Le coup d’après
En aéronautique, cela s’appelle « courir après l’avion », en Politique Internationale, ça s’appelle être à la ramasse. On dit qu’un pilote « court après son avion, lorsqu’au lieu de le guider, il réagit par des actions improvisées et souvent inappropriées au comportement de l’avion qu’il ne comprend plus. Inutile de vous dire que dans neuf fois sur dix, cela se termine par un crash.
C’est pourtant ce comportement qu’ont désormais adopté les pays occidentaux, dans un monde hostile. Dans un monde de joueurs d’échecs de calculateurs froids, nos leaders sont incapables de prévoir le coup d’après.
Improvisations sur improvisations
A chaque nouvelle action entreprise par les Occidentaux, je frémis. D’où cela sort-il ? Comment en est-on arrivé là ? Comment la première puissance au monde et ses alliés ont-ils pu en être réduits à… jouer les pompiers ! Pas les pompiers pyromanes, puisqu’eux mettent le feu volontairement. Je dirai plutôt les idiots-pompiers.
En Iraq comme en Syrie.
Après avoir envahi l’Iraq, l’Amérique échoue dans sa tentative de formater le pays. Que va-t-elle faire ? Elle s’en va. Sans autre forme de procès. Débrouillez vous. Washington n’a pas cherché à anticiper ce qui allait suivre son départ et à se positionner en conséquence. Le gouvernement irakien qui avait compris qu’il allait être laminé, ce qui s’est produit, c’était opposé en ce temps à ce départ, dans ces conditions, en vain.
Sans l’intervention salvatrice de la Russie, le scénario était répété en Syrie. Pas tel quel, en pire, sans passer par la case « tentative de contrôle ». Il était alors juste question de « punir » Bachar (qui n’était pas coupable) des attaques chimiques, de saccager… et de repartir. Nous n’avions même plus fait l’effort, comme en Iraq de prévoir qui succéderait à Bachar ! Pourquoi faire ?
Abandonnés au monstre qui nous échappe.
Nous avons bien compris que les Etats-Unis voyaient que ces actions confortaient les Islamistes Sunnites et avaient choisi de les aider, en leur sous-traitant en quelques sortes leur départ, M. Obama privilégiant l'Asie.
Las, les fameux Islamistes Sunnites n’ont pas fait exactement ce que les Américains attendaient. Les massacres et la fuite des Chrétiens et des Yazidis avec l’émotion qui l’accompagne puis l’atroce égorgement du journaliste, tout cela n’était pas prévu au programme. Comme n’était pas prévu que l’Iran et le Hezbollah allait jouer les empêcheurs de chiiter en rond !
Ce qu’il fallait faire, ce que savaient faire nos grands parents
Normalement, un gouvernement censé, à Washington, aurait du face à cela, reconsidérer la situation, reposer la question : faut-il ré-intervenir, avec qui passer alliance, pas seulement pour résoudre les problèmes immédiats comme la fuite des Chrétiens, mais pour construire l’avenir, bref avoir une vision à moyen et long terme !
Comme en 1941, quand ils sont entré dans le second conflit mondial, les Etats-Unis ont sciemment choisi de s’allier avec l’URSS, fut-elle une dictature, pour construire avec elle l’avenir, prévoir l’après nazisme, il eut été judicieux qu’ici les Américains répondent tranquillement de manière reposée la question : avec qui s’allier et préparer l’avenir et quel avenir !
Une telle réflexion si elle avait été menée aurait rapidement abouti à la conclusion qu’il fallait s’allier ou au moins conclure un modus vivendi avec la principale puissance de la région depuis 2.500 ans : l’Iran ! Pour passer un tel accord, il n’était absolument pas nécessaire de partager aucune des convictions du régime iranien. Est-ce que Roosevelt partageait l'idéologie de Staline en 1941 ? Et de toutes façons aujourd’hui les Etats-Unis sont alliés avec l’Arabie Saoudite qui ne vaut pas mieux que l’Iran et même beaucoup moins.
Au lieu de celà
Mais cette question de l’avenir n’a jamais été posée. Les Etats-Unis ont renoncé à avoir un plan à long terme. C’est fâcheux quand on est la première puissance mondiale !
Les Chrétiens sont poursuivis ? Armons les Kurdes !
Le Califat Islamique avance dans toutes les directions ? Allions nous avec Bachar El Assad qu’on voulait pendre haut et court, il n’y a pas un an !
Et demain ? Inch allah !
Peut être le Califat décidera-t-il de vivre en paix à côté d’Israël (calcul politique loin d’être absurde) et alors… les Etats-Unis le trouveront de nouveau fréquentable (quitte par exemple à ce que celui-ci fasse fusiller l’égorgeur pour donner le change, je pense qu’ils n’en sont pas à la vie d’un de leurs hommes, prés) et décideront de se retourner de nouveau contre l’Iran !
Il n’y a pas de ligne conductrice. On est dans le raccommodage permanent ! C’est affolant. C’est affolant parce que ça se termine toujours par un crash !
Et aussi en Ukraine…
Les choses se sont passées de la même manière en Ukraine. On a voulu faire adhérer l’Ukraine à l’UE, on a attisé les tensions et on lui a fait perdre définitivement la Crimée ! Au lieu de s’arrêter là, de réfléchir et de sortir par la seule voie possible celle de la fédéralisation de l’Ukraine qui aurait garanti le total respect des minorités, on a laissé Kiev démarrer sa guerre – car l’agression est bien venu de là – sans rien dire ! On a subi !
…comme face à la Russie.
Comment a-t-on géré la réaction russe ? Au lieu de négocier, on a « sanctionné ». Je n’aime pas ce mot, car la Russie n’a commis aucun crime en Ukraine. Disons qu’on a tapé comme des sourds contre l’économie russe sans se préoccuper le moins du monde des conséquences de nos actions !
Il aurait pourtant suffit de lire Federovski qui connaît bien Poutine pour savoir que ce dernier aller répondre coup pour coup : alliance de la Russie avec la Chine, embargo russe contre les produits européens. Voilà deux actions qui n’ont absolument pas été anticipées.
Des gouvernements occidentaux qui partent en vrille…
On a l’impression qu’en Occident, tous nos dirigeants sont à l’Ouest. Il n’y a plus personne à la manœuvre. On arme quelqu’un et puis après quelqu’un d’autre, peu importe que les premières armes distribuées se retournent contre nous. M. Obama décide de choses aussi grave que des bombardements comme un super marché décide de faire des promos, pour se donner un peu d’oxygène, absurde.
Il y a pire qu’une mauvaise politique étrangère, c’est pas de politique étrangère du tout.
…dans la plus complète autosatisfaction.
Et dans ce fatras, dans ce grand n’importe quoi, Hollande qui ne craint pas le ridicule ne songera pas une seconde à changer son ministre des affaires étrangères : Laurent Fabius.
On ne change pas une équipe qui perd !
Et le gagnant est :
Pendant ce temps là, les états structurés, capable d’avoir une vision à moyen et long terme, la Russie, la Chine, l’Iran formatent le monde… sans nous.
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