Le Maroc en chantiers
Des quatre coins du pays, le Maroc vit une situation nouvelle : ça bouge ! Et non seulement ça bouge, mais ça a l’air d’aller vite et surtout d’être irréversible. Pour la première fois de son histoire, le PIB marocain a augmenté de 8,1 % en 2006 et 2007 ne sera pas mauvaise avec ses 5,5 % de prévision de croissance, malgré une année de sécheresse.
Pendant de longues années, plus de 30 ans, le Maroc somnolait. Souvent on entendait des ministres s’exprimer en privé : « Ce putain de pays ne veut pas décoller ! » Et pour cause, rien n’est fait pour.
Or, depuis 3 ans, le mouvement est sensible aussi bien aux autochtones qu’aux visiteurs étrangers : des chantiers aux quatre coins du pays. Plus que de simples chantiers, de véritables projets, grandioses par leurs enveloppes et par leurs effets d’entraînement sur l’ensemble de l’économie.
Le port de Tanger Med, agrandi avant même d’être achevé est une véritable ouverture du Maroc sur le commerce méditerranéen. Ce sera le plus grand port du Sud méditerranéen et d’Afrique/Moyen-Orient. De nouvelles zones franches s’y installent et accueillent de gros investissements, le dernier en date, celui de Renault d’un montant d’un milliard d’euros comprendra sa propre ligne de chemin de fer reliée directement au nouveau port.
Le réseau autoroutier, avec ses 1 500 km d’autoroutes reliant des villes autrefois presque enclavées. L’immobilier avec ses 200 000 logements annuels : un ancien rêve de Hassan II jugé « utopiste » à son époque par son propre ministre de l’Habitat, l’istiqlalien Saad El Fassi, et réalisé par son héritier au trône, le roi Mohammed VI et, ironie de l’histoire, c’est un autre istiqlalien, le dynamique Toufik Hjira, qui coiffe le ministère de l’Habitat. Pressenti pour être à la tête du futur gouvernement au cas où le parti de l’Istiqlal serait à la tête d’une coalition lors des élections du 7 septembre prochain.
Le paysage urbain est en plaine ébullition : des enveloppes colossales ont été affectées aux principales villes du royaume : corniches de Rabat et Casa, aménagements urbains à Agadir, Marrakech, Meknés, Fes, Ouda et Tanger. Même des villes autrefois bannies comme Nador et Alhoceima, ont reçu leurs lots de milliards de dirhams. Des villes nouvelles de 250 000 habitants chacune sont en cours de construction : Tamesma dans la périphérie de Rabat et Tamensourt aux portes sud de Marrakech.
Le tourisme y gagne. Marrakech affiche des taux d’occupation jamais égalés et l’objectif des 10 millions de touristes à l’horizon 2010 n’est plus un rêve, mais devient une possibilité réelle puisque durant l’année 2007, 7 millions de touristes auront visité le royaume boosté par un ciel ouvert et des tarifs au rabais.
Les investissements étrangers ont explosé : 25 milliards de dirhams (2,3 milliards d’euros) en 2006, et le pays affiche un attrait qui semble être continu et irréversible. De nouveaux métiers se créent : l’off shoring explose notamment dans la téléphonie et les métiers liés à l’informatique. La bourse affiche des résultats exceptionnels : 72 % de capitalisation boursière en 2006 et déjà près de 30 % de janvier à ce jour.
Les chantiers de construction démocratique ne sont pas en reste : refonte des institutions, y compris la modernisation de l’institution monarchique depuis l’accession de M6 (Mohammed VI pour les intimes) au trône, nouveau code de la famille, la « Moudawana » jugée « révolutionnaire » à son époque, code du travail, assurance maladie obligatoire, réconciliation avec un passé récent avec l’indemnisation de plus de 1 500 familles des victimes des années de plomb.
Alors, les partis politiques, au nombre de 33, avec des programmes souvent ambitieux auxquels la surenchère les a poussés malgré eux et pour la première fois de leur histoire, font figure de marionnettes tant le roi détient toutes les ficelles. Dans ces conditions à quoi sert le vote du 7 septembre ? Peut-être à être une énième transition démocratique et peut-être à consolider l’ensemble des institutions du pays. Mais le pays sait que rien de nouveau ne sortira des urnes. Tout ce qui se fait dans ce pays, c’est le roi qui le décide et le véritable gouvernement est un gouvernement de technocrates partisans qui exécutent et plus vite que par le passé les orientations royales. Quant aux islamistes, ils sont plus modérés que modérés pour ne pas dire plus royalistes que le roi. Pour quelques miettes ministérielles, ils sont prêts à se raser la barbe. Ce qui n’est pas pour déplaire, ni aux Américains, ni aux Français encore frileux il y a quelques mois à l’idée de leur possible victoire écrasante. Paradoxalement, plus on les diabolise et plus ils se modernisent et donc ils s’embourgeoisent et se banalisent. Le Maroc n’en finit pas d’être appelé le pays des contrastes. Des zones sombres demeurent présentes, malgré un réel effort pour les éclairer : pauvreté endémique, niveau de corruption en hausse constante, relative dépendance de la justice, analphabétisme et déperdition scolaire, habitat insalubre et spéculation immobiliaire, routes criminelles.
Mais pour la première fois depuis 52 ans d’indépendance, une réelle lueur d’espoir est née : le pays est en train, enfin, de décoller !
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