Et si, de ce triste portrait des Etats-Unis, un point commun liait bien des dérives ? Car finalement, ce qui lie ces inégalités colossales, ces services publics (éducation, santé) privatisés, si chers et si dysfonctionnels, cette démocratie sous influence et cette société de la défiance, c’est une société devenue profondément oligarchique, comme dénoncée par ses promoteurs mêmes.

Des 1%, par les 1%, pour les 1%
En effet, ce qui est frappant,
c’est que les inégalités sont à des plus hauts historiques,
tout comme les profits des entreprises, dépassant les records de 1929. Quel meilleur signe d’une société oligarchique que d’avoir
une infime élite qui s’accapare toute la création de richesse, tout en appauvrissant une majorité de la population ? Ce phénomène recouvre une double réalité. D’abord, l’évolution effarante des revenus :
depuis 1973, ceux des 90% les moins riches ont baissé de 13%, quand ceux du 1% le plus riche ont monté de 187%. Ensuite, l’explosion des profits des entreprises,
au point que même The Economist s’est inquiète de leur niveau excessif plusieurs fois depuis cinq ans.
Dernier signe de ce caractère oligarchique :
la dernière présidentielle qui a vu s’affronter une ancienne première dame et un milliardaire, dans une classe politique dont le caractère parfois dynastique n’est pas le signe des démocraties les plus saines. Les Etats-Unis sont plus que jamais devenus le pays des 1%, dirigé par les 1% (
Trump n’en étant que la version excentrique), pour les 1%.
J’en profite pour adresser une pensée à Feliz, chauffeur de taxi d’origine vénézuélienne, installé depuis des décennies aux Etats-Unis, qui m’a conduit de Manhattan à l’aéroport vendredi, avec qui j’ai eu la chance de discuter politique pendant une bonne heure et demie. Un homme très ouvert et intéressant dont le constat était étonnamment proche de celui que je fais depuis quelques jours sur les aspects économiques.