La pègre brésilienne lutte pour plus de liberté... dans les prisons
La crise de violence urbaine à Sao Paulo vise à restaurer la liberté de contrôle des chefs de gang à partir des prisons.

La crise de violence urbaine à Sao Paulo vise à restaurer la
liberté de contrôle des chefs de gang à partir des prisons.
Le but de ces actions est simple : faire pression sur le
gouvernement local afin de récupérer le droit de communiquer facilement à leurs
organisations, à partir des prisons, les ordres des chefs de gangs incarcérés. Il
est notoire que ceux-ci continuent impunément à diriger leurs "affaires"
à l’aide de téléphones portables depuis leur cellule.
Depuis cet épisode sanglant, de nouveaux facteurs sont venus
s’ajouter aux prétextes "officiels" pour de nouvelles attaques :
- Après une révolte
ayant abouti à la quasi-destruction des infrastructure de leur prison, près de 800
prisonniers ont été laissés à l’air libre dans une des quatre cours de cette
prison, sans aucun confort, dormant sur le sol, la nourriture leur étant jetée par-dessus les murs par leurs gardiens, sans assistance sanitaire pour les malades
et avec un seul WC dans la cour pour toute "hygiène".
- Des dispositifs
bloquant les téléphones portables sont en train d’être installés dans toutes
les prisons, sur ordre de la Justice fédérale.
- Une liste secrète
de 40 leaders du PCC et d’autres organisations mafieuses devant être transférés
dans des quartiers de haute sécurité a été malheureusement dévoilée.
- L’arrestation d’un
des hommes forts du PCC, Emivaldo Silva Campos, organisateur des actions du PCC
dans la banlieue industrielle de Sao Paulo.
La réaction du PCC ne s’est pas fait attendre.
- En dix jours, 15
gardiens de prison ont été sommairement exécutés à leur domicile ou sur le
chemin de leur travail. Ceux-ci sont, depuis hier, officiellement autorisés à être
armés en permanence, même en dehors des prisons.
- De même, certains
policiers ont été pris pour cible, le cas le plus bouleversant étant l’assassinat
de sang-froid du jeune fils d’un enquêteur à Sao Vicente.
- Enfin, depuis hier,
près d’une centaine de nouveaux attentats, la plupart perpétrés de nuit, ont
visé des commissariats, des supermarchés et des banques. Près d’une trentaine d’omnibus
ont été incendiés, dont certains avec les passagers à l’intérieur, sans faire
de victime heureusement (un bébé a été néanmoins grièvement brûlé).
Ces attaques ont provoqué la mort de six personnes (un
policier et sa sœur, trois gardes privés et un garde municipal).
Elles ont également occasionné une paralysie presque totale
des transports en commun, les compagnies privées (gérant la flotte d’omnibus) préférant
laisser ceux-ci dans leur garage, ce qui a mis près de 5 millions d’utilisateurs
à pied.
Il faut savoir que l’essentiel des transports à Sao Paulo
passe par ces omnibus, le métro ne couvrant pas toute la ville et le réseau
ferroviaire étant inexistant. Donc le blocage de ces transports provoque de
facto le blocage économique de la capitale tout entière !
Les répercussions politiques sont importantes, en cette année
d’élection présidentielle. L’ex-gouverneur de Sao Paulo, Geraldo Alkmin, du
PSDB (centre droit), candidat à la présidentielle, est mis évidemment en cause
par le PT (Parti des travailleurs du président Luiz Inácio Lula da Silva). Le
gouvernement fédéral a proposé la mise à disposition de ses forces d’intervention
nationale pour aider la police civile et militaire de Sao Paulo, mais le secrétaire
de la Sécurité publique refuse, alléguant que les 5000 policiers non entraînés
de ces forces spéciales n’ajouteraient pas grand chose aux 130 000 policiers déjà
actifs dans la capitale.
Comme le gouverneur intérimaire de Sao Paulo a eu le
malheur de déclarer, il y a quelques jours, que "le PCC ne domine plus dorénavant
les prisons de l’Etat", le PT a beau jeu de railler la gestion de la crise
par le PSDB, et de critiquer le refus du gouverneur d’accepter l’aide fédérale.
Devant un tel courant de terrorisme, les solutions à courte échéance
sont quasiment inexistantes. Grâce au trafic de drogues, appuyé sur une forte
corruption des policiers et de l’administration en général, les mafias de Rio
et Sao Paulo - n’ayant pas grand-chose à perdre et prêtes à mourir pour leur
combat - disposent de moyens importants, tant en hommes qu’en armes et argent.
De plus, dans une mégalopole comme Sao Paulo, où vivent près
de 20 millions d’habitants dont les deux tiers au seuil de la pauvreté (salaire
moyen de 100 dollars par mois), il est aussi facile, pour la pègre, de recruter
de nouveaux trafiquants attirés par le gain d’argent facile, que difficile pour
la police de contrôler cette immense population.
Fait aggravant, l’image de la police est très mauvaise au Brésil
: les policiers, mal payés, sont massivement corrompus, peu enclins à respecter
les droits de l’homme (ils tirent d’abord et discutent après). Une grande
partie de la population pauvre préfère souvent avoir affaire au trafic
organisé, très proche de leur vie quotidienne et qui leur apporte au moins de
quoi vivre, plutôt qu’à la police, qui n’a pas su s’intégrer à la population.
De même, la Justice fonctionne mal, de nombreux riches
criminels se retrouvant libres grâce à des « habeas corpus » subtilement distillés
par des juges dont l’intégrité est mise en cause, mais c’est difficile à contrôler. Les
différentes organisations judiciaires (municipales, des Etats et du
gouvernement fédéral, la Cour suprême, sans oublier la justice du travail et
la justice électorale) se battent en duel à coup de « liminaires », chaque décision
d’un juge ou d’un tribunal étant modifiée ou annulée par un autre juge ou une
autre cour.
Egalement, les derniers scandales financiers mettant en
cause les politiques à des échelles diverses (depuis les élus municipaux jusqu’aux
députés et sénateurs) font perdre confiance aux Brésiliens sur une résolution
politique ferme de la crise. Le langage contradictoire et les mensonges des responsables
politiques de cette crise, liés au refus désespéré d’admettre leurs vrais
raisons de fond (mauvaise gestion, corruption), sont mis en valeur par la
presse, et les Brésiliens ne savent plus sur qui compter, se positionnant de
plus en plus dans un état de résignation où le « chacun pour soi » prend chaque
jour plus d’importance. Certains responsables sont même suspectés de négocier
directement avec le PCC pour étouffer la crise, au moins avant les élections (et
c’est d’ailleurs le but principal du PCC).
Ainsi, on peut donc s’attendre à de nouvelles ondes de
violence dans les mois qui viennent, les seules solutions restant à très longue
échéance, et passant par un enrichissement de l’économie permettant la mise en
place d’une police plus efficace, l’infiltration des groupes terroristes et des
diverses mafias de la drogue, une éducation gratuite et fonctionnelle (certaines
écoles reçoivent des ordinateurs alors qu’elles n’ont plus de toit et sont sans
électricité) et surtout une lutte très sévère contre la corruption active et
passive.
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