La résolution 1559 : paradoxes et théorie des jeux
La résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU a été utilisée par Israël pour justifier les attaques contre le Liban.
Elle porte sur sept points :
1. Respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Liban
2. Retrait de toutes le forces étrangères du Liban
3. Dissolution et désarmement de toutes les milices libanaises et non-libanaises présentes au Liban
4. Extension de l’autorité du gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du Liban
5. Elections présidentielles libres au Liban
6. Coopération de toutes les parties au rétablissement de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban
7. Rapport devra être fait au Secrétaire général dans les trente jours.
Ces derniers jours, nous vivons donc une terrifiante boucle logique, telle que proposée par ce gouvernement israélien qui, pour soutenir l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique d’un pays, a décidé de le bombarder.
C’est vrai qu’en écoutant les dirigeants israéliens, le public aurait pu croire que la résolution 1559 avait plutôt pour sujet le soutien de l’intégrité territoriale et la souveraineté de "l’agressé" (Israël) et non de "l’agresseur" (le Liban).
Nous voilà donc surpris de découvrir qu’il s’agit du contraire. Pour autant, ce genre de paradoxe géopolitique a déjà été pratiqué sans complexe par d’autres que le gouvernement israélien. Personne n’a oublié, par exemple, la promesse de Charles Pasqua de terroriser les terroristes, ce qui ne voulait pas pour autant dire qu’il cherchait à se faire peur. En Afghanistan, le gouvernement soutenu par la communauté internationale aimerait bien contraindre les femmes à se libérer de leurs burqas. Enfin, George Bush n’a-t-il pas imposé la démocratie à une majorité d’Irakiens qui, peut-être, auraient démocratiquement voté pour conserver la dictature (et la paix) ?
Quelles que soient nos convictions, l’implacable loi des paradoxes, appliquée au cas de l’attaque du Liban par Israël, voudrait que, ayant hâte d’appliquer la résolution 1559 - et donc de défendre l’intégrité et la souveraineté du Liban - Israël se doive de tourner ses armes contre les forces étrangères ayant agressé le Liban, et donc se détruire elle-même. La théorie des jeux - illustrée en particulier par le cas, bien nommé, de négociation théorique dit du dilemne des prisonniers - prouve que cette prédiction a de fortes chances de se réaliser. Dans les jeux à somme non nulle, chaque joueur garde, en effet, en mémoire le comportement de son adversaire aux précédents tours. Celui-ci ne manque donc jamais de rendre la monnaie de sa pièce à la première occasion. Qui a joué au jeu idiot des claques sait qu’il n’y a jamais de vainqueur.
Les lois juives traditionnelles fondées sur le fameux oeil pour oeil / dent pour dent ont certainement trouvé leur inspiration dans ce même principe universel - désormais prouvé par la science - qui veut que l’on se fait d’abord du mal à soi-même en ne coopérant pas avec ses adversaires.
Il est vrai aussi que la tradition juive peut se plaire dans les paradoxes. Une histoire drôle raconte en effet qu’une mère juive a offert deux cravates à son fils. Le lendemain, ce dernier se présente chez elle portant fièrement au cou l’une de ces cravates. Sa mère l’invective : "Pourquoi n’as-tu pas mis la cravate que je t’ai offerte ?!" Nul besoin de décrire la suite et la frustration que crée chez le fils l’ingratitude paradoxale de la mère. Pourtant - et c’est la morale de cette triste histoire - dans le désespoir de ce fils, on peut percevoir, un peu, le drame libanais.
Et pour conclure, je souhaiterais citer ce qui est peut-être le plus cruellement vérifié des paradoxes. Hegel en est l’auteur : L’homme apprend de l’Histoire que l’homme n’apprend rien de l’Histoire. Hélas.
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