La mémoire courte
Face à la migration déclenchée en partie par un certain Nicolas Sarközi, prenant la tête d’une coalition en Libye, contre son ex-ami dictateur, pour, d’après quelques mauvaises langues, effacer une dette, les historiens nous rappellent de temps en temps que nous avons souvent la mémoire courte.
Aujourd’hui, on voit des murs, des barbelés, s’élever un peu partout, pour contrer l’immigration, pour empêcher l’entrée des réfugiés politiques, de ces femmes, ces enfants et ces hommes fuyant la guerre, mais il n’y a pas si longtemps, le 8 août 1991, 20 000 albanais prenaient à l’abordage un navire, le Vlora, un vieux navire marchand albanais, espérant trouver la liberté en Italie, le capitaine du bateau étant sous la menace d’un simple tournevis.
Dès l’arrivée en Italie, à Bari, cette marée humaine qui croyait être arrivé dans un paradis, avait été promptement enfermée dans le stade de la ville, et, à l’exception de 1500 d’entre eux qui ont pu s’échapper, tous les autres ont été rapatriés en Albanie.
Ce triste événement a été l’objet d’un documentaire, tourné en 2012 « la nave dolce » sous la houlette du réalisateur italien Daniele Vicari. lien
Présenté à la Mostra de Venise, le 2 septembre 2012, le film a remporté un prix largement mérité : le « premio pasinetti ».
Un extrait du film est sur ce lien
L’histoire de notre planète est une longue suite d’exils, de migrations, et ce qui est moins connu c’est que le 28 juillet 1951, une convention relative au statut de réfugiés, a été adoptée à Genève lors d’une conférence de plénipotentiaires, convoquée par l’ONU (organisation des nations unies), convention qui semble être tombée dans un oubli profond, vu qu’elle n’est pas souvent prise en compte. lien
Qui se souvient des centaines de milliers de catalans, (entre 350 000 et 550 000) qui quittèrent l’Espagne de Franco en janvier/février 1939, pour se mettre à l’abri en France ?
Les 2/3 d’entre eux furent reconduits à la frontière par le soin des autorités françaises. lien
Pourtant, si on veut bien prendre un peu de recul, on s’aperçoit que le phénomène d’immigration, qu’elles qu’en soient les raisons, a toujours été présent sur notre planète.
En 1960 notre terre comptait 2,3% de migrants, et elle en compte aujourd’hui 2,9%, ce qui prouve que la situation n’est pas si tragique, alors que les mouvements ultranationalistes, racistes, tentent d’affoler la population, évoquant des « envahisseurs » évidemment musulmans, voire terroristes.
En réalité, sur 7,3 milliards d’êtres humains, seulement 230 millions sont des immigrés.
En Europe, laquelle compte depuis janvier 2015 508 millions d’habitants, le nombre d’immigrés entrés clandestinement n’est que de 274 000, ce qui représente somme toute un assez faible pourcentage.
L’augmentation de son taux d’habitants n’est que de 2,6%, et ce n’est que grâce à l’immigration qu’il a pu atteindre ce seuil, sans lequel en 1 an, la population n’aurait augmenté que de 200 000 personnes, ce qui est largement insuffisant pour maintenir la croissance à un seuil compétitif. lien
En fait, il y a une grande part de fantasme dans cette notion de « hordes d’immigrés venant envahir notre pays ». Il suffit pour s’en convaincre de regarder la réalité des chiffres.
Tout d’abord, la France est de loin l’un des pays les plus prisés par les immigrés.
On évoque souvent les 6000 immigrés qui hantent la région du Pas de Calais, dans des conditions dramatiques, oubliant que si ceux-ci sont bloqués là, c’est qu’ils veulent rejoindre l’Angleterre, et que celle-ci ne le souhaite pas.
Le chiffre officiel annuel de ceux qui entrent en France voisine les 300 000, alors que l’Espagne est autour des 900 000…l’Italie frôle les 600 000 et l’Allemagne les dépasse tout juste. lien
En réalité, le pourcentage d’étrangers en France est bien inférieur à celui des autres pays : alors qu’il est de 5,9% chez nous, il est de 11% en Autriche, en Belgique et en Espagne, de 10,6 en Irlande, et de 9,1 en Allemagne.
Depuis la photo du petit Aylan Kurdi, découvert mort sur une plage de Turquie, une prise de conscience s’est faite auprès des populations, rappelant qu’entre Janvier et mars 2015, près de 500 migrants sont morts noyés, ou sont portés disparus. lien
Le conflit syrien a fait plus de 200 000 morts en 4 ans, et ce n’est hélas pas fini. lien
Face à la situation on a découvert des postures pour le moins discutables de la part d’élus, déclarant ne vouloir accepter que des migrants chrétiens, se mettant en infraction avec les principes de la convention de Genève.
