La fin justifie les moyens ? Une guerre qui suicide la paix !
Imaginons que la Russie en Tchétchénie ou les Etats-Unis en Equateur procède à des bombardements intensifs de zones à fortes densités puis à l’invasion de quartiers urbains avec des blindés.
Que dirions-nous ? Que c’est peut-être justifié ?
Un essai pour prendre en compte deux légitimités historiques.
Imaginons que parmi des nationalistes qui résistent contre un occupant comme ils peuvent, se trouvent des militants d’extrême droite.
Que dirions-nous ? Que les options politiques de ces groupes justifient de reporter sans fin le retrait de l’occupant sur les frontières d’origine.
Imaginons que des populations civiles, des enfants, des femmes affluent dans des hôpitaux sans moyens, sans médicaments, sans électricité.
Que dirions-nous ? Qu’il faut continuer ? Que la loi de la guerre est dure mais c’est la loi. Que celle-ci peut se poursuivre y compris contre des écoles, des dispensaires européens, des bâtiments de l’ONU. Qu’il n’y a pas de limite ?
Imaginons que les Etats-Unis ou la Chine expérimentent des nouvelles armes DIME (Dense Inert Metal Explosive), dont l’explosion cause des blessures extrêmement graves dans un rayon d’une dizaine de mètres ou au phosphore contre des populations hors de vue des caméras.
Que dirions-nous ? Qu’il faut bien un laboratoire pour tester les armes de demain, que ces armes sont permises contre des armées adverses et que dans un territoire exigu et cerné même les enfants et les civils sont potentiellement de cette armée adverse ?
Imaginons qu’une population soit tellement abandonnée de tous qu’elle désigne des guérilleros fondamentalistes pour la représenter dans des élections relativement libres et pour développer des modes d’assistance (mais aussi de dépendance) et de survie face aux expulsions de lerus villages, à l’abandon, l’isolement, les privations.
Que dirions-nous ? Qu’il faut affamer cette population de 1,5 millions de personnes ?
Imaginons qu’une autre partie de cette population de 2 à 2,5 millions soit elle aussi abandonnée mais emmurée et entravée dans son territoire, ses oliviers, ses points d’eau par des centaines de check points et un lacis de routes réservés à des colons illégaux.
Que dirions-nous ? Que même si parmi ceux-là ne sont pas tirés pas des roquettes de fortune, il faut leur couper toute circulation, toute possibilité de développement et laisser sans réagir les colonies progresser, un mur (coût : déjà un milliard de dollars) entraver leurs champs et leur accès à l’eau.
Imaginons que dans une intervention contre des populations, une force d’occupation empêche tout accès aux journalistes. Que ceux-ci soient conduits par contre par des militaires avenants devant des éboulis accusateurs de roquettes rageuses. Que les images fournies soient celles de vues de loin sur les violences les plus extrêmes, et celles présentées en gros plan sur les violences les plus impuissantes, l’une et l’autre injustifiables.
Que dirions-nous ? Que les démocraties n’ont pas à savoir. Que l’opinion mondiale pourrait être influencée par la vue de scènes atroces et que cette sensibilité n’est que résultat d’une manipulation. Que les images d’enfants et de civils assassinés – nettement plus nombreuses d’un côté que de l’autre- sont suspectes de manipulations ?
Imaginons que les Nations Unies décident à la quasi-unanimité de protéger un peuple qui ne doit plus vivre dans le malheur mais accéder à sa souveraineté.
Que dirions-nous ? Que tel peuple peut, mais qu’un autre peuple son voisin n’y a pas droit. Que celui qui s’appuie sur l’Irgoun est qualifié mais celui qui s’appuie sur le Fatah puis le Hamas est disqualifié.
Imaginons qu’un Premier ministre obligé de quitter le pouvoir pour corruption se lance pendant les tout derniers jours d’une administration américaine criminelle discréditée dans une opération militaire de grande envergure.
Que dirions-nous ? Que c’est la loi de la démocratie ? Que c’est un risque à prendre pour assurer une sécurité illusoire.
Imaginons qu’une secrétaire d’état états-unien mette au point une résolution contraignante de cessez le feu, que la communauté internationale trouve un compromis, que seul le premier ministre dirigeant l’invasion s’y oppose, qu’il parvienne à retourner un président états-unien honni et qu’il s’en vante devant les caméras.
Que dirions-nous ? Que nous avons à faire à des gens responsables, dignes de confiance ? Qu’il faut faire échouer toutes les tentatives diplomatiques ?
Préfiguration du monde de demain ?
Imaginons que le complexe militaro-industriel dénoncé par Eisenhower et porté sans retenue par Bush, Cheney et Rumsfeld trouve dans l’état pionnier d’Israël désormais un vis-à-vis incontrôlé regroupant dans l’opacité l’armée, le renseignement et “l’intelligence” verrouillant ébauche de solution.
