La Turquie a tourné son dos à l’OTAN ?
L’accord de la Turquie pour l’achat du système de missiles S400 a suscité des inquiétudes quant à ses répercussions sur les relations entre Ankara et Washington. Les première et deuxième tranches du système russe de missiles avancés ayant été reçues, le Président turc a mis son pays dans une dispute difficile avec les Etats-Unis.
L’administration Trump n’avait d’autre choix que d’imposer les sanctions qu’elle avait brandies si la Turquie allait de l’avant avec cet accord. Mais la principale ramification de l’accord portera apparemment sur les relations de la Turquie avec l’OTAN.
Ce n’est pas la première fois que le président Erdogan entre en collision avec l’Amérique de Trump. Mais c’est peut-être la goute qui fait déborder le vase. Cette fois, c’est très sensible pour les États-Unis.
Erdogan est allé trop loin en ignorant les demandes américaines de ne pas acheter le système de missiles, au mépris de l’impact de la question sur les relations de son pays avec l’OTAN, où les Etats-Unis et la Turquie sont les deux plus grandes armées.
La Turquie a-t-elle décidé de renoncer à l’OTAN ? Va-t-on voir, au cours de la période à venir, une restructuration de l’alliance en fonction de ces changements stratégiques ? D’autres membres de l’OTAN acceptent-ils que la Turquie utilise à la fois des missiles russes et des techniques militaires de l’OTAN ? Beaucoup de questions se posent maintenant. Mais la situation de la Turquie est tout à fait différente.
Ce n’est pas la première fois qu’un pays de l’OTAN a la technologie militaire russe dans ses forces armées. La Grèce, membre de l’OTAN, a acheté les mêmes missiles russes. Mais cela n’a pas contrarié les Etats-Unis qui n’ont pas réagi comme ils l’ont fait avec la Turquie.
Pour certains, les préoccupations américaines sont liées à la sécurité d’Israël, avec la rhétorique hostile du régime turc à son égard. Mais cette hypothèse est tout simplement fausse. Les relations de la Turquie avec Israël n’ont été troublées que par la rhétorique démagogique avec laquelle le président Erdogan nourrit sa base populaire dans le pays et dans le monde arabe et musulman. Mais l’Occident sait que le discours est vide de toute réelle hostilité envers Israël. Il ne fait aucun doute que les relations stratégiques entre la Turquie et Israël ont été suspendues. Mais les liens ne se sont jamais tendus, même dans les pires moments de leur vie, comme lors de l’incident de Marmara.
Ce qui dérange l’administration Trump, c’est que, par le rapprochement avec la Russie, la Turquie cherche à restructurer l’équilibre des pouvoirs. Il ne s’agit pas d’un accord sur les missiles, mais de l’établissement d’un partenariat militaire dans le cadre duquel la Turquie, jusqu’à récemment impliquée dans l’industrie américaine des chasseurs F35 les plus avancés, participerait à la fabrication des systèmes de missiles S400.
Erdogan a choisi le pire moment pour que l’économie turque aiguise son ton envers les États-Unis, risquant de mettre l’économie au bord de la détérioration et peut-être de s’effondrer si les États-Unis durcissent leurs sanctions attendues. Cette décision coïncide avec l’aggravation des crises que connaît la Turquie dans son environnement régional. Le régime turc a mis le pays dans un état de crise chronique avec les principaux Etats du Golfe, l’Egypte, l’Irak et la Syrie. Seul le régime qatarien entretient de bonnes relations avec le pays.
Le président Erdogan a mis en péril les relations futures de son pays avec l’OTAN. Le ministre turc de la Défense a déclaré que l’achat de l’accord S400 ne représente pas un changement dans la position stratégique du pays. Mais les relations entre la Turquie et l’Atlantique sont en jeu.
Il n’est plus possible de parler d’une relation turque normale avec le reste de l’alliance. Il est vrai que l’OTAN traverse une crise d’identité. Depuis la fin de la guerre froide, l’Alliance a cherché à jouer un rôle réel et n’a pas joué un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme. Mais l’adhésion de la Turquie est un facteur stratégique important dans ses relations avec l’Europe.
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