En effet le texte est explicite : elle prévoit que « les états accordent aux réfugiés un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux, en ce qui concerne la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants ».
Berlusconi a d’ailleurs été condamné par la Cour Européenne de Justice pour avoir négligé les règles essentielles du droit de la mer, et refusé l’obligation de secours. lien
Comme l’explique Jean-Louis Borloo, sur l’antenne de France Culture, le 2 novembre 2015, le monde est un village, et il nous faut prendre du recul en constatant les différences de fertilité d’un continent à l’autre.
Lorsqu’une population met au monde moins de 2,1 enfants, par femme, le renouvellement des générations n’est pas assuré.
Or, à ce jour, l’Europe est en perte de vitesse avec son taux de 1,6… l’Amérique se trouvant légèrement au dessus avec 1,9 alors que l’Afrique culmine avec ses 4,7, dépassant l’Océanie, l’Asie, et l’Amérique du sud…qui sont quand même au dessus des 2…
Comme l’écrit Emilie Lanez dans un article du « Point » récent, (n° 2245) les vieux sont au Japon, les jeunes en Afrique ! lien
Mais remontons un peu plus en avant dans le temps…
Grâce au généticien Spencer Wells, et à quelques autres avant lui, il est possible de connaître un peu mieux l’histoire des migrations.
En s’aidant du chromosome Y et des mitochondries, il a réussi à dresser une carte des migrations mondiales depuis 60 000 ans.
Sa méthode est assez simple : il propose un bâtonnet à embout de coton à la personne qui l’intéresse, lui demande de se frotter l’intérieur de la joue, de façon à prélever quelques cellules, ce qui lui permet de retrouver quelques unes des origines de la personne en question.
Cette pratique s’inscrit dans un vaste projet, baptisé Génographic, financé par la NGS (National Geographic Society) avec comme but final de retracer les grandes migrations humaines en analysant quelques éléments du génome de personnes vivantes.
On sait aujourd’hui, qu’à part les chasseurs cueilleurs d’Afrique australe, toute l’humanité, à 99,9% descend d’un même groupe ayant quitté l'est de l’Afrique, atteignant l’Asie du sud au bout de 10 000 ans, puis s’aventurant jusqu’en Sibérie 15 000 ans après, faisant leur apparition sur le continent américain il y a 15 000/25 000 ans. lien
La guerre de Syrie, déclenchée par la chute du dictateur Libyen, a provoqué un exil massif de femmes et d’hommes.
Aujourd’hui, les ultranationalistes et les mouvements racistes utilisent cet épisode douloureux pour affoler les populations, et les dresser contre les réfugiés.
comment ne pas s’étonner de l’évidente contradiction de Robert Ménard, né pourtant à Oran, le 6 juillet 1953, rapatrié et réfugié en métropole, puis, devenu maire à Béziers s’adressant aux migrants syriens, en leur déclarant : « vous n’êtes pas les bienvenus à Béziers ». lien
Mais tous les exilés ne sont pas des humains fuyant les conflits, ils sont aussi parfois poussés par la volonté de sortir du carcan d’un pays dont l’administration est trop lourde, et vont chercher l’aventure ailleurs… aux USA, au Canada, en Belgique, en Angleterre, provoquant une véritable fuite des cerveaux… lien
Dans ce pays pourtant très conservateur, si un postulant à du talent, qu’importe son apparence physique…il peut avoir une épingle dans la joue et arborer une coiffure extravagante, et se trouver aux postes de responsabilité dans une banque ou ailleurs. lien
Situation peu probable en France…
Cette France a-t-elle beaucoup changé depuis 1831, à l’époque où un gouvernement avait décidé d’exhiber dans un zoo toute une tribu de Canaques, sous l’étiquette « cannibales », juste à coté de l’emplacement des crocodiles. lien
Bien sur, depuis l’empire colonial français a fondu comme neige au soleil, mais pour autant, il a gardé une emprise solide et discutable en Afrique et ailleurs.
La France continue de piller, avec d’autres, les richesses du continent Africain, pour ne parler que de lui, provoquant la pauvreté des populations, et l’exil économique.
Personne n’a oublié l’épisode militaire décidé par François Hollande au Mali, dans lequel il s’agissait aussi de défendre les intérêts d’Areva au Niger, qui voyait ses mines d’uranium menacées, d’autant que des employés de l’entreprise avaient été pris en otage, et se trouvaient au Mali. lien
Mais pour revenir à l’essentiel, le parti le plus raciste du pays, le FN, se réjouit d’avoir attiré dans ses listes régionales une dizaine d’adhérents « républicains »…lien
Comme dit mon vieil ami africain : « Ils ne sont pas plus grands que toi, tu es seulement à genoux ».
L’image illustrant l’article vient de migrantsatseau.org
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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