Le combat de la presse algérienne
Le 3 mai 2006, la famille de la presse des quatre coins du monde célébrera les 16e journées de la liberté de la presse. L’Algérie, pays des contradictions et des retours de situation du pouvoir en place, n’a jamais "digéré" cette presse libre qui était montrée en exemple pour sa liberté de ton aussi bien dans les pays du Maghreb que dans le monde arabe. Après les émeutes d’octobre 1988, l’Etat-parti du FLN était contraint de "déverrouiller" l’espace de communication, et a laissé une kyrielle de journaux à paraître sur les étals des kiosques et buralistes. C’était sans compter les groupes islamistes et la censure des gouvernants, qui voyaient d’un mauvais oeil toutes ces observations et critiques de journalistes et de ces nouvelles plumes qui s’en donnaient à cœur joie dans leurs articles et reportages. De peur que cette contagion n’arrive dans leurs pays, nombre de chefs d Etats arabes et rois n’hésitaient pas à exercer des pressions sur ce pays pour neutraliser cette presse qui mettait aussi à nu ces pouvoirs obsolètes et corrompus.
A l’aube du terrorisme barbare islamiste, la presse écrite a perdu un des symboles de cette presse pionnière en la personne de Tahar Djaout, journaliste, poète et écrivain. En ce 26 mai 1993, date de l’attentat, les journalistes algériens allaient vivre une des situations les plus dramatiques que la presse internationale ait connues depuis la Seconde Guerre mondiale : assassinats en série, kidnappings, menaces, exils, etc. Dès l’arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême de l’Etat, cette presse connaît une autre forme de répression : emprisonnements, amendes, liquidation de journaux, etc. On assiste actuellement à un véritable bâillonnement de journaux qui restent aujourd’hui le seul contre-pouvoir face à l’immobilisme des partis politique et de la société civile, qui se morfondent dans un profond coma politique. Alors que Mohamed Benchicou, primé par ses pairs en Espagne et aux USA, va boucler sa deuxième année de prison à El Harrach (Alger), et que le journal Le Matin, connu pour son engagement démocratique et patriotique, a été suspendu, une dizaine de journalistes et correspondants de presse comparaissent chaque mardi devant les juges pour diffamation, troubles de l’ordre public, incitation au désordre, etc.
Actuellement la communauté internationale, notamment l’Union européenne, n’a jamais contraint le pouvoir algérien à respecter les traités et les accords internationaux signés en matière de liberté de la presse, malgré l’appel des organisations et des syndicats des journalistes basés aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Faut-il comprendre que ces gouvernements ne veulent pas froisser les bonnes relations avec l’Algérie, qui engrange actuellement plus de 6o milliards de pétrodollars, et qui est devenue un vaste chantier d’investissements ? Bien que ce pays ait toujours interdit la création de chaînes de radio et de télévision privées, ces "tabakhet el hamam" (les laveuses des bains maures) -comme les a qualifiées Bouteflika lors de son arrivée au pouvoir- n’ont jamais baissé les bras, et continuent à combattre, la plume à la main. Ces journalistes ont toujours pour devise la célèbre citation du regretté Djaout : "Le silence, c’est la mort... Et toi, si tu parles, tu meurs... Si tu te tais, tu meurs... Alors, parle et meurs !".
30 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON