La Suisse ne fait plus recette comme eldorado financier
"Untel a un compte en Suisse", "Untel a caché son argent en Suisse pour échapper au fisc". Voici des phrases qui vous semblent familières suite aux nombreuses affaires ayant éclaté ces derniers mois. Mais paradoxalement, vous l'entendrez peut-être de moins en moins. En effet, la place financière suisse est aujourd'hui dans un état désastreux, quasiment inédit. Perte de confiance des investisseurs, fuite des capitaux, abus, pressions extérieures sur le secret bancaire, mesures ambigues du gouvernement suisse, c'est aujourd'hui sa survie même qui est en question.
UBS en Crise
En 2008, un premier choc frappe la Suisse, sonnant comme un cataclysme pour ce pays d'ordinaire si calme. UBS, banque suisse numéro 1, connue dans le monde entier, symbole même de la prospérité et de la réussite, s'effondre. Frappée de plein fouet par la crise des subprimes, par les conséquences de mauvais placements et la crise internationale, la banque fait des pertes énormes. Le monde financier s'affole, l'action UBS chute de 75% de sa valeur, certains osent même envisager ouvertement l'hypothèse d'une faillite de cette image de marque de la Suisse financière !
C'est finalement le gouvernement suisse qui sauvera la banque en la recapitalisant. Mais ce premier signal écornant l'image de marque de la Suisse en tant qu'eldorado financier ne sera pas le seul. Au contraire, la situation va empirer.
Les banques, incertitude pour le pays
En février 2011, le Président de la Banque nationale suisse, Phillip Hildebrand, déclare que "L'Irlande nous donne un exemple dramatique de ce qui peut nous arriver. L'Irlande a une économie comparable à bien des égards à celle de la Suisse". Et pour cause : La Suisse a des banques gigantesques par rapport à la taille de son économie, avec en plus un facteur de forte implication dans le marché international. Les banques deviennent maintenant une menace pour l'avenir même de la Suisse. En effet, le potentiel de dettes des banques, par exemple celles de l'UBS et du Crédit Suisse cumulées, représenterait à lui seul un "multiple de la performance économique suisse".
A cette époque, on constate dans le pays que certains hommes politiques locaux ne semblent pas avoir conscience de la mesure du danger représenté par les problèmes de la place financière. Et si demain la place financière suisse s'effondrait ? Quelles conséquences éclateraient ? Tout le monde est dans le flou, et donne l'impression d'être soit ignorant, soit dépassé par les évènements
La chute du Paradis Fiscal
Parallèlement aux problèmes internes de la place financière suisse se développement des problèmes liés aux pressions externes qui s'exercent sur elle.
En février 2009, ce qui semblait inimaginable il y a encore 5 ans se produit : Une banque Suisse -en l'espèce UBS-, cible d'une offensive de la justice américaine en raison des nombreux évadés fiscaux américains ayant des comptes chez elle, va transmettre aux autorités américaines les noms de 250 clients, et cela alors qu'une procédure était en cours devant le tribunal administratif fédéral. Fortes de ce succès, les autorités américaines en veulent plus : désormais, elles en veulent.....52 000 ! UBS est vue comme une traître par d'autres banques, l'association suisse des banquiers dit elle que "l'honneur d'UBS est perdu". Quant aux autorités helvétiques, on dénonce sa "capitulation" face aux pressions outre-atlantique.
A partir de ce jour-là, le secret bancaire suisse ne sera plus jamais comme avant : il recule, il recule toujours plus. L'Union Européenne veut bénéficier du même traitement que les Américains et accroît ses pressions sur la Suisse. La Suisse est inscrite sur la liste noire de l'OCDE et n'en sort qu'après avoir signé des accords d'échange d'informations fiscales avec une vingtaine de pays. La Suisse va finalement essayer de ce sortir de ce bourbier en signant les "accords RUBIK" avec plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et l'Autriche. Ces accords prévoient que désormais, l'anonymat des détenteurs étrangers de comptes en Suisse sera garanti mais les banques prélèveront un "impôt libératoire" sur leurs avoirs, qui sera reversé au fisc du pays d'origine. Ces accords, contraignants pour la Suisse, n'auront cependant qu'un effet mitigé et doublement destructeur : D'une part, certains pays (dont la France et l'Allemagne) rejettent ces accords, estimant qu'ils valident l'évasion fiscale. Et d'autre part, beaucoup de détenteurs de comptes en Suisse, devenus méfiants depuis l'épisode de février 2009, comprennent qu'il n'y a aucun intérêt à garder leurs biens dans le pays, en lequel ils ne croient d'ailleurs plus. Ils partent....
La Chute de la Place financière
Dès lors, c'est l'effondrement progressif : Des gérants de fortune se retrouvent sans travail suite au départ de leurs clients pour des paradis fiscaux plus compréhensifs, comme les Iles Caiman, le Luxembourg ou Singapour, ou bien les places financières en pleine expansion comme Dubai. L'économiste suisse Myret Zaki estime que tous les problèmes qui touchent le monde financier helvétique vont lui faire perdre non seulement une part de sa compétitivité, mais aussi 20 000 emplois à terme, peut-être plus. La Suisse est condamnée à s'appauvrir, alors que les politiciens et banquiers suisses vont encore plus enfoncer le secret bancaire. En décembre 2012, la ministre des finances suisse Eveline Widmer-Schlumpf annonce qu'elle voudrait (d'elle-même !) ouvrir des négociations avec l'UE sur l'échange automatique d'informations bancaires. C'était le dernier "vestige" à ne pas avoir été aboli par la Suisse !
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