La lutte contre la faim est une nécessité géopolitique mondiale
La crise actuelle ne doit pas occulter la persistance d’une crise alimentaire mondiale. Si ce sont avant tout les pays en voie de développement qui souffrent, les risques sont bien mondiaux : instabilité, détérioration des relations Nord/Sud. Nous devons poursuivre nos engagements en faveur de la réduction de la faim dans le monde.
« La faim du Monde », formule utilisée par plusieurs médias français dans le traitement des « émeutes de la faim », survenues à plusieurs endroits du globe et meurtrières parfois, à Haïti notamment. Ce jeu de mots relevant d’un certain « apocalysme » introduit l’un des enjeux majeurs du millénaire, qui n’a pourtant rien de futuriste : nourrir la planète. La crise alimentaire d’aujourd’hui n’est pas conjoncturelle, de type « vache folle » ou « grippe aviaire », mais plus profonde, structurelle, caractérisée par une inadmissible pénurie des aliments de base.
L’attention médiatique portée à la question alimentaire est sans précédent. On s’inquiète ici et là d’être à l’aube d’une « catastrophe mondiale », d’avoir à faire face à un « risque sans précédent », pour reprendre l’expression de notre ancien président de la République aujourd’hui président de sa propre Fondation, Mr. Jacques Chirac, qui inscrit l’enjeu alimentaire comme un mal relevant d’un cadre complexe mondial, auquel il est toutefois possible de remédier.
Entre urgence, fatalité, remèdes, quel est ce défi alimentaire auquel nous devrons faire face ?
Parvenir à se nourrir est un besoin primaire, vital. Les famines ont marqué l’histoire, à l’antiquité en Egypte en raison des crues du Nil, au Moyen-Age selon la qualité des récoltes, au XIXème siècle en Irlande où la Grande Famine fit entre 750 000 et un million de morts, soit le tiers de la population, et poussa deux millions d’Irlandais à l’émigration. Le début du XXème siècle aussi fut marqué par deux grandes famines particulièrement dévastatrice : la famine en URSS suite à la révolution russe, et les famines de 1922 et 1933 en Ukraine, provoquant respectivement environ cinq et six millions de morts chacune.
L’enjeu n’est donc pas nouveau. Toutefois, de considérables progrès avaient été accomplis durant la seconde moitié du XXème siècle, grâce au nouvelles techniques et à la mise en place d’une gouvernance mondiale dans ce domaine, à travers les Institutions Internationales et les ONG. Il y a 30 ans, les inquiétudes pesant toujours visaient généralement non plus la famine, mais la malnutrition. Cette sous-alimentation dramatique, comprise à travers le spectre d’un déséquilibre des rapports nord-sud, pouvait être palliée, grâce à une meilleure répartition et distribution des ressources.
Aujourd’hui, la donne a changé. La production est bonne mais la question de l’accès, préalable à toute éventuelle distribution, est en jeu. L’incessante augmentation du prix des matières premières est en cause. Le prix des denrées de base, céréales notamment, s’élève soudainement, alors qu’elles n’avaient pas ou peu de valeur sur les marchés mondiaux auparavant. La demande en blé, maïs, riz, est supérieure à l’offre. Le réchauffement climatique ou sa thérapeutique plus exactement, est souvent pointée du doigt (biocarburants, moindre diversité des cultures…). L’augmentation de la population (9 milliards), les questions de propriétés aussi. La société mondialisée fait donc face à une crise alimentaire globale (37 pays touchés aujourd’hui selon Jean Ziegler) dont le processus en accélération, dépend et sous-tend de dits nouveaux défis considérables pour le siècle à venir (gestion des matières premières, du réchauffement climatique, de l’évolution démographique).
Si cette crise n’était pas résorbée, elle constituerait un risque pour la paix, la stabilité de la société mondiale, provoquant émeutes, nouveaux flux migratoires massifs, guerres. « Les prix de l’alimentation, s’ils continuent, les conséquences seront terribles. Des centaines de milliers de personnes vont mourir de faim, ce qui entraînera des cassures dans l’environnement économique. Comme nous l’avons appris dans le passé, ce genre de situation se finit parfois en guerre » a averti DSK ». Si la crise alimentaire se poursuivait, elle pourrait aboutir à régression de 10 ans en termes de pauvreté. Les pays développés déjà touchés par une réduction de l’accessibilité aux aliments de base, pourraient être à leur tour atteints par la violence.
Sont alors remises sur la table des questions philosophiques controversées telles que « l’espèce humaine doit-elle être soumise à la loi de la sélection naturelle ? ». Le destin de l’humanité serait-il soumis à des régulateurs naturels ? Une chose est sûre, la régulation des institutions internationales intervenant dans le secteur alimentaire (FMI, OMC, Banque Mondiale, ONU, ONG) est fortement remise en cause, ces dernières délégitimées.
Mais céder à la fatalité serait bien trop facile ! L’indifférence, un crime… A ce sujet, le Président Nicolas Sarkozy déclare « nous ne pouvons pas rester indifférents à la révolte de ceux qui, dans les pays du sud, ne peuvent plus manger à leur faim », décidant de doubler l’aide de la France aux pays touchés, au moment où le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations-Unies révise « une nouvelle fois à la hausse son appel d’urgence aux pays donateurs, réclamant 756 millions de dollars (476 millions d’euros) supplémentaires ».
Une crise impliquant par définition une sortie de crise, souvenons nous donc que des remèdes sont avancés. L’enjeu sera de les activer au bon moment. L’attribution de fonds d’urgence devrait être poursuivie, et suivie d’une plus grande rigueur dans leur gestion, favorisant un emploi à bon escient. L’alliance entre le global et le local devrait être repensée et renforcée. Les programmes alimentaires d’urgence internationaux pourraient être couplés par des programmes de micro-développement visant l’agriculture des pays émergents qui doivent parvenir à une autosuffisance alimentaire.
L’éducation et la raison, l’imagination et la création aussi feront partie du complexe défi politique, économique, social, organisationnel et scientifique de l’alimentaire au XIXème siècle, qui ne peut être relevé que dans la coopération de tous et chacun. Mais l’homme est-il vraiment prêt à assumer une conscience collective mondiale où primeraient les besoins primaires d’autrui, essentiels à sa survie, reléguant au second plan le confort de certains au profit d’un intérêt général globalisé ? Nous entrons ici dans un autre débat dont nous entendons beaucoup parler sans toujours le comprendre, qui marquera pourtant bien notre millénaire : celui du développement durable, impliquant une réflexion sur la gestion des ressources, sur la croissance, une probable redéfinition du progrès et de nouvelles responsabilités…
L’équipe de suivi de l’actualité des Objectifs du Millénaire
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