La mauvaise blague de Bashar
Bashar Al-Assad s’est permis un petit phrasé qui montre les limites du politiquement correct. Comme le soutient parfaitement le journaliste du Huff Post : « une bonne blague peut adoucir un monde en pleine tension. Une mauvaise peut l’amplifier ». Lors d’un entretien à l’Agence France Presse, Bashar aurait dit, d’un air amusé, qu’il aurait dû être le récipiendaire du Prix Nobel de la Paix.
Alfred Nobel souhaitait récompenser « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». Face aux multiples controverses qu’a dû essayer ce Nobel, force est de constater que l’on se heurte à une désagrégation progressive de la valeur du Nobel de la Paix et la mauvaise blague de Bashar est en réalité un élément qui vient alimenter cette thèse.
Pierre Haski, cofondateur de Rue89, mentionnait déjà cette décadence dans un article intitulé « Retour sur cinq Prix Nobel de la Paix controversés ». En effet, lors de l’attribution du Prix Nobel à l’Union Européenne, plusieurs indignations se sont soulevées ça et là pour contester la remise de ce Prix à un « Etat » - ou, devrait-on dire à un ensemble d’Etats. Cette année, la controverse est toute autre.
Le chimique contre l’éducation
Tous les médias le disaient, l’écrivaient ou le criaient haut et fort : Malala se verra remettre le Nobel de la Paix 2013 pour son engagement pour l’éducation et son somptueux discours aux Nations Unis en réponse aux tirs de balle des talibans. La lutte contre l’éducation est un combat majeur et Malala ne va pas s’arrêter à la non remise d’un Nobel de la Paix. Elle va continuer à mener son combat. D’après ce qu’elle a raconté sur la BBC (http://www.bbc.co.uk/news/magazine-24379018), Malala va s’engager dans plusieurs actions à vocation humanitaire après avoir complété ses études. Elle affirme en effet :
« Je veux être dans la politique plus tard. Je veux changer le futur de mon pays [Pakistan] et je veux rendre l’éducation obligatoire ». « J’espère que nous verrons bientôt le jour où le peuple du Pakistan sera libre, sera détendeur de droits fondamentaux, qu’il sera en paix et que toutes les filles et tous les garçons pourront aller à l’école ».
Le Nobel de la Paix a été remis à une organisation visant à lutter contre les armes chimiques : l’OIAC (organisation pour l’interdiction des armes chimiques). Le Comité Norvégien du Nobel pour la Paix a en effet remis cette distinction à cette organisation pour ses « efforts intensifs afin d’éliminer les armes chimiques ». C’est sur cette remise du Nobel de la Paix que Bashar s’est permis de faire une blague. 100 000 personnes sont mortes en raison de l’utilisation de ces armes chimiques.
Le Nobel « politique »
La blague de Bashar était inappropriée. Mais cela pose nécessairement la problématique du Prix Nobel. Est-il un moyen de récompenser, comme le voulait Alfred Nobel, celui qui a contribué au mieux au rapprochement des peuples ou un outil permettant d’adapter un curseur politique international à la vue des différentes situations qui se profilent sur la scène internationale ? Pour Pierre Haski, la réponse est claire :
« Le comité Nobel, dont certaines décisions ont été plus que hasardeuses tout au long de son histoire, a fait un choix très politique : réhabiliter l’action collective internationale à un moment où elle est décriée, en danger. »
Que reste-t-il donc de la volonté d’Alfred Nobel ? Il n’avait sûrement pas mis en place ce prix d’une majestueuse grandeur pour qu’il devienne un outil politique. Son but avait été de récompenser une personne qui s’est battu pour les droits fondamentaux, qui s’est battu pour la propagation de la paix. Il ne s’agit pas de dire que l’OIAC ne mérite pas le Nobel de la Paix, loin de là. C’est une question de fidélité au Fondateur de ce titre. N’a-t-on pas oublié l’essentiel du testament qu’il nous a légué ? Ce Nobel pour la Paix qui devrait justement être le titre désintéressé de par sa nature même, devient un vecteur politique permettant d’orienter la politique internationale.
L'exemple : "Ahmadiyya Peace Prize"
Islam Ahmadiyya. Cette minorité musulmane, que j’ai déjà évoquée lors de multiples articles, organise, chaque année, un Ahmadiyya Peace Symposium (Ahmadiyya Colloque pour la Paix). A cette occasion, elle remet un prix, le Ahmadiyya Peace Prize (le Ahmadiyya Prix pour la Paix) (http://www.alislam.org/peaceprize/).
Ce prix est remis car l’Islam met l’accent sur le maintien de la paix dans toutes les sphères des activités humaines. Comme l’affirme le site officiel de l’Ahmadiyya :
« Il s’agit d’encourager tout le monde à la promotion de l’éducation, du respect, de la tolérance, d’accroître l’harmonie sociale et interreligieuse, d’encourager les causes charitables qui servent l’Humanité sans distinction de race, de croyance ou de couleur. » Sa nature est peu ou proue similaire à celui du Nobel de la Paix à une différence près : ce prix est totalement désintéressé.
Depuis 2009, ce prix a été remis à Lord Eric Avebury, à Abdul Sattar Edhi, à l’organisme SOS Children’s Villages UK et au Docteur Boachie-Adjei. Cet évènement qui se tient chaque année dans l’enceinte de la Mosquée de Bait-ul-Futuh, la plus grande Mosquée d’Europe, est également l’occasion pour toutes les personnes présentes de se rencontrer afin d’élaborer des projets communs pour atteindre un seul objectif : la paix dans le monde.
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