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Le “peuple vénézuélien” estcelui qui est d’accord avec Donald Trump, par Alan MacLeod (Fair)

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Le dernier épisode de la présidence Trump est en cours au Venezuela. Quelques semaines après la prise de fonctions du Président Nicolas Maduro, Trump a officiellement reconnu Juan Guaidó, le président de 35 ans de l’Assemblée Nationale – qui n’a jamais participé à une élection présidentielle – comme chef d’Etat légitime. Une déclaration de la Maison Blanche (1/29/19) a annoncé que “le Président Trump appuie le peuple du Venezuela dans sa demande de démocratie, de droits de l’homme et de prospérité qui lui sont refusés par Maduro” notant que le “peuple” avait “courageusement protesté” et que les Etats-Unis poursuivraient leurs sanctions contre le pays.

De manière plus alarmante, Trump a continuellement menacé d’une intervention militaire le Venezuela (New York Times, 8/12/17) et sonConseiller National à la Sécurité John Bolton s’est laissé filmer en brandissant ostensiblement un bloc-notes où on pouvait lire : “5000 soldats en Colombie” (CNN, 1/29/19).

Avant tout envoi de soldats sur place, nous devrions nous demander : que veut dire exactement Trump par “peuple du Venezuela” ? Une récente enquête privée locale montre que 86 % des vénézuéliens s’opposent à une intervention militaire et que 81% s’opposent aux sanctions états-uniennes.

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« Le peuple vénézuélien est rempli d’espoir », titre d’une lettre ouverte publiée dans le New York Times(1/24/19)

Pourtant, il semble que les médias ont décidé que ce que “le peuple” veut, c’est un changement de régime. PBS NewsHour (1/30/19) a interviewé un résident vénézuélien à New York qui disait parler pour la population entière : “Moi – non seulement moi – mais 30 millions de personnes, soutenons la politique états-unienne” à savoir les tentatives de Washington de remplacer le gouvernement. Le New York Times (1/24/19) a publié une lettre de quelqu’un de Boston usant de manière interchangeable l’expression “le peuple vénézuélien” et “nous”, affirmant que Guaidó est ce “dont nous avons besoin” et qui nous “remplit d’espoir”.

Sur MSNBC (1/30/19), la reporter Mariana Atencio a déclaré sur un ton détaché : “Ceci est une bataille frontale entre légitimité et pouvoir. Guaidó a la légitimité mais Maduro a les armes, c-à-d le pouvoir”.

Une tribune libre du Washington Post (1/29/19) a déclaré que nous devrions offrir plus d’appui au “peuple vénézuélien” qui manifeste dans les rues en faisant pression sur le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU pour qu’il “resserre les sanctions” sur Maduro, en présentant l’image d’un monde unifié par les Etats-Unis pour lutter contre une dictature opprimant son peuple.

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Le Sénateur démocrate Chris Murphy et le conseiller d’Obama Ben Rhodes (Washington Post1/29/19) louent la déclaration de Trump “exigeant la démocratie pour le peuple du Venezuela et appelant au renversement du Président Maduro”.

En réalité, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a formellement condamné les sanctions, notant qu’elle “affecte de manière disproportionnée les pauvres et les plus vulnérables” ; celui-ci a appelé tous les états-membres à les briser et a même envisager l’hypothèse de réparations que les Etats-Unis devront payer au Venezuela. L’expert onusien qui a visité le pays a décrit les actions de Trump comme de possibles “crimes contre l’humanité” (London Independent1/27/19). Ceci n’a pas été rapporté par le New York Times, ni par le Washington Post, ni par CNN ou n’importe quel autre média national aux Etats-Unis.

Ignorant toutes ces informations, le Post (1/29/19) a noté que l’émergence de Guaidó a apporté l’espoir au “peuple du Venezuela” (ou “aux vénézuéliens qui souffrent depuis longtemps”) de “restaurer leur démocratie”. Ceci en dépit du fait que plus de 80 pour cent des vénézuéliens n’ont jamais entendu parler de Guaidó, et que le corps qu’il présidait, l’Assemblée Nationale, connaît un taux de désapprobation de près de 70 pour cent (en gros le même taux de désapprobation que pourMaduro).

