La Grèce dans l’impasse
Comment interpréter la révolte des jeunes Grecs ?
Des images qu’on croyait rangées au vestiaire de l’histoire de nos sociétés occidentales consensuelles et démocratiques. Un scénario qui ressemble à s’y méprendre à un certain printemps Français, mais qui se déroule en hiver sur fond de misère étudiante, de grisaille sociale et de crise mondiale. Selon « qu’on soit puissant ou misérable », on se rappelle, on espère ou on frémit devant l‘avenir qu‘on pressent déjà beaucoup plus violent que par le passé. Souvent tout cela à la fois…
Mais ce n’est pas une fable, même si on voudrait y croire. A tout prendre seulement peut-être le prologue d’une tragédie grecque.
Le détonateur est évidement la crise fiscale fortement anxiogène chez des jeunes écœurés par la corruption parlementaire de leur pays et la faible adéquation entre leur niveau très élevé d’études et la modicité des salaires proposés pour un premier emploi, dans un pays qui possède le taux de chômage le plus élevé de la jeunesse européenne. Les inquiétudes des jeunes ressemblent à s’y méprendre à celle de leurs ainés de la génération de 68, alarmés pour leur avenir des risques d’une massification de la population étudiante qu’ils avaient pourtant souhaitée dans un souci d’égalité démocratique. Ce scénario se répète presque à l’identique aujourd’hui dans un pays encore fraîchement sorti du « régime des colonels » et marqué par le conflits de deux générations, dont l‘ainée a connu la dictature et l‘autre héritée des désillusions de la précédente.
Les motivations de la révolte sont floues, voire incertaines, c’est une explosion incontrôlable, un vaste défoulement collectif, exutoire dramatique d’une société contenue, sous pression, sans horizons ni buts. Toute la question qui agite et inquiète nos politiques de tous bords en Europe est de savoir si la sauce prendra et si comme en 68 le mouvement de grève générale sera reconduit dans les jours à venir. Une autre question qui semble effrayer tout un chacun se pose. Pourrions-nous connaître à notre tour une telle explosion de violence irrationnelle en France ? En d’autres termes, le mouvement peut-il s’étendre à d’autres pays d’Europe ? C’est déjà fait en Italie, comme à Berlin où de rares émeutiers solidaires des insurgés se sont déjà manifestés. Nos lycéens et écoliers français (hormis les bretons) se font quant à eux remarquer par leur discrétion d’enfants sages et leur refus obstiné de toute violence qu’ils jugent préjudiciable à leur action. Ils sont il est vrai en cela bien encadrés par leurs maîtres et parents. Mais il n’en va pas de même des jeunes des banlieues promis à un moins bel avenir et qui n’attendent qu’une étincelle pour rallumer le feu dans les banlieues, voire les centre villes à la faveur de manifs géantes comme en 2004 et 2005.
Quelle issue pour la Grèce ? La démission de Karamanlis Des élections anticipées pour reconduire le parti en place, ou à sa place un Pasok allié aux verts qui n’est pas moins corrompu. Le scénario de sortie de crise est plus qu’improbable.
Des deux cotés de la barricade les acteurs semblent roués au jeu politique et experts dans les stratégies de manipulation. Le gouvernement comme à son habitude entend profiter des violences pour désolidariser les jeunes d’une population apeurée devant leur vandalisme dont on craint qu’il ne s’étende aux biens des particuliers. Du coté des insurgés, l’extrême gauche très structurée dispose d’un parti le Syriza radical, représenté au parlement bien que très minoritaire et analogue à la LCR française, mais jouant le jeu démocratique. Les anarchistes très puissants en Grèce y sont par contre redoutablement actifs et disposent d’importants relais dans la jeunesse. Leurs leaders sont actuellement incarcérés pour leur activisme mais des mutineries dans les prisons grecques en liaison avec la chaos du pays pourraient les voir revenir sur la scène auréolés de leurs prestige de prisonniers politiques. De leurs cellules ils délivrent leurs consignes et orchestrent habilement leurs troupes. Dans ce climat plus que trouble, une vidéo a fait apparaître récemment des policiers armés d’un revolver et tirant à balles réelles. Qui a intérêt du pouvoir ou des réseaux anarchistes ou maoïstes à une telle surenchère ? La question reste ouverte.
Le drame le plus inquiétant est que comme pour les émeutes des banlieues françaises de novembre 2004 les insurgés n’ont ni leader, ni programme précis et n’ont même pas une idée précise de l’alternative que leur mouvement pourrait représenter car il ne manque ni de forces vives ni de soutiens sur place ou dans la diaspora grecque de l’étranger. C’est une révolte spontanée une exaspération irrationnelle, sans vrai début ni fin. Face à cela les politiques semblent dépassés. Que l’on se place d’un point de vue ou de l’autre, c’est peut être ce vide qui est le plus terrifiant.
Tancrede de Bordeaux
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