Le harcèlement sexuel subi par les femmes en Égypte : des vidéos, un reportage, un film décrivent le « pétage de plomb » des hommes égyptiens

Avec la diffusion du film du cinéaste Mohamed Diab "Les Femmes du bus 678", le harcèlement sexuel des femmes en Égypte réapparaît sous la lumière crue des projecteurs.
Le harcèlement sexuel, un fléau qui pourrit le quotidien des Égyptiennes. "Les femmes sont constamment soumises à des violences de type harcèlement et abus sexuels dans la rue et 97 % des femmes égyptiennes sont victimes de mutilations sexuelles", dénonce, dans un rapport, le Centre égyptien pour les droits des femmes (ECWR). Selon ses statistiques 83% des Égyptiennes et 98 % des étrangères ont été victimes de "taharrouch" (harcèlement) et l’on compterait 55 viols par jour.
Pourtant, le sujet est longtemps resté tabou. Ce n'est qu'à la suite de la diffusion sur internet de vidéos montrant des groupes d'hommes se livrer à de véritables chasses aux femmes dans les rues égyptiennes que le pays à relativement pris conscience du problème (voir vidéo ci-dessous).
Alors les langues se sont déliées et des associations se sont constituées pour dénoncer ce terrible fléau dont la cause première est la frustration sexuelle.
Lors de la révolution égyptienne, c'est le monde entier qui a découvert l'étendue de la frustration sexuelle des hommes égyptiens. Trois femmes journalistes occidentales, Lara Logan, Caroline Sinz et Mona Heltahawy, ont été toutes trois agressée sexuellement alors qu'elles couvraient les événements de la place Tahrir.
La correspondante à l'étranger de la chaîne américaine CBS, Lara Logan, a subi une agression sexuelle le 11 février 2011, qui a duré une quarantaine de minutes, menée par un groupe de deux à trois cents hommes. Elle l'a décrite au New York Times en ces termes : "Pendant un temps très long, ils m'ont violée avec leurs mains".
La journaliste de la chaîne France 3, Carole Sinz, a elle aussi été agressée par une meute de jeunes et d'adultes qui l'ont tabassé, arraché ses vêtements et qui ont procédé à des attouchements répondant "à la définition du viol". Cela a duré environ trois quarts d'heure jusqu'à ce qu'on puisse l'extraire. "J'ai cru que j'allais mourir", a-t-elle dit.
Quant à l'éditorialiste américano-égyptienne, Mona al-Tahawy, alle a été arrêtée sur la place Tahrir, et avant d'être libérée elle a été agressée sexuellement par des policiers. "Cinq ou six policiers m'ont touché et pincé les seins ainsi que mes parties génitales" a-t-elle raconté.
Le 16 février 2012, France 2 a diffusé dans son émission "Envoyé spécial" un reportage sur le harcèlement sexuel en Égypte édifiant. Un des interviewés de ce reportage expliquait, selon lui, que ce fléau était du à la pauvreté qui faisait que les Égyptiens ne se mariaient plus avant l'âge de 30 ans. Jusqu'à cet âge-là, les hommes n'ont aucune vie sexuelle équilibrée en raison des interdits sociaux et religieux.
Ces interdits sont les préceptes d'une société d'un extrême conservatisme où le fondamentalisme religieux pèse d'un poids énorme. Autrefois les femmes étaient voilées quand, dans les années trente, elles furent les premières du monde Arabe à arracher leur voile. Les jeunes hommes entre 15 et 30 ans doivent museler leur libido et fantasmer sur les femmes qu'ils croisent ( ICI les vidéos de l'émission à visionner : partie 1, partie 2, partie3)
Cependant même le port du niqab préconisé par les islamistes pour enrayer ce fléau ne met pas à l’abri des ardeurs libidineuses. Selon eux (les islamistes) les femmes sont seules responsables de cet état de fait. Le prédicateur égyptien Saad Arafat a analysé à sa façon le phénomène.
En juillet 2010 il a déclaré sur la chaîne Al-Rahma (la pitié) dans une émission religieuse divulguée par Memri.TV. (ICI la vidéo de cette émission traduite en anglais) : “Si une femme est assise dans un bus ou tout autre moyen de transport, elle est harcelée par l’homme à sa droite ou l’homme à sa gauche”, je dis aux femmes : "Vous êtes la cause et la raison de cette situation" Une femme peut dire : "Mais je suis sortie revêtue du niqab ou du hijab. Je n’ai rien fait." Mais je réponds : "Tu es peut-être sortie revêtue du niqab, mais tu es peut-être sortie sans raison et Allah a envoyé un démon pour te faire du mal, parce que tes yeux se promènent à droite et à gauche." ; édifiant !
Puis a été diffusé en Égypte, un mois avant la chute de Hosni Moubarak, le premier long métrage de Mohamed Diab "Les femmes du bus 678". Le film se déroule au Caire,il suit trois femmes, Fayza, Seba et Nelly, toutes issues de milieux sociaux différents,et qui toutes ont été agressées notamment dans le bus 678.
Fayza est une mère de famille voilée (interprétée par Bushra Rozza, star nationale méconnaissable), qui est obligée de prendre le bus tous les matins pour se rendre au bureau. Comme les autres passagères, elle y subit en silence les mains baladeuses de congénères masculins.
Seba est une bourgeoise émancipée, qui donne des cours d’autodéfense pour femmes, jusqu’au jour où elle se fait violer par une meute de supporters, à côté de son compagnon.
Quant à Nelly, elle se bat contre sa famille pour pouvoir porter plainte contre celui qui l’a agressée dans la rue.
Les trois femmes qui n’auraient jamais dû se rencontrer décident ensemble d’utiliser la violence pour punir les harceleurs.
Dans ce film le harcèlement est montré comme un phénomène banal, récurrent. Mohamed Diab évite les clichés, en montrant conjointement les inégalités et l’ampleur sociale du phénomène (Seba peut faire son footing cheveux au vent, tandis que Fayza se couvre entièrement pour sortir dans la rue). Et celle qui semble être la plus passive est la première à se révolter.
Le film qui a été primé au dernier festival du Cinéma méditerranéen de Montpellier, nous décrit finalement les hommes comme de tristes victimes, victimes de leurs frustations, des codes de virilité et de l'honneur (Voir vidéo ci-dessous).
Mohamed Diab est diplômé d’une école de commerce et ancien employé de banque. Il est très connu sur Internet pour son engagement en faveur de la révolution du printemps 2011, Il incarne une nouvelle génération de cinéastes qui n’hésitent plus à braver les non-dits pour susciter le débat, dans un pays où l’on n’entend plus se laisser confisquer le droit à la parole.
Ce réalisateur signe ainsi une oeuvre d'avant garde, autant sur le fond que sur la forme, qui lui a valu trois procès.Car la sortie d’un film aussi explicite a suscité des remous en Égypte, et même des actions en justice pour "atteinte à l’image du pays", visant notamment à interdire l’exportation de l’œuvre, sans résultat d'ailleurs car le film sort en salle en France le 30 mai 2012. Il faut aller le voir.
Sources : New York Times, Le Point, Memri TV, Libération,
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