discutent d’une politique de protection des naissances. Elle permettrait aux femmes d’accoucher tout en gardant leur identité anonyme puisque le système d’accouchement sous X n’existe pas. Néanmoins, les disputes entre les partis politiques n’en finissent pas à propos des atouts et inconvénients de cette proposition.
Le 2e angle mort : la révision de la loi infanticide
Après cette politique de protection des naissances, le gouvernement envisage de réviser la législation sur l’infanticide. Elle paraît obsolète, car passible seulement d’une peine de 10 ans de prison. Cette sanction semble trop légère par rapport au meurtre qui peut entraîner l’emprisonnement à vie.
Le 3e angle mort : le programme de soutien de l’état
De plus, l’État instaurerait un ou plusieurs programmes de soutien pour gérer l’enregistrement des bébés des mères célibataires et des travailleurs migrants. Ces préparatifs devront être réalisés avant la mise en place du système d’archivage des naissances, soit dans un an.
Le 4e angle mort : la réflexion autour de l’accouchement
À terme, le gouvernement, les législateurs et les communautés locales doivent mettre en place un environnement sûr pour l’accouchement, mais également offrir des programmes de soutien approprié.
Le scandale national des bébés fantômes montre l’urgence et la nécessité de modifier la loi pour protéger les enfants comme les mères. Quelle ironie dans ce pays avec un taux de natalité des plus faibles au monde !
Sources :
Mesmer Philippe, « la Corée du Sud hantée par ses bébés fantômes », le Monde [en ligne]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/15/la-coree-du-sud-hantee-par-ses-bebes-fantomes_6182105_3210.html
Carion Sacha, « les bébés fantômes, un fléau bizarre dont la Corée du Sud veut se débarrasser », Géo [en ligne]. Disponible sur : https://www.geo.fr/voyage/les-bebes-fantomes-un-fleau-bizarre-dont-la-coree-du-sud-veut-se-debarrasser-abandon-etat-civil-maltraitance-215560
Schneider Fabien, « L’Assemblée adopte la loi sur les déclarations de naissances dans les hôpitaux », Agence de presse Yonhap [en ligne]. Disponible sur : https://fr.yna.co.kr/view/AFR20230630002300884
« Ghost children », Korea Herald [en ligne]. Disponible sur : https://www.koreaherald.com/view.php?ud=20230703000858
Park Chan-kyong, « South Korea amends ‘ghost babies’ law to prevent abuse, but foreign children excluded », South China Morning Post [en ligne]. Disponible sur : https://www.scmp.com/week-asia/people/article/3226593/south-korea-amends-ghost-babies-law-prevent-abuse-foreign-children-excluded?module=perpetual_scroll_0&pgtype=article&campaign=3226593
Podcast de Radio France [en ligne]. Disponible sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/ailleurs/en-coree-du-sud-une-nouvelle-loi-sur-l-adoption-accusee-de-provoquer-une-hausse-des-abandons-de-bebes-7535716
- Le pasteur Lee explique le système de la « boîte à bébés », dispositif pour recueillir les nourrissons abandonnés de manière anonyme. | @ JUNG YEON-JE/AFP
- Recherches policières sur l’île de Geoje, en Corée du Sud pour retrouver le corps d’un garçon abandonné puis tué par sa mère (juillet 2023) | @ Yonhap News Agency
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON