Le chaos africain, Parole de femme, « L’aide fatale »
Dans le Nord du monde, ils se groupent autour d’une table. Ils mangent des sucres lourds et des animaux gras en s’appelant « cher ami », puis succombent étouffés dans leur graisse en disant "docteur, docteur ".
Dans le sud du monde, ils sucent des cailloux ou des pattes de vautours morts et meurent aussi, tout secs et désolés, et penchés comme les roses qu’on oublie d’arroser.
Pierre Desproges
Pour faire simple, les gros mangeurs du nord entretiennent une situation diabolique qu’ils partagent avec les responsables et systèmes politiques africains qui s’inspirent des pays en difficulté.
La mauvaise graine pousse sous toutes les latitudes et s’exporte très bien.
Tous ces gens qui font des métiers publics sont des vendus. Manu di Bongo, lui-même, n’est pas blanc-blanc.
Dieu merci il existe des femmes de qualité qui ont un regard vrai, un raisonnement juste...
Dambisa Moyo est l’une d’entre elles.
Née en Zambie ou elle passa son enfance. Diplômée en économie d’Oxford et de Harvard. Elle a travaillé pour la Banque mondiale avant d’entrer chez Goldman Sachs. Le magazine Time l’a choisie parmi les femmes les plus influentes de notre époque.
Dans son livre provocateur et implacablement documenté, L’aide fatale, Dambisa Moyo affirme que l’assistance financière a été et continue d’être pour une grande partie du monde en développement un total désastre sur le plan économique, politique et humanitaire. Entre 1970 et 1988, quand le flux de l’aide à l’Afrique était à son maximum, le taux de pauvreté des populations s’est accru de façon stupéfiante : il est passé de 11% à 66%. Pourquoi ? Adressée directement aux gouvernements, l’aide est facile à subtiliser, elle encourage la corruption à grande échelle et fragilise le pouvoir, objet des plus vives convoitises. Plus grave encore, l’aide sape l’épargne, les investissements locaux, la mise en place d’un vrai système bancaire et l’esprit d’entreprise. Dambisa Moyo propose une série de mesures souvent assez radicales pour sortir de cette spirale. On comprend pourquoi son livre a suscité de si vives réactions et débats au Nord comme au Sud et au cœur des institutions financières nationales et internationales.
Décidément les femmes sont vraiment stupides, elles ne comprennent rien aux affaires, l’islam a tout compris...lui qui les bride et les emprisonne depuis le début des temps. Et des pingouines en burqa qui en redemandent.
Cette brillante universitaire, africaine de surcroit, a soutenu devant un auditoire de chercheurs, gestionnaires de fonds, banquiers, universitaires et journalistes « qu’aucun pays au monde ne s’est développé avec l’aide uniquement ». « L’aide pour l’aide n’existe pas » dans tous les cas. Et, avec la crise actuelle et la dépréciation des principales devises internationales, les pays africains devraient comprendre que l’investissement direct étranger diminuera.
Décidément les financiers, étendent et développent leurs funestes perspectives sans issue. Maintenant l’Europe, édifice étrange et fascinant. Navire colossal jailli des conflits mondiaux meurtriers, échoué au milieu d’une terre douloureuse et convulsive sous le choc d’un étrange présage... Nautilus explosé avec ses quatre mâts, sa voilure brisée et sa coque envahie par des plantes spéculatives omnivores. Apparition étrange et fantasmatique, à mi-chemin entre la vie paroxystique et la mort la plus troublante. Mâles et sales pouvoirs financiers.
Et les rêveurs de surenchérir avec leurs petits bras et leur coeur d’enfant :
Soyez prévenus vieillards
Debout les femmes,
les femmes émancipées surtout,
les burqas et voilures au musée,
Carnavalet ou de la marine
debout les femmes libres
pour penser et bâtir demain.
Nous revenons à notre africaine issue de l’enfer du machisme, écoutons Dambisa Moyo :
« Il faudrait donc que l’Afrique puisse profiter de cette crise pour inventer son développement et ne pas rester à attendre et à espérer un hypothétique sauvetage de son économie par les puissances mondiales qui elles-mêmes cherchent à se sauver. »
Innover en recherchant les voies et moyens d’offrir aux marchés internationaux des produits transformés utiles et nécessaires. Même si le discours ambiant répète à loisir que l’Afrique ne doit pas être oubliée par les pays développés, on se rend compte, dans les faits, que très peu d’actions concrètes ont été prises ces derniers mois pour aider l’Afrique. Mme Okonjo-Iweala, directrice de département à la Banque mondiale, demandait récemment au Forum économique de Davos que les pays développés octroient 0,7% de leur plan de relance économique à l’Afrique. Mais aucune réaction n’a été enregistrée après cette déclaration.
