La monarchie visionnaire
Mohammed VI ou la monarchie visionnaire, écrit par Charles Saint-Prot et Zeina el Tibi, a été publié aux éditions du Cerf, en 2019 à l’occasion du 20e anniversaire du règne du Roi Mohammed VI. Cet ouvrage de science politique insiste sur l’idée essentielle que la monarchie incarne la légitimité, mais celle-ci doit également être justifiée par l’action créatrice. Parce qu’il a la charge de faire prévaloir le bien commun, le Roi incarne à la fois la tradition et le progrès. C’est ce qui explique le réformisme du Roi Mohammed VI et sa vision d’avenir au service de la nation.
Le Maroc comme la France sont de vieux États-nations. Ils ne sont pas nés d’hier, mais ils sont le résultat d’une longue Histoire impulsée par les institutions monarchiques. Cela permet de distinguer les principes fondamentaux qui guident l’action des dirigeants depuis des siècles. Comme la France a toujours été colbertiste, l’État au Maroc a toujours été à l’origine des grandes évolutions politiques, diplomatiques, culturelles, économiques. C’est un État-nation créateur, entrepreneur. Il suit donc cette règle essentielle posée aussi bien par l’Islam et que par le Catholicisme exposé par Thomas d’Aquin ou les légistes du Roi de France, l’État est au service du bien commun.
Au service du bien commun c’est-à-dire de toute la société et non de telle ou telle catégorie particulière, Au service du bien commun c’est-à-dire à l’opposé la ligne de l’idéologie individualiste libérale qui n’est rien d’autre que la loi du libre renard dans le libre poulailler. En effet, qui pourrait sérieusement croire que les intérêts particuliers peuvent sérieusement générer un quelconque intérêt général ou même un minimum de stabilité économique et sociale ?
Une société qui perd le sens du bien commun est une société condamnée. Dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide explique le déclin d'Athènes et ses revers après la mort de Périclès par l'abandon de l'idée de bien commun et l'excès des calculs particuliers.
Au Maroc, la monarchie fait prévaloir l’intérêt général face aux intérêts particuliers et égoïstes, face aux éternelles forces de dissolution ; face aux prétendus replis communautaires qui ne sont, au Maroc comme en France, que des replis sectaires et un retour au tribalisme. Dans ces conditions, l’État ne peut évidemment se dessaisir de sa responsabilité d’être le premier fonctionnaire de la société au profit d’autorités administratives prétendument indépendantes ou d’institutions supranationales. Plus qu’un modèle économique, ce qu’il faut mettre en œuvre c’est un projet de société[1]. C’est exactement ce que dit et fait SM le Roi Mohammed VI (1). C’est le même souci de privilégier le réformisme qui se manifeste sur le plan institutionnel, notamment avec la Constitution de 2011(2)
1. Un projet de société
Dans un discours d’octobre 2017, le Souverain expose que son ambition est de consolider « un développement qui profite à tous, surtout aux jeunes. » Le Roi précise que les Marocains ont besoin d’un « développement équilibré et équitable ».
Un développement équilibré et équitable c’est :
- un développement générateur de revenus et d’emplois, notamment au profit des jeunes ;
-un développement qui contribue à instaurer un climat de tranquillité et de stabilité,
- un développement qui favorise une insertion réussie dans la vie familiale, sociale et professionnelle.
Le Roi Mohammed VI souligne que l’économie ne peut être dissociée du social. Il ne faut pas moins d’État mais mieux d’État pour faire passer de la justice et de l’équité dans la société. Il faut donc un État efficace. Ainsi l’administration ne doit pas s’effacer mais au contraire se renforcer. Mais en même temps il faut une administration plus moderne, davantage en phase avec les grands défis de l’époque et les aspirations des citoyens. Il faut une administration déconcentrée, débarrassée de la corruption et de la routine.
Il faut aussi que les acteurs politiques sains et indépendants, insensibles aux calculs électoraux à courte vue, aux pressions, aux brigues de toute sorte, aux groupes d’influence plus ou moins occultes, à toutes les machines à magouiller.
Selon le Roi Mohammed VI, il s’agit
« d’assurer un suivi rigoureux et continu de l’état d’avancement des programmes sociaux et développementaux, et d’accompagner les travaux engagés en les soumettant à une évaluation régulière et intègre. »
Tout cela est inscrit dans la Constitution de 2011.
