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Accueil du site > Actualités > International > Le modèle russe

Le modèle russe

La Russie a connu ces dix dernières années un redressement économique spectaculaire et exemplaire. Pourtant, elle revient de loin car, suite à l’implosion de l’Union soviétique à la fin des années 80, l’effondrement de son économie nationale et la succession des crises jusqu’en 1998 sont encore dans toutes les mémoires.

Ayant pourtant démarrée sous de bons auspices grâce à une reprise de la croissance, l’année 1998 devait elle aussi se révéler calamiteuse pour la Russie post-communiste qui se retrouvait en cessation de paiements à force d’avoir défendu la valeur du rouble dans un contexte de débâcle généralisée des marchés émergents. Depuis cette époque, la Russie croît annuellement à un rythme de l’ordre de 7 % et a même connu une croissance de 8,1 % en 2007 malgré la crise des subprimes. Les réserves de sa banque centrale, insignifiantes en 1998, se montent à présent à 480 milliards de dollars, au troisième rang mondial, son surplus budgétaire représente 6 % de son PIB, son excédent commercial a doublé en quelques années et son endettement est proche de zéro... Goldman Sachs qualifie de "remarquables" les performances russes pendant que l’UBS emploie le terme de "magnifique" !

L’émergence de géants comme la Russie, l’Inde ou la Chine, en bouleversant la donne planétaire, a permis de créer des nouvelles ressources se chiffrant par centaines de milliards de dollars tout en extirpant de la misère des dizaines de millions d’individus. Néanmoins, comme la seule évocation de la Russie - neuvième économie mondiale - rappelle trop la période de la guerre froide, l’étroitesse de vues de certains politiciens et analystes timorés les empêche de s’adapter au nouvel ordre mondial ! Le fait est que les entreprises étrangères se bousculent vers la Russie qui occupera prochainement une des premières places sur le podium des économies mondiales en dépit d’un rideau de fer qui ne persiste plus que dans les esprits angoissés de certains responsables politiques occidentaux. C’est pourtant à la Russie que nous devons de ne pas subir un pétrole à 150 ou à 170 dollars. En effet, ayant privé il y a trois ans l’Arabie saoudite de son titre de plus gros exportateur de brut, la Russie a basé son essor économique sur la multiplication par deux de ses exportations, tout en refusant de rejoindre le club de l’Opep. Ayant amorcé un virage qui l’éloignera progressivement de sa stricte dépendance à ses exportations pétrolières et gazières, la Russie attire à présent capitaux et multinationales et voit ses ventes au détail croître de 13 % l’an en termes réels, son taux de construction et son investissement domestique progresser respectivement de 16 % et de 20 % par an... Seule ombre au tableau, l’inflation y était de 12 % en 2007 car les prix alimentaires ont pris l’ascenseur à l’instar des autres pays émergents, mais la banque centrale russe, à contre-courant des autres banques à travers le monde, a récemment monté ses taux d’intérêt et autorisé au rouble à s’apprécier afin de limiter l’inflation importée. Certes, et comme dans tout système capitaliste naissant, corruption et pouvoir judiciaire faible minent le pays, mais un taux d’imposition sur les revenus de 13 % motive l’installation de plus en plus de banques étrangères et préside au dynamisme de régions telles que Moscou et Saint-Pétersbourg qui croulent sous le poids des marques et des produits étrangers.

Entre décembre 1999 et la fin de l’année 2007, la capitalisation boursière russe a progressé de 60 à 1 000 milliards de dollars. Cet essor, qui s’est construit depuis l’accession au pouvoir de Poutine en 1999, se poursuivra sans aucun doute avec le nouveau président Medvedev qui a promis de persévérer dans la voie du libéralisme, de la décentralisation et de la réduction d’impôts. Conscient des lacunes de ses dirigeants, la classe moyenne russe, de plus en plus nombreuse et de moins en moins politisée, recommence néanmoins à faire des plans pour l’avenir tout en bénéficiant d’augmentations salariales de 10 % l’an et d’un niveau d’éducation en constante amélioration. Mais les Russes, qui accèdent chaque année à la propriété par millions, apprécient par-dessus tout la stabilité économique et financière de leur pays.

Les détracteurs sont légion, mais la direction est pourtant limpide : la Russie s’est résolument engagée dans le libéralisme et exige, non d’annexer des territoires, mais de traiter d’égal à égal avec ses partenaires commerciaux occidentaux. Dans ces conditions, comment l’Occident peut-il justifier son refus d’admettre la Russie au sein de l’Organisation mondiale du commerce alors que la Chine en est membre ? Qu’on le veuille ou non, la Russie a progressé non seulement et bien sûr au niveau économique, mais également sur le front des libertés individuelles et il faut espérer que l’élection de Medvedev soit la dernière à s’être déroulée dans des conditions imparfaites. En attendant, le pays devra investir encore massivement dans son capital humain afin d’améliorer les systèmes de l’éducation et de la santé et, à ce titre, les 1 000 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures promis par M. Medvedev devront absolument être honorés. La Russie devra également faire l’apprentissage de la bonne gouvernance, facteur par excellence qui distingue les pays bénéficiant d’une productivité et d’une capacité d’innovation élevées.


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16 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 27 mars 2008 12:39

    Encore bravo pour cet article d’une grande qualité et surtout objectif sur la Russie

     


    • Nemo 27 mars 2008 12:48

      Bizarre, bizarre... Je me retrouve à plusser Lerma... smiley


      • alcofribas48 27 mars 2008 16:32

        Bonjour Michel.

        Je reconnais bien-là dans ton raisonnement le monde qui fut le mien dans les salles de marchés entre 90 et 97. Ah ! cet enthousiasme ! J’ai vécu les crises mexicaine, brésilienne, argentine, asiatique et russe.

        Domingo Cavallo, en Argentine, quel fin économiste avec son savoir-faire hors pair, la fin du PRI au Mexique et sa démocratisation à l’occidentale, ah ! Ponomarev en Russie !, la Thailande et sa sortie de crise boursière... - Tiens, la Thailande dont le PIB vu par le FMI ne distingue pas la part de la prostitution dans cet agrégat - . Dans l’international, tout va très bien, Mesdames les Marquises...

        J’ai fait des conversions de dettes contre equity (actions), des buy-back acrobatiques de dette sous-cotée, des rachats de créances pour peau de balle, etc... Les chiffres étaient toujours mirifiques avant et après les crises (pour les vautours), pas pendant. Non, pas de crise en vue en Russie, je l’espère, il y a le pétrole et les matières premières stratégiques. Raison de plus d’être vigilant pour la prunelle de nos yeux : la démocratie.

        Bon, ce que tu mentionnes, ce sont des chiffres présentés (peut-être) comme un hommage du vice à la vertu ! Il est clair que tu bosses avec (pour ?) la Russie, tu ne peux que voir l’avenir en rose (comme les assasins, cf. LF. Céline). C’est dur, mais je connais toujours des traders russes en Europe qui se font rémuner par des trusts à Chypre et qui ne voient qu’un avenir positif pour la Russie.

        Ben voyons, si la Chine est dans l’OMC, pourquoi la Russie n’y serait-elle pas ? Ben voyons...

        De mon modeste point de vue, la Russie, telle qu’incarnée en son pouvoir, ne montre aucun signe, si modeste soit-il, de prise en compte de la démocratie, "à la russe" ou autre). L’acceptation de cette réalité par le monde libéral montre, comme toujours, sa courte vue qui donne un clair encouragement aux autres pays candidats despotiques assis sur des matières premières. (Je vais regarder ce que dis le FMI de la Birmanie, par exemple).

        Je vois le Russie recommencer à jouer un jeu de grande puissance, bascule à droite, bisous à gauche, vente d’armes et de technologie militaire (diffusion d’uranium appauvri ?) aux pays les plus contestés de la planète, remugles de nationalisme ethnique (ex-Yougoslavie...). Difficilement chiffrable, n’est-ce pas ? Que dit le libéralisme de la politique de "Grandes Puissances" ? Ben ouais, c’est pas bien, mais c’est temporaire, vu que les chiffres sont bons et que demain, sera mieux ("la direction est limpide") ; celà s’appelle de l’utilitarisme. Puissamment raisonné. Adam Smith appliqué à la Russie, ça vraiment, ça me bluffe.

        Je comprends bien que le peuple russe ait encore à digérer le long passé stalinien qui l’a décervelé, je comprends bien aussi que la rente du pétrole va permettre au pouvoir de continuer à lui masquer sa réalité, mais je ne vois vraiment pas pourquoi il ne serait plus permis de dire (détracteur ?) que le roi est nu.

        Je regarde toujours les mains de Putine à la TV. Il a une manière de croiser les phalanges et de les rendres blanches à force de les serrer... C’est à frémir. Vu l’extrême vigilance du pouvoir à l’image, je ne pense pas que je sois parano. C’est un signe.

        Michel, je ne conteste pas l’argent que tu gagnes avec intelligence et ingéniosité pour des employeurs qui ne voient que les comptes, mais je pense qu’il y a un moment où le trader commence à ne plus bien dormir la nuit. Pour moi, la Russie tourne mal et je pense à mes amis russes qui en souffrent.

        Bien à toi.

        Alcofribas


        • Michel Santi Michel Santi 28 mars 2008 10:26

          Je ne travaille pas avec la Russie. Cependant, il est bon d’être parfois à contrecourant et de montrer ce qui "fonctionne" dans un pays comme la Russie. Après tout, nos sociétés occidentales ne sont pas nées "parfaites"...


        • Grasyop 29 mars 2008 18:31

          « montrer ce qui "fonctionne" dans un pays comme la Russie. »

          Sauf que votre article ne s’appelle pas « Ce qui fonctionne en Russie » mais « Le modèle russe » !


        • Philippe VIGNEAU 28 mars 2008 09:34

          vous dites : "Qu’on le veuille ou non, la Russie a progressé non seulement et bien sûr au niveau économique, mais également sur le front des libertés individuelles"

          vous devriez en parler a Kasparov, Politkovskia ou aux tchetchenes... je suis bien d’accord avec vous : ils meritent le meme traitement international que les chinois...

          sinon deux points :

          primo pas tres etonnant ce redressement russe, vu qu’ils sont maintenant les premiers producteurs mondiaux de petrole et dans les premiers mondiaux pour pas mal de matieres premieres...

          secondo, je ne comprends pas cette fascination malsaine envers des pays comme la chine ou la russie (voire les US), tout ca au seul motif qu’ils ont une croissance economique tres forte... c’est quand meme desolant de voir qu’on juge un pays au regard de sa sante economique... c’est comme si on jugeait des gens a leur voiture, c’est vraiment impensable... enfin pour moi.

           


          • Michel Santi Michel Santi 28 mars 2008 10:28

            Aucune fascination - en tout cas de ma part - vis-à-vis de la Chine ou de la Russie.

            Pourquoi considère-t-on ces pays systématiquement sous l’angle économique ? ...Eh Bien : L’époque où nous vivons est, vous le savez, dénuée de toute idéologie si ce n’est celle du capitalisme !


          • rodrigue 28 mars 2008 10:24

            pour les donneurs de leçons docteurs es démocratie une interview assez interessante de Gorbatchev de novembre 2007 à l’adresse :

            http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1418

            Bonne lecture pour ceux qui veulent sortir du prêt à penser arrogant et aveugle à nos propres turpitudes, censures et autre bonne conscience occidentale !

             

            G. Rodriguez


            • 5A3N5D 29 mars 2008 16:28

              "Les années passent, j’ai 76 ans, dans quatre mois j’aurai 77 ans, c’est un âge solide, alors je suis un homme qui a une grande expérience et je suis un interlocuteur crédible."

              Et très modeste, en plus le Gorbatchev !


            • ASINUS 28 mars 2008 13:16

              "qu’on juge un pays au regard de sa sante economique... "

              j ai une vieille corespondance philathelique de 30ans avec un ami ouvrier a Mourmansk

              dans ces lettres j ai pus lire la peur du vide quans les garanties minimale de l urss lui ont

              été retirées puis les terrifiantes années de la déregulation " sauvage" qui ont suivies je lui

              envoyait a l epoque de l aspirine pour sa fille aujourd hui il me dit que cela s arrange

              grace a la bonne santé economique et que les caisses de l etat russe se remplissent 

               

              qu il vit mieux que sa fille a pris un job et a pus rentrer en fac je me garde bien de lui

              faire la morale sur l abcence de democratie je sais juste que pour leonid que je n ai jamais vus

              ça vas mieux


              • Comité Cicéron 29 mars 2008 16:49

                 

                kasparov sait que la russie va mieux : il y a 20 ou même 10 ans, il aurait été enfermé comme prisonnier politique. Aujourd’hui, il manifeste librement. Il n’a pas pu se présenter aux présidentielles mais il aurait certainement eu autant de voix que Lamartine en son temps à l’élection française.

