La France, de la guerre à la paix
Ne serait-il pas possible à la France de tourner définitivement le dos à la guerre et de transformer son armée en une armée de la paix ?
L’armée libanaise se déploie progressivement avec pour objectif son interposition le long de la frontière israélienne. Cette jeune armée, dont le courage ne peut compenser l’inexpérience et le manque d’équipement, n’avait, jusque-là, jamais pénétré au Sud Liban. La FINUL "renforcée", qui est censée l’appuyer, n’est toujours pas constituée. Les 25 sont hésitants à s’engager. Chacun a pourtant conscience de l’urgence d’une interposition efficace qui, seule, peut permettre d’éviter la reprise des combats. Cette paix est particulièrement fragile. Des affrontements isolés ont lieu quotidiennement, les F16 survolent en permanence le Liban et le blocus naval et aérien, imposé par Israël, n’est toujours pas levé. Le Hezbollah refuse de déposer les armes et le moindre incident peut rallumer le feu qui couve sous les décombres. George Bush reproche à la France la tiédeur de son engagement et la lenteur d’acheminement de ses troupes sur le terrain.
C’est un bien mauvais procès qui est fait à la France !
Aucun mandat précis n’a, pour le moment, été donné à la FINUL, et les conditions de son engagement ne sont toujours pas définies. Les États-Unis ont largement contribué à entretenir cette ambiguïté dans le but de favoriser l’allié israélien, et ils n’entendent participer, en aucune manière, à la force d’interposition. Les 230 soldats français mis à la disposition de la FINUL ne constituent pas un effectif suffisant, mais ils viennent s’ajouter aux 1700 hommes de l’opération navale "baliste", déjà présents sur place depuis près d’un mois. Deux mille autres devraient suivre très bientôt. L’opération Baliste a permis d’évacuer de la zone des combats un grand nombre de ressortissants de tous les pays, et notamment américains. Elle a également permis d’acheminer des secours de première urgence et de faciliter l’intervention des organisations humanitaires. Les 230 soldats français en route pour le Liban emmènent dans leurs bagages 2200 tonnes de matériel dont une quinzaine de ponts du type "Bailey". Ces ponts sont destinés à rétablir les communications, par-dessus le fleuve Litani, avec la région Sud, pour l’heure totalement isolée du reste du pays.
Depuis le début de cette grave crise internationale, la France, devant la carence des organisations internationales, a pris, seule, l’initiative des missions qu’elle entendait mener à bien. Ces missions sont essentiellement tournées vers l’assistance aux populations civiles, et l’armée française semble y être parfaitement dans son rôle.
La quatrième Convention de Genève définit trois catégories qui se trouvent dans l’impossibilité de combattre et qui doivent, impérativement, être protégées au cours des conflits armés. Il s’agit des blessés, des prisonniers et des populations civiles. Les 192 pays signataires de ces conventions se sont engagés, non seulement à respecter, pour eux-mêmes, ces règles, mais aussi à en imposer le respect aux belligérants de tous pays. Dans la sauvage bataille qui a opposé l’armée israélienne aux combattants du Hezbollah, les populations civiles ont payé le prix fort. Quelques protestations se sont fait entendre, mais aucun pays ne s’est formellement opposé aux contrevenants. L’ensemble de la communauté internationale se trouve, de fait, en situation d’infraction aux conventions de Genève.
La France est un pays dont le passé militaire est impressionnant. De nombreuses et sombres périodes de notre histoire ont vu le territoire national se transformer en champ de bataille. Au son d’un hymne guerrier, la France a porté la guerre sur tous les continents, qu’il s’agisse de conquêtes coloniales, d’ambitions impériales ou d’assistance à ses alliés. L’armée française s’est peu à peu forgée, en fonction de la diversité des missions et de la variété des théâtres d’opération. Aujourd’hui encore, elle possède des unités adaptées à toutes les conditions climatiques ou géographiques. Des spahis, qui constituaient l’avant-garde de l’opération "tempête du désert", aux chasseurs alpins qui servent encore aujourd’hui dans les montagnes afghanes, en passant par la légion étrangère et les troupes d’infanterie de marine, l’armée française a toutes les capacités nécessaires aux opérations extérieures et à la projection rapide.
La France est une puissance nucléaire crédible. Notre territoire national n’est pas menacé et n’a plus aucune raison de l’être, même dans un avenir lointain. L’armée a été récemment professionnalisée et possède un très bon niveau de technologie et d’armement. Dans le cadre de l’élaboration d’un système de défense européen, son organisation et ses missions devront nécessairement être redéfinies. Le "culte de la force" ne fait plus guère d’adeptes sur le vieux continent, et nous pourrions envisager, sans déchoir, de tourner définitivement le dos à la guerre. Au cours des dernières semaines, nos diplomates se sont démenés pour obtenir un cessez-le-feu et ont fini par l’imposer. La communauté internationale a, unanimement, salué le rôle de la France dans cette victoire du courage et de la raison.
Pourquoi ne pas, définitivement, "repeindre en bleu" cette armée qui n’a pas démérité ? Non pas le bleu horizon de la campagne de 1914-1918, mais le bleu de la paix, le bleu ONU, le bleu des grandes causes humanitaires. La France, pays des droits de l’homme, n’est-elle pas l’inventeur du devoir d’ingérence ? Ne pourrait-on pas inventer une armée de la paix ? La protection des plus faibles nécessite à la fois force, sagesse et détermination. Notre histoire ne permet-elle pas de justifier cette ambition ? Une telle décision ne contribuerait-elle pas à rendre le monde plus juste, et à briser enfin la facilité insidieuse qui entraîne les pays civilisés vers la loi du plus fort ? L’image et le rayonnement de la France n’en sortiraient-ils pas grandis ? Ne serait-il pas temps, également, d’adoucir un peu les paroles de notre hymne national, et d’en faire un chant de paix ?
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