Que dirions-nous ? Que c’est la démocratie en marche et la préfiguration du monde de demain ? Qu’il sera fait de forteresses, de résidences sur-armées, d’électronique de surveillance et qu’il faudra bien se défendre contre les revendications des perdants.
Imaginons que la Croix rouge, Human Rights Watch, les médecins sur place dénoncent de graves infractions au droit international.
Que dirions-nous ? Que ces actions réelles sont justifiées par le risque potentiel de torts causés par les activistes aux habitants des villages proches ?
Imaginons qu’au terme de l’année 2008, malgré une trêve de 6 mois, 125 personnes aient fait l’objet d’attentats ciblés d’un côté tandis que des dizaines (de trop) de victimes sont à déplorer de l’autre côté.
Imaginons que les victimes en 3 semaines se comptent dans un rapport 15 à 1200, inversement proportionnel au tonnage des projectiles envoyés.
Qu’en concluons-nous ? Que l’Orient est compliqué, que juifs et arabes ou juifs et musulmans ne pourront jamais parvenir à la paix, que d‘ailleurs l’Islam est “par nature” incompatible avec la démocratie.
Imaginons un instant que des milliers d’Israéliens doivent se soumettre quotidiennement à des fouilles et des barrages pour accéder à leur travail quotidien. Qu’ils doivent subir les vexations et l’arbitraire des jeunes appelés de l’armée palestinienne eux-mêmes terrorisés. Qu’en concluez-vous ? Que je suis devenu fou. Cette image est hors de la réalité. En effet “Il n’y a pas photo”. Mais pourquoi nous sommes nous habitués à l’inverse ?
Imaginons maintenant que des millions d’Israéliens et de Palestiniens veulent vivre en paix au sein d’un croissant fertile dans deux états souverains côte à côte.
Que dirions-nous ? Qu’il faut choisir un peuple contre l’autre ? Que lorsque l’un est victime, cela nie toute autre injustice ? Qu’il ne peut y avoir qu’un vainqueur et qu’un vaincu, qu’un bon et qu’un mauvais. Qu’il y a un préalable à cette perspective justifiant de la repousser sans fin ?
Ce préalable s’appelle au choix : Israël Vaincra, Palestine Vaincra, on ne dialogue pas avec l’ennemi sioniste, on ne négocie pas avec l’OLP, le Fatah ou le Hamas, “il n’y a pas de partenaire pour la paix”.
Il y a urgence à clore la période Bush !
Urgence de tourner le dos à l’unilatéralisme des néo-conservateurs qui ont apporté les guerres préventives et bloqué toute solution politique.
Urgence d’un cessez-le-feu imposé aux deux parties.
Urgence d’une force d’interpositions pour protéger les deux populations ou pas seulement pour assurer la sécurité du plus fort.
Urgence de mettre fin au blocus, aux contrôles humiliants.
Urgence d’arrêter la progression des colonies.
Urgence de ne plus différer la création d’un état palestinien viable sur les frontières de 1967 vivant à côté d’Israël.
Urgence d’aider les deux peuples à dépasser les injustices, les traumatismes.
Urgence à n’accepter de mur que sur la frontière effective entre deux états.
Urgence d’aider les démocrates palestiniens à construire des forces politiques affranchies du fondamentalisme et de la violence.
Urgence de restaurer la confiance des palestiniens dans des coopérations patientes avec les Européens.
Urgence à conditionner les accords européens avec Israël (et la Palestine) à un vrai retour à un processus de paix.
Il est urgent de construire un monde qui n’accepte plus de tels déploiements de violence.
Deux légitimités
Deux peuples ont été victimes de forces plus puissantes internationales ou régionales.
Deux peuples méritent protection et ont un droit légitime à vivre côte à côte en Palestine.
Deux peuples ont laissé des extrémistes les entraîner dans une spirale morbide et suicidaire en n’ayant pas le courage de faire l’union des progressistes de part et d’autre et de contrer les jusqu’au-boutistes.
Les deux peuples aspirent à vivre dans la dignité, le développement et la sécurité dans des frontières viables sans être menacés.
Les crimes de guerre ont été commis par des mouvements terroristes palestiniens et israéliens.
Cette “symétrie” relative doit être tempérée par la disproportion des moyens, des puissances militaires et de la capacité politique des deux peuples.
Et puis surtout l’un occupe, l’autre pas.
Le poison d’un illusoire rapport de force
Ces crimes l’un et l’autre condamnables ne sont pas de la même ampleur aujourd’hui.
L’importance des moyens, le soutien inconditionnel des Etats-Unis a déséquilibré depuis 40 ans le rapport de forces permettant d’entretenir une confusion entre discours de la paix et discours de la sécurité. Ce déséquilibre entraîne Israël dans une ignorance de tout principe de réalité. Comme la sur-puissance militaire états-unienne l’a amené à des guerres vaines au Vietnam ou en Iraq. La solution n’est ni technologique, ni militaire, elle est politique.
