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Le Bénin met fin à la vente d’essence frelatée, au détriment de nombreux habitants

Le nouveau président de la République du Bénin, Yayi Boni, élu il y a presque trois mois, semble décidé à mettre fin au commerce de kpayo, l’essence frelatée. Cette interdiction aura de graves conséquences pour la population qui gagne sa vie avec ce commerce illicite.

Après quelques décennies sous le joug du président Mathieu Kérékou, l’ex-dictateur « communiste » reconverti en président élu au milieu des années1990, le Bénin a maintenant un nouveau président, Yayi Boni, élu il y a presque trois mois. Quelques semaines après sa rentrée en poste, Yayi Boni semble décidé à mettre fin au commerce de kpayo, essence frelatée vendue illicitement sur les rues et routes du Nord au Sud de la République du Bénin (photo). À partir du 15 juin, une loi prohibera définitivement ledit commerce. Les raisons de l’interdiction se justifient, entre autres, par le danger entraîné par la manipulation de l’essence. Plusieurs accidents touchant des vendeurs et des véhicules sont survenus, au cours des dernières années.

Quand je suis allée au Bénin, j’ai été impressionnée du nombre de points de vente d’essence frelatée sur les rues et routes béninoises. On peut les trouver pratiquement tous les 50 mètres. Les vendeurs sont des femmes, des hommes et des adolescents. N’importe quel contenant en verre sert à conserver l’essence. Le client arrête sa voiture au bord de la route et le vendeur court, contenant à la main, tout dépendant de la quantité d’essence nécessaire.

Bien entendu que l’essence vendue dans la rue coûte trois fois moins cher que celle vendue à la pompe. Sans compter que très souvent il y a une pénurie d’essence. À plusieurs reprises, pour faire le plein d’essence, les gens sont obligés d’essayer plusieurs stations-services pour trouver du carburant. Ce ne sont pas juste les gens les plus démunis qui achètent l’essence frelatée. Ce n’est pas rare de voir de grandes voitures 4 X 4 au bord des routes en train d’acheter ce type d’essence.

L’essence vendue au Bénin vient du Nigéria, pays dont les réserves de pétrole sont très importantes. Près de la ville de Porto Novo, proche de la frontière du Nigeria, on peut voir en plein jour une seule moto transporter 10 énormes bidons en plastique pleins d’essence. Ces motos sont tellement chargées qu’on a du mal à voir le chauffeur.

Mais le transport d’essence ne se fait pas seulement par voie terrestre. Même la lagune de Ganvié, village lacustre formé au XVIIIe siècle dont la localisation avait pour objectif la défense pour fuir les razzias commandées par le Royaume du Dahomey, sert de route aux trafiquants (photo).

On peut dire qu’une bonne partie de l’économie du pays vit autour du trafic d’essence et que des milliers des personnes gagnent leur vie ainsi. Les petits comptoirs aux bords des routes et des rues partagent l’espace avec d’autres tables où on vend des beignets, des fruits et toutes sortes d’aliments et de produits. De plus, il faut rappeler que le transport collectif urbain et interurbain au Bénin se fait essentiellement par taxis-brousse et taxis moto (les zémidjans), car au Bénin il n’y a ni autobus, ni train (photo).

Lorsque le président a annoncé telle interdiction, il a affirmé que son plan était de réaliser une « révolution verte », dans le meilleur style « communiste ». Il souhaite que la population se tourne vers l’agriculture. Or comment les trafiquants et les vendeurs feront-ils pour devenir des agriculteurs en si peu de temps ? Quitteront-ils la ville, avec ses facilités, pour retourner aux villages ? Recevront-ils des terrains pour planter ? Quelles sont les conditions offertes aux gens pour qu’ils puissent changer soudainement d’activité ? Pour autant que je sache, aucune. Comme le président a affirmé qu’il n’utiliserait pas de méthodes violentes pour faire appliquer la nouvelle loi, la seule chose que je puisse conclure, c’est qu’un tel changement, sans verser la moindre forme de compensation aux trafiquants et vendeurs, restera juste sur papier, car une grande partie de la population n’aura plus de quoi vivre.

(Photos : Ana Lucia Araujo, Porto Novo, Bénin, 2005)

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5 réactions à cet article    


  • Adolphos (---.---.59.170) 8 juin 2006 17:01

    Encore un exemple de l’échec de l’économie d’Etat...


    • Gromit (---.---.80.231) 11 juin 2006 18:35

      Au contraire. Cet exemple montre bien que c’est entre autres cette politique du « moins d’Etat » promue depuis une décennie par l’OMC au travers des Plans d’Ajustement Structuraux qui a ruiné et complètement destructuré l’agriculture locale.

      Il faudra bien revenir sur ces plans de désengagement de l’Etat dans l’activité stratégique pour un tel pays (l’agriculture), si on veut un jour revenir vers une indépendance agricole d’un de ces pays qui a des grandes surfaces de cultures complétement laissées à l’abandon. Donner moyen de subsiter par le travail agricole aux populatiosn locales sera le meilleur levier de lutte contre le marché noir d’essence.


    • L’etat Benin se prend pour le prince (---.---.115.129) 9 juin 2006 01:16

      Re:Adolphos. Vous trouvez des citoyens des Etats Unies dire : "En Afrique apres la guerre froide les dictatures dirigees par Moscou sont devenues des democraties florissantes".Et en Benin( Adolphos a raison ) l’interdiction aux gens de se servir soi-meme de l’essence ? Un etat qui se prend pour le prince ? Un Leviathan qui mange ses enfants !


      • Gromit (---.---.80.231) 11 juin 2006 20:34

        Le trafic d’essence n’est qu’un pis-aller économique trouvé pour une population confrontée au chômage massif et à la misère. Et quel a été un des facteurs essentiels de cette paupérisation du pays ?
        — - > les P.A.S. (Plans d’ajustement strucuraux) imposés par l’OMC qui préconisaient la fuite en avant du désengagement de l’Etat dans les affaires agricoles. Le résultat il est là : Moins d’Etat, déliquescence de l’agriculture, marché noir de l’essence en substitut de revenu.

        ceci dit, je suis d’accord, l’interdiction en soit du trafic d’essence ne résoudra pas les problèmes si elle n’est pas accompagnée de mesures économiques concrètes.

        Mais là, malheureusement, ce pauvre président semble bien dépourvu de moyens tellement il y a de voyants d’urgences allumés au tableau de bord de son pays.


      • mickael 3 mars 2014 12:31

        Je trouve que la décision de mettre fin à cette vente est à double tranchant.


        En effet, la vente d’essence au Benin était une source de rémunération voir un « emploi » pour les vendeurs. Ceci étant, on dénombrait beaucoup d’accidents.

        Après il faudrait trouver une alternative pour que l’essence arrive correctement pour alimenter les taxi moto qui font offices des seuls transports aux communs du pays. Et trouver des emplois aux habitants.

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