Une grande part de la couverture (CNBC1/23/19 ; New York Times1/23/19 ; Fox News1/23/19) du “peuple du Venezuela” montre les manifestants pour Guaidó, mais on trouve très peu d’images ou d’articles sur les contre-manifestations d’appui au gouvernement bolivarien, qui brouilleraient l’image existante. Nous sommes ici en présence d’une ligne déjà ancienne de la politique médiatique : le terme “peuple du Venezuela” désigne exclusivement “quiconque est d’accord avec la politique des Etats-Unis”.

Dans une étude portant sur plus de 500 articles parus au cours d’une période de 16 ans et que j’ai publiée cette semaine (Race & Class1/25/19), j’ai découvert que les termes “peuple vénézuélien” ou “société civile” avaient pour référence exclusive les groupes d’opposition alignés sur (ou financés par) le gouvernement états-unien. Les intentions ou activités des Etats-Unis envers ce pays sont présentées systématiquement comme démocratiques, quelles qu’en soient la nature.

Le coup d’Etat mené par l’opposition en 2002 avec l’appui des Etats-Unis visait à renverser le prédécesseur de Maduro, le président Hugo Chávez. Le Secrétaire de Presse de la Maison Blanche Ari Fleischer présenta ces événements comme “le peuple vénézuélien se soulevant pour défendre la démocratie” (Washington Post4/13/02) et la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice déclara que les “politiques de Chávez ne fonctionnent pas pour le peuple vénézuélien” (New York Times4/15/02). Les médias ont suivi la ligne du gouvernement : le London Times a publié un article d’opinion (4/13/02) louant “le peuple du Venezuela” pour sa “mobilisation” contre le gouvernement, tandis que le Miami Herald (4/15/02) citait un observateur affirmant que le retour de Chavez au pouvoir après la déroute des putschistes signifiait que le “peuple du Venezuela avait été trahi”.

Parfois niés totalement dans leur existence, les sympathisants du gouvernement ont été constamment déshumanisés comme “bandits” (Washington Post3/29/14) ou comme “gangs” (London Times4/12/14). Le New York Times s’est référé aux contre-manifestations de travailleurs(ses) qui ont sauvé la démocratie face au coup d’Etat de 2002 comme “des bandes armées” (4/15/02), des “Dobermans” (4/12/02) ou “la pègre furieuse des sympathisants de Chávez manifestant dans la violence à travers la capitale, pillant des magasins dans des zones pauvres” (4/16/02). (Ce dernier article décrit par contre les supporters du coup d’Etat comme engagés dans “une semaine de marches pacifiques”)

En 2014, durant une nouvelle tentative de l’opposition soutenue par les Etats-Unis pour renverser violemment le gouvernement bolivarien, le comité de rédaction du Washington Post (3/29/14) insinua que la population souhaitait une intervention extérieure :

Les vénézuéliens sont désespérés par le manque d’intérêt international pour la crise politique qui secoue leur pays. Depuis que les protestations ont commencé tôt le mois dernier, au moins 34 personnes ont été tuées, pour la plupart des sympathisants de l’opposition abattus par les forces de sécurité ou par des gangs soutenus par le gouvernement.

Faisant référence au même événement, le Miami Herald (2/26/14) a publié un article d’opinion intitulé : “Le combat est entre Nicolás Maduro et le peuple du Venezuela”.

Le Président Maduro est impopulaire, avec des taux d’approbation qui se maintiennent sous les 30 %. Cependant 31 % de l’ensemble du corps électoral a voté pour lui en 2018, un pourcentage supérieur à celui que Trump ou Obama ont reçu en 2016 et en 2012 respectivement. (Personne ne soutient, de manière réaliste, qu’Henri Falcón – le principal des candidats d’opposition et qui fut entravé par un large boycott des partis de droite – ait pu récolter plus de voix que Maduro).

Le Venezuela a certainement besoin d’un changement radical mais effacer les voix et jusqu’à l’existence du peuple, comme les médias l’ont fait, ne peut que faire obstacle à la compréhension publique de la réalité et empêcher la réconciliation.