Des militants de la paix en Israël
Les accords d’Oslo –inversion de la logique mortifère- ont été sabotés par la multiplication des colonies passées en 15 ans de 150 000 à 500 000 habitants contrôlant les routes et l’accès à l’eau.
L’homme qui a signé ces accords, Isaac Rabin a été assassiné. Un an après la majorité du corps électoral Israélien a donné la victoire à ceux qui refusaient ces accords. Le Hamas y avait d’ailleurs contribué par une campagne d’attentats.
Des hommes et des femmes (en noir) remarquables crient leur volonté de compromis et de paix en Israël, ils sont minoritaires. Ils sont la preuve que ce conflit est un conflit politique et non racial ou religieux.
Ils ont présenté à plusieurs reprises le schéma de résolution du conflit (camp David, initiative de Genève en 2003, site web Bitter-lemons) avec retour aux frontières de 1967.
Des sommes colossales pour les armements et la destruction sont dépensées chaque année alors qu’elles permettraient de solutionner toutes les réparations individuelles ou collectives nécessaires pour fonder la paix.
Des partenariats culturels, musicaux, sportifs, universitaires, scientifiques existent entre progressistes des deux peuples. C’est cela qui permet de faire reculer les extrémistes ennemis de la paix et de la démocratie.
Dépasser la Shoah (1942-1945) et la Naqba (1948)
Chaque peuple est enfermé dans son traumatisme initial. Il faut dépasser la Shoah (1942-1945) et la Naqba (1948) en les gardant en mémoire toutes les deux. Chercher à les réparer plutôt qu’entretenir la peur et le refus de l’autre.
Un peuple a été l’objet de destructions répétées et d’une tentative d’extermination totale par un des états les plus développés de la terre en Europe. Il est parvenu à fonder son foyer de peuplement, puis son état. C’est un fait indépassable mais il a nourri une injustice.
Il doit trouver non pas le cessez-le-feu mais la paix avec ses voisins et dépasser la “blessure” qu’il s’auto-inflige” (David Grossman). Il n’est pas sérieux de l’accuser de génocide, mais il se comporte comme un état autiste hors de la loi ne comptant essentiellement que sur le rapport de force et le fait accompli. Or il se leurre.
A s’affranchir de la loi commune, il justifie les fausses solutions sacrificielles et désespérées.
Il lui faudra beaucoup plus de courage et de réalisme qu’une attitude sécuritaire illusoire.
Le fossé se creuse dangereusement, l’impasse est plus grande que jamais.
L’autre peuple a été expulsé, nié, écrasé par toutes les puissances locales successives.
La non reconnaissance, la destruction des infrastructures, des liens, l’enfermement international ont ouvert un boulevard aux forces les moins démocratiques. La compétition est facilitée contre des nationalistes sans prise sur une réalité qui ne s’améliorait pas depuis le trop retardé processus d’Oslo. Le Hamas a dans une première phase été aidé par la droite Israélienne comme Ben Laden fut aidé en son temps par les Etats-Unis. Aujourd’hui sur les décombres d’une Autorité Palestinienne humiliée et trimballée de promesses en promesses non tenues par les occidentaux, il représente celui qui fait face. Il incarne la possibilité de survie. Et cette survie est si dégradée, si brisée qu’elle n’apparaît pas beaucoup pire que la mort. Plus la vie des palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie sera écrasée, plus le prix des vies payées paraîtra minime par rapport au dégât symbolique infligé à Israël.
Cette étreinte mortelle n’a pas de fin. Elle s’enkyste donc dans un refus de travailler au compromis, un refus de l’autre.
Le barbare enferme l’autre dans une « nature » étrangère à l’humanité (Tzvetan Todorov). Il se prive de toute possibilité de résolution du conflit car il ne le prend pas en compte comme un conflit entre deux légitimités. Le discours le plus fréquent consiste à s’identifier à un camp en excluant toute autre légitimité. Dans ces moments de crise. Ils prennent un tour exacerbé. Il n’y pas d’autre solution que de recoller les morceaux brisées de deux identités traumatisées.
1. "Huit ans de violence, qui n’ont mené à rien, ne nous ont-ils pas appris la vanité de la force ?"
Nomika Zion
Le Monde
2. Just get out
Editorial d’Haaretz
3. How many divisions ?
Uri Avnery
4. Israël-Palestine : le cancer
Un article prémonitoire d’Edgar Morin du 4 juin 2002. Document ci-joint.
5. L’histoire d’Israël et l’histoire de la Palestine, un livre pédagogique pour découvrir la vision de l’autre.
Sur Agoravox
Israéliens et Palestiniens : à quand la paix définitive ? par Lecomte
À propos d’Israël et du Hamas par François VAN DE VILLE
Quelques faits à propos du Hamas et de l’attaque israélienne sur Gaza par Norman Finkelstein
Gaza : une stratégie plus ambitieuse ? par John Lloyds
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