La Russie et les talibans : des signaux intéressants

Au milieu de l’accélération des événements et de la préoccupation du monde à suivre ce qui se passe en Afghanistan depuis que les talibans ont pris le contrôle de la capitale, Kaboul, il y a des signes que l’observateur ne peut pas négliger. Ce n’est pas seulement parce qu’ils concernent des parties internationales importantes, comme la Russie.
Mais ils peuvent aussi prédire des changements géopolitiques majeurs dans le paysage stratégique au cours de la période à venir. La Russie, pour l’Afghanistan et les Afghans, n’est pas une force internationale comme les autres, comme on le sait, étant donné l’héritage de l’intervention soviétique dans ce pays.
Mais la Russie, héritière légitime de l’ancienne Union soviétique, mène une politique étrangère pragmatique qui ne fait pas de place aux idéologies. Le président Vladimir Poutine traite sur la base des intérêts stratégiques russes où qu’ils se trouvent. Dès lors, les signes et le ton conciliant échangés entre la Russie et les talibans afghans ne semblent pas hors contexte.
Si la Russie de Poutine peut converger et même s’allier avec ceux qu’elle considérait hier comme des ennemis, le fait que les talibans montrent autant de respect, d’appréciation et d’amabilité à l’égard de la Russie reflète aussi des choses importantes liées aux orientations de la politique étrangère du mouvement dans la période à venir.
La Russie a nommé depuis quelque temps un envoyé spécial présidentiel en Afghanistan, Zamir Kabulov, qui est directeur du deuxième département asiatique du ministère russe des Affaires étrangères. Son rôle s’est fortement affirmé récemment dans la gestion des relations de son pays avec l’Afghanistan dans la période post retrait américain.
De nombreuses positions marquantes se sont manifestées, notamment son affirmation selon laquelle la Russie n’a pas besoin de conseils de l’étranger sur ce qu’il faut faire en Afghanistan. Cette position est une réponse à la déclaration du président Joe Biden concernant un éventuel appel des États-Unis à d’autres pays, dont la Russie, pour soutenir l’Afghanistan.
“Nous n’avons pas besoin de conseils de l’extérieur sur ce que nous devons faire,” a déclaré Kabulov. Les décisions sur cette question sont prises par les dirigeants russes. “Cette aide (pour l’Afghanistan) est actuellement fournie. Tout le monde le sait.”
La Russie entend gérer ses relations avec les talibans en s’isolant des États-Unis. Il y a aussi une déclaration importante faite par Kabulov sur l’émission de la chaîne russe Channel 1 : “Nous ne voyons aucune menace directe pour nos alliés en Asie centrale (par les talibans). Il n’y a même pas un seul fait qui suggère le contraire,” a-t-il dit, notant que “la Russie a une base et des contacts établis avec les talibans.”
“Nous sommes en contact avec les talibans depuis longtemps,” a-t-il dit. “Le fait est que nous avons déjà préparé la base des pourparlers avec les nouvelles autorités, c’est un atout de la politique étrangère russe que nous utilisons pleinement pour le bénéfice à long terme de la Russie.”
Ces déclarations importantes sont liées à une autre déclaration de Kabulov dans laquelle il a exprimé l’optimisme de Moscou sur les relations entre la Russie et l’Afghanistan après le changement de pouvoir en Afghanistan, en disant : “Ce n’est pas seulement mon espoir. Nous sommes confiants à ce sujet.
Nous allons construire nos relations sur la base de l’équilibre des résultats de notre travail au cours des dernières années,” a-t-il dit, révélant ses contacts continus avec le mollah Abdul Ghani Baradar, chef du bureau politique des talibans basé à Doha.
En lisant les réactions russes, on peut construire des conclusions selon lesquelles les voisins de l’Afghanistan, dont la Russie et la Chine, ont compris depuis longtemps que les États-Unis prévoient de quitter l’Afghanistan et d’exporter les crises du pays vers les pays voisins.
Les deux dernières décennies ont été marquées par une erreur stratégique majeure des États-Unis, celle de porter le lourd fardeau du contrôle de la situation sur place avec tous les coûts humains, matériels, militaires et politiques que ça implique.
Le retrait américain signifie laisser une épine dans le flanc pour les voisins de l’Afghanistan, en particulier ceux qui ont des dossiers controversés. En théorie, les Talibans restent idéologiquement en désaccord avec le régime chiite iranien. Il existe un héritage ancien avec la Russie depuis l’occupation soviétique. Il y a une vision chinoise d’un système religieux strict à ses frontières.
Il est donc clair que la Russie a prévu de s’occuper de la situation actuelle en Afghanistan depuis un certain temps, étant donné la priorité de la question de la lutte contre le terrorisme dans sa politique étrangère, son engagement à assurer la sécurité des pays voisins avec lesquels elle a un accord de sécurité collective, et la réalisation par la Russie que Daesh, basé dans certains États du nord de l’Afghanistan, est plus dangereux pour ces pays que le mouvement.
Dès les premières heures de son entrée dans Kaboul, il a sécurisé l’ambassade de Russie à Kaboul, ce qui a fait dire à l’ambassadeur que le bâtiment de l’ambassade russe est fortement gardé par les combattants talibans. Il a salué leur performance et leur souci de la sécurité du personnel de l’ambassade de Russie dans leur capitale.
“Actuellement, l’ambassade est gardée par un grand nombre de combattants talibans. Ils ont laissé une très bonne impression, des hommes raisonnables et bien armés qui ont imposé un cordon étroit autour du bâtiment, afin qu’aucun terroriste ou imbécile ne puisse s’infiltrer chez nous.”
En résumé, la Russie a peut-être compris que les États-Unis ont l’intention de faire des talibans une épine dans les relations entre la Russie et la Chine. Elle a accéléré ses relations fortes avec lui, tout comme la Chine et d’autres pays. Ainsi, nous verrons peut-être une lutte géopolitique internationale et régionale faire rage pour gagner l’amabilité des Talibans dans la période à venir.
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