Alan MacLeod

Alan-MacLeodL’auteur : @AlanRMacLeod est membre du Groupe sur les Médias de la Glasgow University. Son dernier ouvrage “Bad News From Venezuela : 20 Years of Fake News and Misreporting” (Venezuela : 20 ans de mensonges ou d’inexactitudes) a été publié par Routledge en avril 2018.

 

Source : https://fair.org/home/the-venezuelan-people-are-whoever-agrees-with-donald-trump/

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://wp.me/p2ahp2-4xB


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8 réactions à cet article    


  • CN46400 CN46400 7 mars 2019 12:09

    Toute l’ambiguité de la notion de peuple éclate là. Le peuple comprend toutes les classes de la société, les bourgeois comme les prolos. Mais lorsque les uns parlent du peuple, ils ne parlent pas des mêmes que les autres.

    Le peuple de Trump et consort ne sent pas la sueur, mais il est incollable sur la question du taux de profit. Mais lorsqu’il se plaint, c’est de l’autre qu’il parle.

    L’autre, celui qui résiste, quand il n’est pas trompé, gagne sa pitance à la sueur de son front et doit se contenter de ce qui reste lorsque les Trumpistes se sont payé...

    La différence entre Caracas et Paris git dans le fait qu’on aurait, à Paris, du mal à prendre au sérieux un uluberlu du 16° qui voudrait renverser le gouvernement en surfant sur la misère du 93. Alors que, toujours de Paris, cette situation est admise pour Caracas....


    • Hervé Hum Hervé Hum 8 mars 2019 09:10

      @CN46400

      "Toute l’ambiguité de la notion de peuple éclate là. Le peuple comprend toutes les classes de la société, les bourgeois comme les prolos. Mais lorsque les uns parlent du peuple, ils ne parlent pas des mêmes que les autres.

      "

      Voilà pourquoi la démocratie ne peut pas exister dans toute société fondée sur l’opposition de classes sociales !

      La condition absolue pour que la démocratie existe dans son sens étymologique, exige qu’il n’y ait pas de classes sociales en conflit d’intérêt, mais en convergence d’intérêt. Or, dans les pays pseudo démocratique comme en France, le seul cas où il y a apparence de convergence d’intérêt, c’est en état de guerre. Voilà bien pourquoi, cet état doit être permanent, du moins en menace, pour permettre un minimum de convergence d’intérêt, du moins, le faire croire au bas peuple.

      En l’état actuel, le mot démocratie employé par les dirigeants politiques comme la France, ne parle réellement que de la classe des propriétaire de l’économie, pour eux, nous vivons effectivement en démocratie, la leur où il s’agit juste de décider du taux d’imposition, mais pas de changer de système, règles économiques !


    • Legestr glaz Legestr glaz 8 mars 2019 09:37

      @Hervé Hum

      Vous écrivez : «  le mot démocratie employé par les dirigeants politiques comme la France..... où il s’agit juste de décider du taux d’imposition, mais pas de changer de système, règles économiques  ! »

      Dans un système « supranational », qui est l’Union européenne, auquel appartient la France, que veut dire « démocratie » et quels sont les « pouvoirs » réels des dirigeants politiques Français ? Ils font de la figuration et, s’ils prennent des « décisions », ils le font dans un cadre contraint par les traités européens d’une part, et la kyrielle d’obligations émanant des règlements européens, des directives européennes, des Grandes Orientations de politique économique définies par l’U.E. 

      Les dirigeants politiques français, ne dirigent pas la France ! 

      • Les orientations programmatiques de l’Union européenne en matière économique, politique et sociale, sont intégrées aux traités et donc gelées.

      • Ces orientations sont juridiquement obligatoires et indiscutables au sein des institutions de l’Union européenne et des Etats membres devant les mettre en œuvre.

      • Les électrices et les électeurs peuvent changer de dirigeants tous les 5 ans, ces derniers resteront toujours juridiquement tenus par le programme économique consacré dans les traités.

      Dans les maisons d’arrêt et les centrales pénitentiaires, les détenus sont « absolument libres » d’aller et venir, de se promener où ils le souhaitent, à condition qu’ils restent dans la cour de la prison ! On peut parler, pour ces personnes, de « liberté » n’est-ce pas ? 