                 

                Les tchétchènes ont été victimes d’une guerre sans merci, c’est incontestable, Poutine a même été plus dur qu’Eltsine. Mais que faire face à une si petite république, entourée de républiques semblables et aspirant à l’indépendance, y compris en recourant au terrorisme ? Si vous avez la réponse, je suis très intéressé.

                 

                Alors bravo pour cet article sur l’économie russe. J’ajouterais que ce développement n’a été possible que par la moralisation de l’économie russe. Il est incroyable que les médias européens aient présenté les anciens dirigeants de Ioukos comme des victimes de l’autoritarisme de Poutine, alors qu’ils étaient connus comme des MAFIEUX REDOUTES et qu’ils avaient les moyens de dominer le pays...


                • 5A3N5D 29 mars 2008 17:31

                  @ comité cicéron,

                  "kasparov sait que la russie va mieux : il y a 20 ou même 10 ans, il aurait été enfermé comme prisonnier politique. Aujourd’hui, il manifeste librement. "

                  C’est sûr : lors de sa dernière manifestation, il a pris cinq jours de taule. :))))

                  "Il est incroyable que les médias européens aient présenté les anciens dirigeants de Ioukos comme des victimes de l’autoritarisme de Poutine, alors qu’ils étaient connus comme des MAFIEUX REDOUTES et qu’ils avaient les moyens de dominer le pays..."

                  Il est encore plus incoroyable de voir que Ioukos a été absobé par Gazprom (patron : Medvedev.) Voilà sans doute les MAFIEUX REDOUTES qui ont les moyens de gouverner le pays (et même de se faire élire.)


                • moebius 29 mars 2008 22:31

                  vodka tibet libre

                   


                  • antseb 30 mars 2008 22:31

                    Bonjour Michel, bravo pour ton analyse d’un point de vue économique de la Russie avec les imperfections que tu as relevés. Tu aurais pu aborder un peu plus, l’un des plus gros fléau de la Russie, la corruption trés présente dans ce pays. Selon le classement de l’association Transparency International, la russie a reculé dans le classement des pays les plus corrompu de la planéte à la 163éme place au même niveau que certains pays africains. Là c’est un des échecs de la politique de Poutine. Il a certe fait de la Russie un pays puissant et plus écoutés aux niveau international, mais par sa politique de restriction des libertés individuelles, d’association et de la liberté de la presse, par sa politique de restriction de la vie démocratique par 5 lois électorales, il a réussi à en faire un des pays les plus corrompu de la planéte.

                    Cf la situation des juges russes : http://www.francesoir.fr/etranger/2008/01/31/russie-magistrat-un-metier-de-chien.html

                    Comme tu écris « il faut espérer que l’élection de Medvedev soit la dernière à s’être déroulée dans des conditions imparfaites » espérons-le.

                    En attendant les la restriction de liberté d’association continue cf http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=37822

                    Les défis avenir pour Medvedev et Poutine à relever sont énorme :
                    - forte inflation,
                    - entrée dans l’OMC de leur pays ce qui fera des dégats sur l’économie russe trop dépendante des matiére premiére,
                    - lutte contre la corruption que le régime en place n’a fait qu’aumenter,
                    - baisse de la natalité, ... Pour réussir à les relever, cela devrait passer par des réformes politiques et economiques sur leur pays, Poutine et Medevedev seront il prêt pour cela à liberaliser leur régime et à peut-être perdre leur pouvoir de maniére démocratique, j’en suis pas convaincu.

                    Bien à vous

                    Antseb


                    • wesson wesson 31 mars 2008 10:25

                      ahhh, Transparency International...

                       

                      Cette association voit le mal et la corruption partout ... ou le gouvernement n’est pas au mieux avec les états unis.

                      Ce n’est d’ailleurs pas vraiment étonnant, vu que ladite association est financée principalement par un faux nez de la CIA.

                       

                      Il est effectivement très probable que la corruption soit très présente en russie, cependant pour l’estimer je ne me fierai pas vraiment à un rapport aussi connoté que ce que peut l’être ceux de transparency international.

                       


                    • Asp Explorer Asp Explorer 31 mars 2008 07:26

                      Un article très intéressant, mais qui a le tort de passer sous silence un aspect essentiel de la question : leurs nanas sont super canon.

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