Cette Constitution est d’abord le résultat du grand chantier de la régionalisation ouvert par le Roi dans un discours du 3 janvier 2010. Il faut rappeler que la dynamique de réforme a été initiée depuis les années 1990, plus particulièrement depuis 1999, date de l’accession au trône du roi Mohammed VI qui a véritablement enclenché une dynamique réformatrice globale dans le respect de la spécificité marocaine.
Donc, contrairement à ce qui a été dit par des analystes superficiels, la réforme constitutionnelle, approuvée par le referendum du 1er juillet 2011, ne doit rien aux remous de ce qu’on a qualifié si bêtement de « printemps arabes ». C’est une étape dans un processus entamé dès le règne de Mohammed V et renforcé par le roi Mohammed VI.
La réforme de 2011 n’a pas pour objet d’être dans l’air du temps, elle démontre qu’évolution et continuité ne sont pas incompatibles et qu’il est possible de consolider dans le consensus et la stabilité le modèle institutionnel d’une monarchie démocratique, bien adapté à la réalité d’une vielle nation et répondant à tous les critères d’un État de droit moderne. Un État où la monarchie incarne la tradition et le progrès.
2. Un modèle maroco-marocain
Dans la mesure où elle incarne le destin national la monarchie est essentiellement réformatrice.
La Tradition n’est certainement pas le conservatisme figé, elle est par essence réformiste, ce qui implique à la fois de conserver le capital dans ce qu’il a d’essentiel et de le faire fructifier grâce aux innovations souhaitables. La tradition est une promesse raisonnée d’avenir pour une nation.
Le contexte à prendre en compte est la dynamique réformatrice enclenchée par le Roi depuis son accession au Trône. C’est la monarchie qui initie les réformes et les guide.
Mohammed VI est un Roi à l’écoute et un visionnaire qui veut veiller à favoriser l’évolution dans la stabilité. Il incarne la durée et la continuité, il protège l’unité nationale et l’indépendance de la nation, il fixe les grandes options (énergies renouvelables, grands chantiers d’avenir etc.), et c’est ensuite aux autres acteurs d’agir.
Le modèle de développement marocain est et sera avant tout « maroco-marocain ». En étant en phase avec les réalités fondamentales de la nation, ce modèle doit consolider l’exception marocaine.
À la notion coloniale de « Maroc utile » - laquelle impliquerait donc un « Maroc inutile » - Mohammed VI a substitué la notion de « Maroc possible »[2], celui du changement, de la solidarité, de la réforme et du progrès. Le réformisme positif est ce qui caractérise le mieux la vision de Mohammed VI qui veut proposer un modèle de développement global fondé sur « de grands chantiers structurant en matière d’infrastructure et de réformes économiques, sociales et institutionnelles »[3].
Le Roi Mohammed VI a la conviction qu’une monarchie concrète, agissante, a pour mission de promouvoir les réformes et mettre en place une dynamique proposant un nouveau projet de société répondant aux attentes d’un peuple qui est à la fois attaché aux fondamentaux de la tradition et aspire au progrès et au développement. Il s’agit de faire en sorte que l’époque de la modernisation ne soit pas celle des aventures sans lendemain. Qui mieux que la monarchie peut concilier cette exigence ? Qui mieux que le Roi peut penser une stratégie à long terme, reposant sur une vision cohérente ? Il ne s’agit pas de faire table rase, de tout chambouler, mais il s’agit plutôt de poursuivre la construction d’une nation moderne, dans le respect de son identité et de ses traditions.
C’est à la lumière de ces données qu’il faut examiner le régime politique marocain pour en saisir la spécificité, laquelle réside dans la faculté d’établir un équilibre permettant, comme l’a souligné le Roi Mohammed VI, de « préserver son identité et sa spécificité, sans se refermer sur soi, dans le cadre d’une authenticité reconfirmée et d’une modernité qui ne renie guère nos valeurs sacrées »[4].
Le Maroc est une ancienne nation et, comme la France, un vieil Etat-nation, constitué par ses rois, avec ses lois, son administration, ses pratiques qui certes ont évolué et continuent à évoluer au cours des siècles mais qui conservent l’originalité qui convient à l’identité marocaine à laquelle le peuple marocain est attaché au plus haut point. Le Maroc est une monarchie constitutionnelle spécifique.