    • Hervé Hum Hervé Hum 8 mars 2019 10:39

      @Legestr glaz

      La démocratie, dans son sens étymologique, n’implique pas de s’arrêter aux frontières d’un pays, elle peut tout aussi bien parler de toute l’humanité en tant que peuple de la Terre. Et en fait, la démocratie à notre époque ne peut venir que de l’union des peuples, résolvant leurs antagonismes uniquement sur la base de la raison, logique, c’est à dire, sur la base des règles d’équités sociales et économiques. Sans cela, nous vivrons toujours en dictature, car la nécessité des chefs continuera, puisque la guerre entre tous (appelé concurrence en économie) ne pourra pas être dépassé. Cet, selon les lois de la physique, impossible !

      Le mot implique par contre qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêt entre les différentes classes ou groupes culturels à l’intérieur du peuple, car cela interdit la souveraineté du peuple en tant qu’unité de ses membres, mais uniquement une lutte permanente entre minorité et majorité, chacune étant dominé par des chefs. La démocratie n’admet pas de chefs, c’est antinomique !.

      L’argument, le seul, pour affirmer la démocratie à l’intérieur d’une société avec des classes ayant des intérêts contraires est dans le fait que la ou les parties perdantes aux élections ; acceptent de subir la volonté des gagnants, sur la base de pouvoir changer d’option de manière régulière.

      Mais, lorsque la politique économique est déjà scellée et ne peut être réellement discuté et donc changé, cet argument ne peut effectivement plus être invoqué et c’est ce que votre commentaire stigmatise.

      Mais cela n’est pas lié au fait que les dirigeants français ne seraient plus maîtres de la politique française, car même avant l’avènement de l’UE, les dirigeants français étaient déjà pieds et poings liés. L’UE n’a fait que confirmer cet état de fait, rien d’autre.

      Car le principe de la souveraineté du peuple, indépendamment de l’antagonisme de ses différentes classes sociales, implique, exige la transparence totale de l’information et sa non manipulation sous quelque motif que ce soit. Or, la principale manipulation de l’opinion publique ne réside pas tant dans la dissimulation de certaines informations, mais dans son traitement visant à cacher, tronquer les relations de causalités qu’implique toute information factuelle. Cas actuel sur le Venezuela où la crise humanitaire, provoquée et soutenue par les dirigeants US n’est pas rappelé par les médias de propagande détenues par la classe des propriétaires de l’économie et des gouvernements à leur bottes.

      Bref, de partout où l’on regarde, la démocratie n’existe pas... Encore !


    • Legestr glaz Legestr glaz 8 mars 2019 15:09

      @Hervé Hum
      Je partage pour partie votre commentaire.

      En Suisse, il existe une démocratie semi-directe. Il y a, certes, des représentants, mais ceux-ci, sont, au plan constitutionnel, sous la surveillance du Peuple qui possède ce que l’on appelle le « référendum facultatif » décliné au plan fédéral, cantonal et communal.

      Par ailleurs, avec la Suisse, nous avons sous les yeux l’exemple le plus abouti de ce que l’on peut appeler « la démocratie ». La Constitution suisse donne sa place au Peuple dans les décisions qui le concerne.


    • CN46400 CN46400 8 mars 2019 18:18

      @Hervé Hum
      Vous avez, évidemment, raison. La démocratie oui, mais pour qui ?


    •  C BARRATIER C BARRATIER 7 mars 2019 20:59

      De quoi nous mêlons nous ? Nous sommes aussi pitoyables que TRUMP qui a le pouvoir d’accumuler les conneries.

      Si personne de l’extérieur ne s’en mêle, la crise, comme d’autres, se résorbera entre vénézuelliens.


      • Laurent 47 8 mars 2019 17:50

        Quand est-ce qu’on va enfin être débarrassés de Stan Laurel et Oliver Hardy ( Mike Pompeo et John Bolton ) ?

        Ces deux guignols, malgré toutes leurs pitreries à l’américaine, commencent à nous emmerder sérieusement !

        Ils ne peuvent pas se reconvertir en pizzaïolos, par exemple ?

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