La montée de l’intégrisme dans les pays du printemps arabe est le fruit de la complaisance occidentale
Oui, la montée des intégristes dans les pays traversés par le printemps arabe fait peur et avec raison. Que des démagogues usent de la démocratie pour arriver au pouvoir afin de mieux la tuer doit effectivement effrayer, car ils ont des antécédents monstrueux comme Hitler ou Khomeiny, tous deux arrivés par les urnes et tous deux auteurs de crimes sans nom, bien qu’il n’y ait pas matière à comparaison. Mais si l’un a exterminé la liberté et des millions d’êtres humains en une décennie, l’autre avec ses héritiers, alimente le bucher de l’inquisition depuis trente ans en semant dans l’ensemble du monde musulman tous les poisons de la violence et du terrorisme. Le fléau de l’intégrisme est comme un feu de tourbe. Il est souterrain mais dévore irrémédiablement tout sur son passage sous le couvert de la religion.
Or si contre le premier il a fallu une alliance des nations pour le déraciner, face au second on assiste paradoxalement à une alliance de ces mêmes nations pour l’encourager et le maintenir au pouvoir. Si face à Hitler on parlait avant 1938 « d’apaisement », avec les mollahs en Iran et les intégristes en général, cette politique a pris la tournure de « la complaisance ». On fronce les sourcils devant les micros et les caméras, mais on fait toutes les concessions en coulisse, en fermant les yeux, et en rajoutant quelques cadeaux maisons, au cas où.
Bernard Guetta posait une excellente question dans Libération : les intégristes raflent la mise aux élections en Tunisie, à qui la faute ? Guetta pointe le doigt vers la gauche laïc tunisienne, divisée et qui n’a pas su présenter un front uni. C’est une belle façon d’échapper à ses responsabilités et de se laver les mains à la Ponce Pilate.
Non, la faute en revient en premier lieu aux démocraties européennes et américaines, qui mènent depuis trente longues années une politique de complaisance avec le cœur même de l’intégrisme et du terrorisme qu’est le régime iranien. Etonnant destin de cette dictature religieuse qui n’a cessé de semer la mort, par les prises d’otages, les attentats et les guerres à l’étranger, et les exécutions et toute une panoplie de violations des droits humains en Iran, sans que jamais dans ces belles démocraties le ton ne monte. Pire, on la couvre d’attentions, de mesures incitatives, de négociations en veux-tu en voilà, de déclarations d’amour ombrageuses, et même de danse des sept voiles dans laquelle Javier Solana, ex chef de la diplomatie de l’UE, excellait.
Quand les démocraties soutiennent les dictatures en place, elles empêchent évidement l’opposition de croître. Comment après 50 ou 30 ans de tyrannie, les survivants de l’opposition démocratique et laïque éradiquée dans les prisons et les cimetières peuvent-ils renaitre et se réorganiser en un instant ? La seule force d’opposition organisée qui reste dans ces pays, ce sont bien les intégristes qui eux à l’étranger n’ont pas été touchés et dont le cœur battant, Téhéran, fait l’objet de toutes les attentions. Le banquier central de l’intégrisme et du terrorisme peut alors comme le disait Khamenei, le guide suprême des mollahs, faire de l’éveil démocratique arabe, un éveil du fascisme religieux à coups de millions de pétrodollars.
Comment s’étonner que ces peuples à la recherche d’un modèle culturel qui leur soit propre, ne trouve pas cet islam démocratique, tolérant, progressiste qui est l’antithèse de l’intégrisme lourd à l’iranienne ou light à la turque ? Simplement parce que les tenants de la politique de complaisance ont non seulement plié à la demande essentielle des mollahs de mettre leur principale opposition démocratique et musulmane, les Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), sur la liste du terrorisme, mais qu’ils ont également cédé à l’autre demande de participer à leur répression. Il aura fallu huit années de bataille juridique à l’OMPI pour sortir de la liste du terrorisme européen et la bataille politico-juridique fait rage aux USA pour sortir de cette liste noire également. Cet énorme cadeau fait aux mollahs et la campagne de diabolisation de ce mouvement en occident par le lobby de Téhéran, savamment reprise par la presse occidentale qui a alterné les flèches, le sel sur les plaies des victimes et le silence radio sur les crimes des mollahs, cette campagne a donné des prétextes en or à la dictature religieuse pour arrêter et exécuter ses opposants et commettre attaques et massacre contre le camp d’Achraf en Irak qui en regroupe 3400, dont 1000 femmes. Il est étrange de noter que ces mêmes apologistes de la complaisance se précipitent aujourd’hui dans les colonnes des journaux pour adoucir les traits du monstre et dire que certes, la Bête est de retour, mais quand même elle a changé de coupe !
La complaisance américaine a été jusqu’à livrer la sécurité du camp d’Achraf aux forces irakiennes inféodées à Téhéran qui ont aussitôt commis des tueries, imposé un blocus total et promettent à présent de fermer le camp dans le feu et dans le sang au 31 décembre. Adieu principes, traités, conventions de Genève et accords signés en bon et due forme. Or le perdant dans l’affaire n’est pas l’OMPI qui renforce son front de soutien, mais bien les apologistes de la complaisance qui cèdent l’Irak à aux mollahs et ouvrent la boite de pandore en livrant tout le Moyen-Orient, une pomme dans la bouche, sur un plateau d’argent à Téhéran.
5 millions d’Irakiens en 2006 et 3 millions de chiites irakiens en 2007 ne se sont pas trompés en signant une pétition en faveur de l’OMPI pour la désigner comme le seul rempart contre l’intégrisme et un modèle à suivre pour construire une démocratie pluraliste, respectueuse des minorités et des droits humains. Un modèle à suivre pour l’égalité des femmes et des hommes, puisque dans ce mouvement elles sont à la direction politique et à tous les postes de responsabilités depuis bientôt vingt ans. Un modèle à suivre pour la coexistence pacifique avec tous les Etats. Ces millions de personnes en Irak qui ont goûté dans leur chair l’intégrisme des mollahs et qui ont côtoyé de longues années l’OMPI savent de quoi elles parlent. C’est pourquoi elles savent qu’il faut à tout prix annuler cette date butoir de fermer le camp d’Achraf par un nouveau massacre le 31 décembre, car Achraf est bel et bien un rempart à l’intégrisme, et bel et bien une source d’espoir et d’inspiration pour les Iraniens insurgés et leurs voisins dans la région. Un modèle concret et réalisable. Il serait temps que les Occidentaux aussi ouvrent les yeux à ces réalités.
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