La Constitution de 2011 est donc le maillon d’une chaine, une étape dans la longue vie de la nation marocaine. C’est pourquoi, ce serait une erreur de considérer que tout commence en 2011. Le Roi Hassan II notait que la monarchie est une composante essentielle de l’identité marocaine. En même temps, elle doit évoluer avec le temps. Il n’y a évidemment pas de rupture dans la vie d’une nation dès lors qu’elle est fidèle à sa monarchie créatrice. En vérité tout continue mais la continuité implique naturellement la réforme car une nation évolue et ne souffre pas le conservatisme sclérosant. Il s’agit donc de répondre à de nouvelles exigences. Cela ne signifie pas rupture mais réformisme. Depuis la fin des années 1990, avec l’accélération du processus de la mondialisation des échanges économiques, l’hyper-concurrence internationale installant la loi de la jungle dans la société mondiale, le déferlement de l’idéologie libérale, la croissance démographique et l’urbanisation, le Maroc a dû relever un plus grand nombre de défis. C’est en prenant en considération ce contexte difficile que le Roi Mohammed VI a développé une vision globale et très largement réformatrice au point qu’on peut dire qu’après Mohammed V le libérateur, Hassan II le réunificateur, Mohammed VI s’est imposé comme le visionnaire réformateur.
À tous égards, le règne du Roi Mohammed VI est marqué par la volonté de progresser afin de ne pas manquer le rendez-vous de l’Histoire. Grâce à la monarchie, le Maroc a un objectif précis et une stratégie pour poursuivre sa marche en avant dans de bonnes conditions
L’atout du Maroc est d’avoir monarchie populaire et nationale en constante évolution, une monarchie qui lui confère un avantage sur les autres pays de la région. La force du Maroc, c’est le pacte historique entre le trône et le peuple. Parce qu’il « ne s’agit pas de refaire le monde ou de céder à la dictature des idéologies – ces idoles souvent sanguinaires –, mais juste de faire évoluer son pays vers de meilleurs horizons sans pour autant le détruire et le plonger dans l’inconnu », l’essentiel pour le Roi Mohammed VI consiste à poursuivre la construction d’une nation moderne tout en s’appuyant sur ses fondamentaux.
Et si l’exception marocaine n’était pas tout simplement le fait que, là où d’autres s’agitent en tous sens, tâtonnent ou sont frappés d’une sorte de paralysie cadavérique, le Maroc poursuit son évolution dans la stabilité ? Mais, il faut le redire, cette exception porte un nom, c’est la monarchie qui n’est pas limitée à l’instant et n’a pas comme unique champ de vision les échéances électorales et les petits calculs politiciens. Au contraire, elle s’inscrit dans le temps long, c’est pourquoi elle peut planifier et voir loin. Et, précisément parce qu’elle a le temps pour elle, la monarchie n’agit jamais sous la contrainte ou dans la précipitation. Elle sait qu’il n’est pas toujours opportun de se hâter et elle prend, quand cela lui semble nécessaire, les décisions qui s’imposent ou procède aux nominations attendues, selon son propre agenda.
Cette monarchie millénaire est non seulement le socle de la permanence nationale, le garant de l’unité nationale et le symbole de l’identité traditionnelle du Maroc, mais encore le moteur des réformes et du progrès. Le Maroc a su échapper aux illusions de la violence tout en parvenant, au milieu des événements secouant la région, à se donner une nouvelle constitution[7] puis à la mettre en œuvre d’une manière satisfaisante afin de consolider l’État.
En conclusion, on peut dire que nous n’avons pas besoin d’idéologie, mais de réalisme, d’imagination et de créativité. Il faut donc affirmer qu’il n’y a pas de solutions toutes faites. Au contraire, c’est le rôle des acteurs nationaux d’œuvrer à la mise en place d’un modèle conforme à l’intérêt national. Il appartient donc à chaque nation d’imaginer son modèle national plutôt que s’en remettre à une imitation servile qui ne peut que conduire à l’échec.
Voilà très exactement l’objectif de la monarchie moderne et visionnaire illustrée par Mohammed VI tel qu’il est exposé dans l’ouvrage de Charles Saint-Prot. Au grand dam des idéologues et des cercles gauchistes, le Maroc offre l’image d’une monarchie moderne. Alors que les régimes républicains s’assoupissent, plus ou moins tranquillement, dans une torpeur mortifère, le Royaume se caractérise par une institution nationale, populaire et dynamique. Là où ailleurs ne règne que la léthargie, le Maroc est véritablement une nation en marche.
[1] V. Mohammed VI ou la monarchie visionnaire, Paris, éd. du Cerf, 2019
[2] V. Driss Guerraoui, entretien au magazine Économie Entreprises, n°18, août-septembre 2018.
[3] Ibidem
[4] Discours du Trône du Roi Mohammed VI, 30 juillet 1999
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