La NSA, trop grosse pour se conformer, fait le jeu des décentralisateurs
Nous connaissions les banques et les compagnies d’assurance « Too big to fail », sauvées de la faillite par le gouvernement américain, nous connaissions les « Too big to pay taxes », ces multinationales bénéficiant de larges abattements et conservant leurs profits dans des paradis fiscaux. Dorénavant, il existe le « Too big to comply » (trop gros pour se conformer) grâce à la NSA.
Une excuse bidon, une de plus
L’information provient du blog étasunien de l’ACLU, une ONG dédiée à la défense des droits civiques. La NSA a rédigé un document dans le cadre d’un procès où elle est accusée par l’Electronic Frontier Foundation (une autre ONG américaine) d’avoir collecté des données privées sans mandat légal. Récemment, les plaignants ont souhaité s’assurer que la NSA conservait les preuves de l’accusation – une obligation normale dans tout procès – sur ses serveurs. Voici ce qu’a répondu en substance la NSA :
« Les tentatives de se conformer entièrement à l’ordre du tribunal daté du 5 juin constitueraient une entreprise massive et incertaine car la NSA aurait à éteindre toutes les bases de données et les systèmes qui contiennent les informations de la section 702 ».
L’agence de renseignement a également avancé que la conservation des preuves pour ce procès risquerait de la mettre en violation d’autres règles conçues pour protéger la vie privée. Peut-on imaginer une plus mauvaise excuse ? N’est-il pas évident que n’importe qui est capable de faire une sauvegarde de données informatiques sans mettre en danger le reste des informations présentes sur le serveur ? Pendant des années, la NSA a éludé les accusations en prétendant que ces dernières ne correspondaient qu’à de pures spéculations, mais depuis les révélations de Snowden, elle ne peut plus se retrancher derrière ces arguments. Elle invente donc une nouvelle ligne de défense qui lui permet simplement d’effacer toute pièce à conviction.
L’avenir est-il aux chaînes de blocs ?
Seulement, cette argumentation de la NSA peut se retourner contre l’agence car elle montre son incapacité à savoir gérer correctement les données collectées. De quoi apporter de l’eau au moulin des partisans d’une gestion décentralisée de la monnaie et plus généralement des données. A ce sujet, un article paru dans le Telegraph (Royaume-Uni) cette semaine a fait grandement parlé de lui. Intitulé The coming digital anarchy (l’anarchie digitale à venir), il traite de manière exhaustive de cette problématique. L’article est un peu long, mais il vaut le détour pour les anglophones.
Pour synthétiser brièvement, l’idée de cette décentralisation se base sur l’utilisation de chaînes de blocs (blockchain), une base de données partagée entre tous les nœuds participant à un système basé sur le protocole Bitcoin. Plutôt que de centraliser les données sur des serveurs détenus par des grands acteurs politiques ou économiques, le principe consiste à décentraliser les données sur les ordinateurs du monde entier dont les détenteurs veulent bien affecter une partie de leur ressource. Au cœur du processus, réside un principe algorithmique assurant l’incorruptibilité du système et qui permettrait d’assurer une plus grande stabilité économique, ce que les décideurs empêchent en jouant en continu avec la monnaie ou d’autres leviers économiques.
Ces formes alternatives d’économie pourraient bien percer prochainement encore un peu plus à la faveur d’une nouvelle crise. Rappelons que la monnaie Bitcoin a fait son apparition après la crise de 2008. Cependant, et de même qu’Internet, même si ces nouveautés peuvent occuper progressivement une place plus grande, elles ne permettent pas de s’extraire des réalités matérielles. De plus, la décentralisation tant attendue par certains ne l’est pas par une majorité de la population qui ne souhaite pas plus d’autonomie et de liberté, mais une meilleure protection de la part des autorités…
Joaquim Defghi
Blog : actudupouvoir.fr
Twitter : @JDefghi
Crédit photo : © nolifebeforecoffee – Flickr
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