La moderne barbarie
Matan Vilnaï, vice ministre de la défense israélien déclarait le 29 février 2008 « Plus les tirs de roquettes Qassam s’intensifieront, plus les roquettes augmenteront de portée, plus la shoah à laquelle ils s’exposeront sera importante »(1).
« A notre grand regret, il y a des victimes civiles, même si elles ne sont pas nombreuses. Nous ne voulons pas porter atteinte à des femmes, des enfants, des hommes, et nous n’empêchons pas une aide humanitaire" », déclarait avec cynisme Ehud Barak lundi 29 décembre 2008 (2), alors que les bombes israéliennes ont déjà fait 400 victimes, femmes hommes et enfants.
Ces déclarations ne doivent pas faire oublier les morts et les souffrances qu’Israël inflige aux palestiniens depuis sa création.
Albert Einstein écrivait en 1948 en parlant de Menahem Begin et du massacre du village palestinien de Deir Yassin « Les déclarations publiques du parti de Begin ne montrent rien quant à leur caractère réel. Aujourd’hui ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que jusqu’à récemment ils ont prêché ouvertement la doctrine de l’Etat Fasciste(…)Le 9 Avril, d’après le New-York Times, des bandes de terroristes ont attaqué ce village paisible, qui n’était pas un objectif militaire dans le combat, ont tué la plupart de ses habitants - 240 hommes, femmes et enfants - et ont maintenu quelques-uns en vie pour les faire défiler comme captifs dans les rues de Jérusalem ». A. Einstein poursuit « C’est dans ses actions que le parti terroriste trahit son véritable caractère. De ses actions passées nous pouvons juger ce qu’il pourrait faire à l’avenir ». (3)
Effectivement en juin 1982, Menahem Begin, devenu premier ministre, et son ministre de la défense Ariel Sharon envahissent le Liban. Le jeudi16 septembre les milices phalangistes pénètrent, avec l’aide de l’armée israélienne, les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. Les mots et les images auront certainement du mal à décrire ce qui s’est passé dans les deux camps durant les nuits de jeudi à vendredi et du vendredi à samedi.
Pourtant, un homme, poète et écrivain, a su rendre compte avec une grande précision des détails de ce que les kataëbes chrétiennes protégées par Tsahal ont laissé derrière elles : « la femme palestinienne était probablement âgée car elle avait des cheveux gris. Elle était étendue sur le dos, déposée ou laissée là sur des moellons, des briques, des barres de fer tordues, sans confort. D’abord j’ai été étonné par une étrange torsade de corde et d’étoffe qui allait d’un poignet à l’autre, tenant ainsi les deux bras écartés horizontaux, comme crucifiés. Le visage noir et gonflé, tourné vers le ciel, montrait une bouche ouverte, noire de mouches, avec des dents qui me semblèrent très blanches, visage qui paraissait, sans qu’un muscle ne bougeât, soit grimacer soit sourire ou hurler d’un hurlement silencieux et ininterrompu. Ses bas étaient en laine noire, la robe à fleurs roses et grises, légèrement retroussée ou trop courte, je ne sais pas, laissait voir le haut des mollets noirs et gonflés, toujours avec de délicates teintes mauves auxquelles répondaient un mauve et un violet semblable aux joues. Étaient-ce des ecchymoses ou le naturel effet du pourrissement au soleil ? ». Voilà ce que Jean Genet écrivait dans « Quatre heures à Chatila. » (4)
Menahem Begin déclarait à la Knesset « A Chatila, à Sabra, des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ? » (4)
M. Begin a raison. Israël n’est jamais concerné ni inquiété. C’est un Etat au-dessus de toutes les lois, conventions et autres résolutions. Ici seul le « droit » du plus fort s’applique.
Israël a trop de pouvoir pour commettre et faire passer ses massacres pour de la légitime défense. Il a le soutien des Etats-Unis, de l’Europe et de tous les régimes arabes. Cela fait beaucoup pour le peuple palestinien qui est toujours sans Etat ni véritable territoire. Ce pouvoir, dans lequel s’enfonce Israël, risque de se retourner contre lui et l’engloutir.
Aujourd’hui encore, l’Etat d’Israël s’enlise dans la même logique, celle du crime et démontre à nouveau son mépris absolu pour la vie humaine : « Des flots de sang qui arrivent de Gaza envahissent ma maison et s’immiscent dans mon nez, dans ma bouche, dans mes yeux...Je suffoque sous ce sang rouge et frais, celui des touts petits enfants de Gaza, celui de leurs parents » écrivait une israélienne(5). 280 morts dimanche 28 décembre 2008, 350 morts le 29, 384 morts le 30, 394 morts le 31, 400 morts le 1er janvier 2009. Combien de morts demain ? Et après demain ? Seule certitude, des morts viendront se rajouter à d’autres morts, sans parler des blessés dont le nombre se chiffre par milliers, sous le regard et avec le soutien total des dirigeants américains, européens et arabes qui assistent avec placidité au spectacle de la moderne barbarie montée par leurs propres soins et exécutée par Israël.
Ehoud Barak, Tzipi Livni et Ehoud Olmert sont les successeurs de Menahem Begin et d’Ariel Sharon avec toujours cette folle envie de tuer le plus de palestiniens possibles qui représentent, pour eux, l’obstacle vivant au Grand Israël. Mais depuis 1948 la résistance palestinienne est toujours là comme la terre sur laquelle elle a grandi.
D’autres dirigeants israéliens viendront commettre à leur tour les massacres nécessaires au nom de ce « grand rêve ». .
Israël poursuit donc et poursuivra méthodiquement et froidement son « sale boulot ». Ses crimes sont plus ou moins acceptés, plus ou moins justifiés, mais rarement dénoncés par les grands médias occidentaux. Les massacres d’Israël se font « dans les murmures ou dans le silence total »(6). On est loin des célébrations et cérémonies des attentats du 11 septembre 2001. Décidément les morts n’ont pas la même valeur. On peut légitimement alors s’interroger sur la sincérité des sentiments de compassion envers Israël, étalés par ces grands médias ; car leur « douleur » s’arrête là où commence celle des palestiniens.
Les gouvernements successifs d’Israël, et ce depuis sa création, ont élevé les israéliens dans le mépris et la haine du palestinien.
Pourtant, les deux peuples ont vécu ensemble en paix des siècles durant. Leur amour pour cette terre de Palestine n’a d’équivalent que leur haine réciproque. Leurs proclamations d’indépendance montrent d’ailleurs, une étrange ressemblance : « Eretz- Israël est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C’est là qu’il réalisa son indépendance et créa une culture d’une portée à la fois nationale et universelle. » (Proclamation d’indépendance de l’Etat d’Israël, 15 mai 1948). La déclaration des palestiniens commence ainsi : « Terre des messages divins révélés à l’humanité, la Palestine est le pays natal du peuple arabe palestinien. C’est là qu’il a grandi qu’il s’est développé et s’est épanoui » (Déclaration d’indépendance de l’Etat palestinien, 15 novembre 1988).
Le poète palestinien Mahmoud Darwish écrivait « Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d’amour et de paix. ».
Mohamed Belaali
(1) Le Monde du 01/03/2008
(3) http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2008-03-03%2010:56:36&log=lautrehistoire
(4) Jean Genet, « L’ennemi déclaré ». Textes et entretiens. Gallimard. Page 243.
(5) http://bellaciao.org/fr/spip.php?article76817
(6) J. Genet, op.cit.
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