Le désir de transformation sociale – retours sur la révolte libyenne

Comme si le droit des peuples à disposer d´eux-mêmes avait presque un sens dans un pays qui n´est pas aidé par le monde extérieur coincé entre protestations morales et souci de stabilité dans le pourtour méditerranéen. D´ailleurs, c´est l´Union pour la Méditerranée qui en prend un coup dans ces effusions révolutionnaires, la Libye en était une pièce maîtresse surtout pour stopper les tentatives d´immigration massive que l´Europe craint. Cet ensemble géopolitique qui n´avait à vrai dire que peu de consistance, se retrouve modelé : si l´Union pour la Méditerranée a un sens, elle l´aura que si elle est constituée de gouvernements légitimes entrant dans un dialogue Nord-Sud équilibré.

La révolte libyenne montre que même dans un pays où les forces de répression sont assez puissantes, il est possible de manifester. Certes, la dictature libyenne n´est pas solidement ancrée dans toutes les villes du pays et revêt somme toute une réalité clanique, mais la révolte en passe de devenir une révolution illustre le principe machiavélien selon lequel la plus puissante armée du monde ne peut étouffer le sentiment de liberté. Le temps des dictatures ne renforce pas l´apathie des masses bien au contraire. Les prochaines semaines révéleront les contours de ce désir collectif de transformation sociale qui naît dans cette région du globe. Il y aura des lendemains difficiles et l´Europe devra être à la hauteur pour accompagner ce désir et ne pas se réfugier dans une realpolitik indécente de la stabilité.

Respectons jusqu´au bout cette émancipation d´autant plus que le peuple libyen trouvera lui-même les moyens de dessiner une nouvelle période politique. Oui, l´Union pour la Méditerranée a été conçue très tôt avec des régimes non légitimes peu soucieux du sort de leurs populations. Dans quelques mois, il faudra sans doute redistribuer les cartes et entamer de nouvelles négociations pour fonder une union plus représentative des peuples du pourtour méditerranéen. On pourra traiter d´égal à égal entre des régimes plus légitimes, même s´ils auront inévitablement une structure oligarchique. La Méditerranée va mal entre des pays européens touchés par la crise financière et l´absurdité d´un système économique qui n´a pas fini d´agoniser et des pays maghrébins en quête de régimes politiques leur donnant une véritable voix à l´extérieur. La révolte et bientôt la révolution libyenne montrent une rapidité étonnante de l´effondrement de ces régimes en proie à une corruption inimaginable.