Profiter de la crise.
L’Afrique a des atouts. D’abord un taux de croissance moyen qui, ces sept dernières années, tournait autour de 7% par an. Ensuite la multiplication des bourses de valeurs africaines, au nombre de 23 à présent. Une plus grande stabilité politique avec des démocraties de plus en plus viables même si des problèmes demeurent dans certains pays.
Rejeter l’aide basée sur le show-business
Dambisa Moyo fait une genèse de l’aide depuis 1800 jusqu’à nos jours passant en revue chaque fois la caractéristique majeure de l’aide suivant la période. Par exemple, l’aide sous les cinq ans du plan Marshall, après la deuxième guerre mondiale, était axée sur la reconstruction de l’Europe. Alors qu’en Afrique l’aide est axée sur le développement, ce qui est un anachronisme. Dans les années 40-50, l’aide en faveur de l’Afrique visait l’établissement des grandes infrastructures comme les routes et les chemins de fers. Ensuite, dans les années 70, il fallait lutter contre la pauvreté. Dans les années 80, il s’agissait de soutenir l’initiative privée. Dans les années 90, le thème de l’aide portait sur la bonne gouvernance. Et, depuis 2000, l’accent est mis sur l’intervention des stars (Bono, Angelina Jolie, Bob Geldorf, Madonna…) et autres vedettes qui viennent s’apitoyer sur le sort de l’Afrique pour mobiliser l’aide. Ce qui est dommage, dira l’économiste zambienne, déclenchant les applaudissements de l’audience, une centaine de personnes triées sur le volet pour leur intérêt au thème du jour.
Pour Dambisa Moyo, l’aide en tant que solution pour engendrer la croissance et lutter contre la pauvreté en Afrique a échoué. En effet, des trillions de dollars ont été investis en Afrique sans grand succès. La corruption reste toujours un problème, l’espérance de vie faible, et l’on pourrait continuer cette liste d’indicateurs économiques pas encore satisfaisants sur le continent. Elle donnera encore cet exemple frappant : « Il est plus cher et plus difficile de transporter un bien d’Addis Abbeba sur Abidjan que de transporter ce même bien de Tokyo à Abidjan ». Près d’un demi-siècle après les indépendances africaines, on en est encore là : le commerce intra-africain est dérisoire, malgré la mise en place, ces derniers jours dans la capitale éthiopienne, d’un embryon de gouvernement africain tiré par le guide libyen Mouammar Kadhaf.
La Zambienne est catégorique, « l’aide ne marche pas sur le continent ». Et donc, pour elle, il faudrait que les pays africains cessent de gaspiller leurs ressources en allant participer à des rencontres comme celles de Doha où l’on discute du commerce international, car les gouvernements des pays occidentaux qui y participent représentent les intérêts de leurs électeurs et n’accepteront jamais de modifier les termes du commerce international en faveur des pays africains. Car il faut bien qu’ils protègent et défendent leur base électorale pour pouvoir se faire réélire.
« L’Afrique doit donc inventer son développement, et ne plus penser que l’aide est la solution . »
Célestin Monga :
Comme l’Europe, l’Afrique connait des problèmes institutionnels et de gouvernance, l’inefficacité des systèmes bancaires et financiers, la faiblesse de la productivité, etc. Mais elle n’a pas le monopole de ces difficultés-là.
Pourquoi lui est-il plus difficile de s’en émanciper que les autres ? Parce qu’elle souffre de quatre déficits sévères d’ordre méta-économique : déficit d’amour-propre et de confiance en elle-même ; déficit de leadership ; déficit de savoir et de connaissances ; déficit de communication et d’échange, de connexion à la conversation globale. C’est pourquoi le travail sur les mentalités, proposé par des auteurs comme Cheikh Anta Diop, Fabien Eboussi Boulaga ou Jean-Marc Ela sont essentiels.
49 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON